Brigitte Giraud : Un loup pour l'homme

Un loup pour l’homme      par     Brigitte Giraud.

Flammarion (2017), 245 pages ; J'ai Lu (2018).

 

Brigitte Giraud en est à son neuvième roman et son talent est de plus en plus reconnu. On a parlé de Un loup pour l’homme mais, à part une présence dans les listes de sélection pour différents prix, en 2017, on en est resté là et c’est dommage car c’est un livre plein de sensibilité, de tendresse et d’humanité.

 

 

L’Algérie, Brigitte Giraud (photo ci-contre) y est née, à Sidi-Bel-Abbès, justement la ville où Antoine et Lila, ses deux principaux personnages qui, comme ses parents, vont se retrouver. Auparavant, Lila tente de faire interrompre sa grossesse car Antoine est appelé par l’armée. Elle a 22 ans et son mari va lui être bientôt confisqué. Ne voulant pas porter les armes, il a fait une formation d’infirmier militaire.

 

 

Avec la traversée de la Méditerranée, dans la cale d’un bateau, où s’entassent près de mille hommes, l’auteure réussit une page qui remue autant que la houle avant qu’Antoine découvre que soigner pouvait être sauvage et dangereux. « On leur avait dit Algérie, maintenir l’ordre, personne ne leur avait parlé de combats. »

 

Après Alger, il se retrouve à l’hôpital de Sidi-Bel-Abbès et apprend de nouveaux mots : djebel, gourbi, fellagha, mektoub… Sa vie est détaillée dans son quotidien. Il se rapproche d’un jeune soldat amputé de la jambe : Oscar. Il le rassure et découvre en même temps la souffrance et la misère.

 

 

Lors d’une permission, Antoine sent que la situation évolue : « La peur est là qui gagne, celle de la guerre qui couve, celle de la vie qui vient dont il pressent qu’elle est trop exigeante pour lui. » Il écrit régulièrement à Lila mais voilà que celle-ci décide de le rejoindre. Courage ou inconscience ?

 

 

Dans la seconde partie, Lila et Antoine s’installent dans un appartement et cela permet de découvrir un peu plus la ville. Lila découvre que « les Arabes font la plonge et passent la serpillère. » La guerre se rapproche. Antoine est au contact des morts, des blessés. Quand il rentre chez lui, ce n’est pas facile après les élans des premières semaines : « Ils sont chacun dans leur univers, il se change en bout de bois, presque un intrus à sa table. »

 

 

La troisième partie met en lumière Oscar alors que Lila a accouché d’une petite fille. Quel style ! Quelle écriture pour nous faire partager la joie d’Antoine, heureux, éperdu de bonheur !

 

 

« Il oublie la rébellion qui gagne, il sait que ce temps est suspendu, qu’on est juste avant une vague qui promet d’être noire. »

 

 

 

Tout au long d’une lecture qui fourmille de détails, j’ai été vraiment surpris par la délicatesse de l’auteure, par sa finesse d’analyse psychologique pour parler des sentiments des appelés, de leur rapport au pays, des souffrances des blessés, des dégâts irrémédiables causés par ces années de guerre. Quand ces appelés rentrent : « Ils laissent un  pays qu’ils n’ont pas eu le temps d’aimer, ils laissent tout ce qui fait un homme de 20 ans, et qu’ils ne retrouveront jamais. » Antoine « a fini par comprendre le rôle que jouait l’armée française, le lourd tribut payé par la population algérienne et il se sent trahi. »

 

 

 

Certaines scènes sont terribles, haletantes, sauvages. Il faut lire Un loup pour l’homme pour éclairer notre mémoire, nous informer toujours plus sur une période dont les traces sont toujours visibles aujourd’hui.

Jean-Paul

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