Simone Veil ou la force d'une femme : Annick Cojean, Xavier Bétancourt, Étienne Oburie

Simone Veil    ou la force d’une femme. 

BD par Annick Cojean et Xavier Bétaucourt (scénario).

Étienne Oburie (dessin).

Steinkis/Plon (2020) 111 pages.

 

Quelle belle idée de conter la vie de Simone Veil en bande dessinée avec Annick Cojean et Xavier Bétaucourt au scénario, Étienne Oburie assurant un dessin tout en douceur et en finesse ! Grâce à Babelio (Masse critique) et aux éditions Steinkis/Plon que je remercie, je viens de passer un excellent moment de lecture.

 

 

Annick Cojean, la célèbre journaliste du Monde dont j’appréciais beaucoup la série de biographies intitulée Duels, sur France 5, était évidemment la plus qualifiée pour raconter. Grâce à ses rencontres, ses articles, un livre déjà, elle était très bien placée pour nous rappeler qui était cette femme au courage et à la volonté extraordinaires. Si elle est au Panthéon aujourd’hui, avec son mari, Antoine Veil, ce n’est que justice.

 

 

Dans la foulée ou plutôt dans la roue du scooter d’Annick Cojean (photo ci-dessous), j’ai été emporté dans les phases essentielles de la vie de Simone Veil. De sa première rencontre à la sortie d’un Conseil des Ministres, en 1979, alors qu’elle est stagiaire à Europe 1, jusqu’à cette longue conversation de juin 2004 pour un livre que l’éditeur Jean-Marc Roberts veut publier avec l’intégralité du discours de Simone Veil défendant sa loi pour l’interruption volontaire de grossesse, les deux femmes qui ont en commun un amour profond pour leur mère, se confieront l’une à l’autre.

 

 

Simone Veil parle de son enfance heureuse à Nice, de la guerre, de l’occupation et de la déportation à Auschwitz avec sa mère et Milou, sa sœur aînée, de Birkenau où, à 16 ans, elle sympathise avec Marceline Loridan (Et tu n'es par revenu ; L'amour après) qui a un an de moins, puis Bergen-Belsen et la marche de la mort. Ses épreuves terribles, inimaginables sont contées avec pudeur et précision. Son féminisme, son combat pour les femmes prend racine.

 

 

Son père et son frère ont disparu en Lituanie. Sa mère a succombé au typhus un mois avant leur libération et Simone Jacob a dû réapprendre à vivre. Elle épouse Antoine Veil et ne cesse de se battre pour l’indépendance des femmes, pour qu’elles aient d’abord un métier.

 

 

Elle a eu trois fils et confie avec humour qu’avec son mari, cela fait quatre machos… Elle les aime mais ne cède rien. Entrée dans la magistrature, elle lutte pour améliorer les conditions de vie des personnes détenues. Avec Gisèle Halimi, elle obtient le transfert depuis l’Algérie, de Djamila Boupacha, militante FLN, torturée et violée.

 

 

Je ne peux citer que quelques éléments mais il faut lire cette BD dessinée avec tendresse, les couleurs sépia variant avec la période contée. Vous rencontrerez aussi quelques personnages importants de la Ve République et un florilège consternant de quelques interventions de députés de droite, le camp de Simone Veil, pour contrer son projet de loi en faveur des femmes.

 

Simone Veil ou la force d’une femme est un bel album qui se termine avec la publication du magnifique article signé Annick Cojean, publié dans Le Monde daté des 2 et 3 juillet 2017 alors que cette grande dame qui fut Membre du Conseil Constitutionnel, Ministre de la Santé, Ministre d’État, Présidente du Parlement européen et membre de l’Académie française, venait de mourir. Ce texte débute ainsi : « C’est de ses yeux d’un vert transparent et liquide qu’on se souvient d’abord. De ses yeux si clairs, si vifs, qu’elle plantait dans les vôtres et qui semblaient exclure qu’on puisse se dérober, esquiver, mentir ou faire semblant. »

 

Jean-Paul

 

 

Simone Veil    ou la force d’une femme. 

