Annie Ernaux : La honte

La Honte        par     Annie Ernaux.

Gallimard (1997) 144 pages ; Folio (1999). 144 pages

 

 

 

Cela commence un dimanche de juin 1952, le 15 exactement, à midi : « Mon père a voulu tuer ma mère. »

 

C’est l’année du renouvellement de sa communion. Elle a 12 ans et s’en souvient encore. Les photos, peu nombreuses, alimentent ses souvenirs comme la liste des objets datant de cette année. Des cartes postales, un album, une petite trousse, la partition d’une chanson Voyage à Cuba, un missel… et son père qui disait : « tu vas me faire gagner malheur ».

 

Elle se rend aux Archives de Rouen pour consulter Paris-Normandie de 1952, le journal de ses parents et redécouvre ce qui faisait l’actualité « Je connaissais la plupart des événements évoqués, la guerre d’Indochine, de Corée, les émeutes d’Orléansville, le plan Pinay mais je ne les aurais pas situés spécialement en 52… »

 

 

Elle passe ensuite à sa ville d’Y., une ville qu’elle ne peut nommer « le lieu d’origine sans nom où, quand j’y retourne, je suis aussitôt saisie par une torpeur qui m’ôte toute pensée, presque tout souvenir précis, comme s’il allait m’engloutir de nouveau. » Cela ne l’empêche pas de détailler la topographie de cette ville : rues, quartiers pour arriver « chez nous », l’épicerie-mercerie-café. Elle recense les expressions et les gestes du quotidien, se souvient « Tous les soirs de la semaine, à 7 h 20, La famille Duraton » et ajoute « Ici, rien ne se pense, tout s’accomplit. »

 

 

Elle nous livre un tableau détaillé, très complet de la société qui l’a vue grandir, décrit la politesse et la conduite à tenir pour une fille de commerçants, n’oubliant pas de confier ses sentiments. L’école privée catholique tient une grande place avec cette religion omniprésente, le mot laïc étant synonyme vague de mauvais. Sa mère est très assidue alors que son père fait le minimum.

 

 

Mêlée aux filles de l’école privée, petit à petit, elle a de plus en plus honte du métier de ses parents : « comme d’une conséquence inscrite dans le métier de mes parents, leurs difficultés d’argent, leur passé d’ouvriers, notre façon d’être. Dans la scène du dimanche de juin. La honte est devenue un mode de vie pour moi. »

Jean-Paul

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