Jean-Christophe Rufin : Le collier rouge

Le collier rouge     par    Jean-Christophe Rufin.

nrf, Gallimard (2014) 155 pages ; Folio (2015) 176 pages.

 

Un gros chien marron à poils courts, sans collier, avec une oreille déchirée, aboie sans arrêt devant la caserne déserte d’une sous-préfecture du Bas-Berry où Jacques Morlac est détenu prisonnier. Un homme est chargé de sa surveillance. Nous sommes en 1919 et ce prisonnier militaire doit être interrogé par le Chef d’escadron Hugues Lantier du Grez, juge chargé de son dossier.

 

Comme il nous en a donné l’habitude, Jean-Christophe Rufin livre un roman très bien écrit et plein d’enseignements. La Première guerre mondiale est terminée mais « Personne ne pouvait avoir vécu cette guerre et croire encore que l’individu avait une quelconque valeur. »

 

L’auteur apporte un éclairage très intéressant sur le Front d’Orient, à partir de Salonique, des batailles oubliées ou méprisées. Morlac y était et Lantier n’hésite pas à parler des « planqués » en Orient… Là-bas, notre homme a même été décoré de la Légion d’Honneur pour un acte de bravoure exceptionnel, en 1917.

 

Au fil des pages, tout est dit sur les différents ressentis des soldats : « Pour l’homme des villes, l’arrière, c’était le plaisir, le confort, la lâcheté, en somme. Pour celui des campagnes, l’arrière, c’était la terre, le travail, un autre combat. »

 

Profitant de rares permissions, avant de partir pour l’Orient, Morlac, grâce à Valentine, a pu lire Proudhon, Marx, Kropotkine et d’autres auteurs encore qui lui ont ouvert les yeux et donné envie de fraterniser avec l’ennemi bulgare, inspiré par la révolution russe. Son chien qui l’a suivi là-bas, ne peut pas comprendre cela : « Il était loyal, jusqu’à la mort, courageux, sans pitié envers les ennemis. »

 

Au travers de leurs discussions, Morlac révèle le fond de sa pensée à Lantier : « La seule victoire qui vaille est celle qu’il faut gagner contre la guerre et contre les capitalistes qui l’ont voulue. »

 

Allant au bout de ses idées, le prisonnier refuse tout compromis mais l’amour de Valentine aura raison d’une logique implacable et bornée. Pour l’auteur, les décorations récompensent la part animale des hommes alors que la fraternisation aurait justement redonné priorité à notre humanité.

 

Jean-Christophe Rufin (photo ci-dessus) a situé Le collier rouge près de Bourges, sa ville natale où il a vécu plusieurs années. Son roman précédent, Le Grand Cœur , se passait aussi en partie dans sa région d’origine puisqu’il retrace la vie mouvementée de Jacques Cœur.

 

Jean-Paul

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