Sébastien Rutés : Mictlán

Mictlán         par      Sébastien Rutés.

nrf Gallimard / la noire (2019) 153 pages.

 

Quelle aventure ! Quelle histoire remplie de cadavres où la mort est omniprésente, passée ou à venir ! La citation de B. Traven, un auteur dont j’ai beaucoup apprécié La révolte des pendus, La charrette et Rosa blanca, cette citation placée en épigraphe m’a fait tout de suite penser que j’allais plonger dans un drame mexicain et je n’ai pas été déçu.

 

Mictlán, le lieu où les morts peuvent enfin accéder à l’oubli, est encore loin quand Sébastien Rutés m’embarque dans la cabine d’un camion semi-remorque frigo transportant cent cinquante-sept cadavres que le Gouverneur veut cacher en le faisant rouler constamment.

 

Pour conduire ce transport macabre, deux hommes : Gros et Vieux, comme l’auteur les appelle. Ils ne s’entendent pas vraiment mais cohabitent par force sous la menace du Commandant qui couvre son supérieur visant sa réélection.

 

Ici, je dois tout de suite parler du style d’écriture particulier de ce roman très noir découvert dans le cadre des Explorateurs du Polar de Lecteurs.com, un livre édité par Gallimard dans sa collection La Noire. Sébastien Rutés m’a étonné dès les premières lignes en écrivant sans finir ses phrases, les mots et expressions s’enchaînant sans cesse dans le mouvement de ce camion qui roule, qui roule vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans le désert. Surpris, au début, j’ai ensuite bien apprécié le style, la pertinence des réflexions, leur à-propos ainsi que les informations distillées au fil des pages.

 

Enfin, il faut bien s’arrêter pour faire le plein dans une station-service et là, je retrouve un chapitre classique, des phrases courtes, des paragraphes. Cela permet de souffler très peu car les événements se précipitent, nos deux compères reprennent leur périple et le style s’adapte aussitôt à la route qui défile.

 

Roman noir intrigant, palpitant, angoissant, macabre, Mictlán fait réfléchir au sens de la vie, à la misère, au pouvoir qui sacrifie les humains et autres êtres vivants sans état d’âme, enfin à la mort qui nous attend tous et toutes.

 

Souffrir, ne pas souffrir, faire du mal à ceux qu’on aime, Gros y pense, revoit tout cela dans ses rêves agités lorsqu’il peut enfin dormir dans la cabine surélevée du camion pendant que Vieux conduit. Chacun revoit sa femme et sa fille ou sa mère et sa sœur mais il est temps de chercher un peu de paix, de trouver un peu de quiétude pour les vivants comme pour les morts.

 

À la fin du livre, l’auteur qui publie son sixième roman, explique qu’en novembre 2018, un camion semi-remorque contenant cent cinquante-sept cadavres a été retrouvé près de Guadalajara, au Mexique. Ils étaient tous morts de mort violente. Ils étaient là parce que les morgues étaient pleines.

 

C’est cette information qui a été le point de départ de son écriture, écriture que Sébastien Rutés (photo ci-dessus) conduit magistralement à son terme.

Jean-Paul

 

 

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D
Une découverte, merci pour ton article, je ne connais pas du tout cet auteur.
Répondre
J
Belle découverte pour moi aussi grâce à... Lecteurs.com... Un écrivain qui se démarque vraiment par son style, une écriture originale.
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