BD par Annick Cojean et Xavier Bétaucourt (scénario).

Étienne Oburie (dessin).

Steinkis/Plon (2020) 111 pages.

 

Le 30 juin 2017, alors qu'Annick Cojean se rend en scooter au journal Le Monde où elle travaille, un coup de fil de son collègue Benoît lui apprend le décès de Simone Veil. Bien que la nécro soit prête, le journal compte sur Annick pour un papier de huit pages, plus perso où elle raconterait ses différentes rencontres avec cette femme hors du commun.

 

Si pour beaucoup de personnes Simone Veil, née Jacob dans une famille juive profondément laïque, restera avant tout cette femme magistrate, ministre de la Santé  nommée par Jacques Chirac qui, le 26 novembre 1974, prononce à l'Assemblée nationale un discours historique présentant son projet de loi pour la légalisation de l'avortement, elle est l'une des plus grandes femmes politiques françaises.

 

L'originalité de cette BD biographique est de raconter la vie de Simone Veil en nous présentant tous les combats de cette femme brillante, tellement engagée et combattive, prête à lutter contre toutes les injustices et notamment celles envers les femme tout en nous faisant entrer dans l'intimité et la vie personnelle de celle-ci. Le fait qu'Annick Cojean ait côtoyé et rencontré Simone Veil à plusieurs reprises rend le récit très personnel et très vivant.

 

Annick Cojean et Xavier Bétaucourt nous apprennent donc comment Simone qui voulait être avocate, profession à laquelle son mari a mis son veto, mais compromis trouvé, est devenue magistrate. Affectée à la direction de l'administration pénitentiaire, elle s'occupe des prisonniers, va en Algérie inspecter les prisons, reçoit un appel à l'aide de Gisèle Halimi, puis sillonne tout la France pour visiter les établissements pénitentiaires. Cette activité empiète évidemment sur sa vie de famille "Mon mari et mes enfants n'en pouvaient plus ils ne voulaient plus entendre parler des prisons". Après ces sept années, elle est affectée comme nouveau garde des sceaux à la direction des Affaires Civiles. S'enchaîne ainsi sa carrière politique, toujours à s'occuper des exclus, des oubliés, des humiliés. Est évoquée bien sûr la vie dans les camps où Simone, sa maman et sa sœur Milou ont été déportées et où elle rencontrera Marceline, qu'elle retrouvera en 1956.

 

À 81 ans, elle est élue au premier tour à l'Académie Française. Sur son épée, elle a fait graver son n° de déportée et la devise de l'Europe : "Unie dans la diversité".

 

C'est le récit de la vie d'une femme intelligente, forte, prête à lutter contre toutes les injustices, que l'on pourrait peut-être trouver froide si l'autrice n'en dévoilait pas certains traits plus personnels. On apprend que Simone Veil avait une étroite relation avec sa mère de même qu'avec ses trois fils. Elle confie, qu'après la guerre, elle n'a pleuré que deux fois, la première en 1952, lorsqu'elle perdra sa sœur Milou dans un accident et en 2002, pour la perte de son fils Claude-Nicolas (54 ans) victime d'une crise cardiaque.

 

Annick Cojean et Simone Veil partagent d'ailleurs cet amour pour leur mère respective et leurs vies vont parfois s'entremêler au cours du livre.

 

L'album se termine le 1er juillet 2018  avec l'inhumation de Simone Veil au Panthéon, un an après son décès, avec son mari Antoine.

 

Ce portrait admiratif, très délicat, alternant moments intimes et politiques que dressent Annick Cojean et Xavier Bétaucourt est superbement mis en valeur par le dessin sobre mais très évocateur et très réaliste, en teintes douces d’Étienne Oburie, même si j'apprécie peu la couverture.

Ghislaine

 

 

 

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D
Je l'ai achetée et lue hier, une belle réussite, à conseiller vivement.
Répondre
J
Complètement d'accord et je pense que ce sera bien de relire cette BD de temps à autre...
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