Martin Winckler : Le Chœur des femmes

Le Chœur des femmes        par     Martin Winckler.

P.O.L. (2009). 602 pages. Folio (2011 et 2017), 688 pages.

 

Ce livre dont je n’avais jamais entendu parler est une véritable découverte. Martin Winckler (photo ci-contre) s’était fait connaître avec La maladie de Sachs puis avec ses interventions sur les ondes, ses conseils étant toujours frappés du bon sens et d’une logique contrant souvent les diktats des pontes de la médecine et de la pharmacologie. En 2016, il avait publié Abraham et fils. J’avais lu ces deux livres et j’avais été conquis par ce médecin-écrivain qui a plusieurs autres ouvrages à son actif.

 

 

Le Chœur des femmes me semble encore d’une autre envergure par rapport aux deux que je viens de citer et sa double réédition en Folio prouve qu’il est lu. Tant mieux ! Suivre le parcours de cette jeune interne brillante et très douée, Jean (prononcer Djinn) Atwood, est passionnant, émouvant, instructif et devrait élargir l’esprit de beaucoup de spécialistes se réfugiant derrière science et technique toutes puissantes.

 

 

S’il situe son histoire dans l’unité 77 du CHU de Tourmens, lieux imaginaires comme les événements qu’il relate, Martin Winckler précise que tout le reste est vrai, grâce à son site internet qui recueille tant de témoignages dont il nous fait profiter.

 

 

Franz Karma, dit « Barbe-Bleue », n’est pas très sympathique : « Il a le profil d’un rapace, des lunettes rondes, les cheveux plutôt courts mais hérissés d’épis et une barbe fournie. » Djinn vit comme une punition ce stage qui lui est imposé dans ce secteur dédié à la gynécologie alors qu’elle ne pense qu’à opérer, étant formée pour cela au cours d’études brillantes.

 

 

Avec Franz, elle va apprendre à écouter mais son caractère entier, sans concession, ne lui facilite pas les choses : « Et de toute manière, qu’est-ce que j’en ai à foutre de ces femmes et de leurs malheurs ? C’est pas moi qui vais m’en occuper. Moi, je suis faite pour ouvrir, découvrir, inciser, extirper, découper, réparer. Je suis là pour soigner des maladies, des vraies, pas pour tenir la main ou écouter pleurer. » On cerne bien ainsi le personnage qui arrive dans l’unité 77 où le docteur Karma lui a donné une semaine pour se décider : rester ou non.

 

 

Nombreuses rencontres, amitiés riches d’enseignements, quantité de témoignages et de situations difficiles, parfois humainement insoutenables font évoluer Djinn. J’ai trouvé cette transformation extraordinaire de simplicité et de courage. Karma est clair : « Ce qu’une femme ressent est beaucoup plus important que ce que vous savez… Une relation de soin, ce n’est pas un rapport de force… Mais on vous a formée pour penser d’abord au plus compliqué, au plus rare et au plus grave, pas au plus simple, au plus courant, au plus bénin. »

 

 

Cette profonde leçon de médecine humaine, à hauteur d’homme ou de femme« Mais nom de dieu, chez un médecin, la gentillesse ça devrait être un équipement de série, par une option !!! » - se double d’une approche sensible du transgenre : « Les situations d’intersexualité sont des variantes du développement sexuel, pas des maladies. »

 

 

Il faut écouter Le chœur des femmes et ce livre devrait faire partie de ce que tout médecin devrait lire non seulement pour savoir écouter mais aussi pour s’affranchir du pouvoir insidieux des grands labos : « Le corps d’un patient n’est ni un tube à essais, ni un cahier de brouillon. »

 

 

Le Chœur des femmes est aussi un vrai roman plein de surprises et d’amour.

Jean-Paul

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