Maryam Madjidi : Marx et la poupée

Marx et la poupée            par         Maryam Madjidi.

Le nouvel Attila (2017), 201 pages ; J'ai Lu (2018) 224 pages.

Goncourt du Premier roman 2017.

 

 

Chahdortt Djavann, Negar Djavadi, Marjane Satrapi, Mana Neyestani et d’autres encore ont écrit, dessiné  à  propos de leur pays, l’Iran, qu’ils ont dû quitter, fuir au péril de leur vie, parfois, mais Marx et la poupée, premier roman de Maryam Madjidi (photo ci-dessous) livre encore un autre éclairage sur l’exil et ce retour qui devient vite impossible.

 

Tout commence dans le ventre de sa mère, en 1980, à l’université de Téhéran : « Ma mère porte ma vie mais la Mort danse autour d’elle en ricanant, le dos courbé… » Obligée de sauter du deuxième étage pour échapper au viol, au massacre, elle ne perd pas son enfant, heureusement ! Cette enfant écrit aujourd’hui et égrène ses souvenirs. Elle parle entre autres de la voix de sa grand-mère et de ses jouets que ses parents lui demandaient de donner aux enfants du quartier. Elle a 5 ans et ne comprend rien au communisme car on veut lui apprendre le détachement matériel et l’abolition de la propriété.

 

 

Avant de se retrouver à Paris, en 2005, elle évoque Saman, son oncle âgé de 19 ans, qu’elle va voir en prison. Il parle maintenant des huit années passées dans une des pires prisons du monde. Elle dont les parents transportaient des documents du Parti communiste dans ses couches, livre ses souvenirs de « ce pays qui massacre ses meilleurs enfants. »

 

 

Son père déjà en France, elle est restée avec sa mère qui veut poursuivre ses études de médecine en Iran. Il avait été viré de la banque parce qu’il distribuait des tracts anti-Khomeini puis sa mère éjectée de l’université après avoir manifesté.

 

 

Le récit est précis bien que non chronologique mais les retours en arrière sont indispensables et attendus afin de comprendre cet exil et toutes ces souffrances endurées par tant de gens privés de liberté d’expression et menacés dans leur existence.

 

 

Le titre de la seconde partie : Deuxième naissance, est éloquent. Maryam Madjidi n’hésite pas à parler du concret, de la nourriture quotidienne, de nos habitudes, de tout ce qu’elle doit reprendre à zéro pour pouvoir vivre le plus normalement possible en France. Lorsqu’elle part travailler en Chine, à 32 ans, elle regrette nos croissants !

 

 

Elle parle aussi de cette nouvelle langue qu’elle apprend, refusant d’abord de parler puis rejetant ensuite le persan que son père essaie de conserver à la maison. Sa Troisième naissance la réconcilie  avec sa langue maternelle et des poètes comme Omar Khayyâm et Sadegh Hedayat. Pourtant, son retour à Téhéran, en juillet 2003, est un échec malgré cet amant fugace qui lui fait découvrir « les ruelles mal famées et pauvres du sud de Téhéran… le tchador noir des femmes, femmes-corbeaux au visage caché… »

 

 

Sa grand-mère a raison lorsqu’elle lui dit : « Tu es trop libre pour ce pays. » Alors elle travaille quatre ans en Chine, un an à Istanbul puis revient à Paris où elle repense à ce chauffeur de taxi qui, à Téhéran, lui récita un poème de Hâfez (XIVe siècle) et ajouta : « la seule chose que nous avons su préserver, c’est notre poésie et c’est la seule chose à sauver de l’Iran. »

 Jean-Paul

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J
Encore une femme cabossée, une femme iranienne. C'est un drôle de pays quand même; Je comprends que certains iraniens aient envie de se tailler ailleurs. Elle, elle l'a fait. Elle est parti travailler partout. En Chine, puis à Istanbul, puis revient à Paris, retrouver ses croissants. Merci Maryam Madjidi d'aimer nos croissants. Oui sa grand mère avait raison. Elle est trop libre pour ce pays.
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