Sébastien Rutés : Mictlán

Mictlán        par    Sébastien Rutés.

nrf Gallimard / la noire (2019) 153 pages.

 

 

Mictlán, en langue nahuatl,  famille des langues uto-aztèques, et actuellement la langue indigène la plus parlée au Mexique, signifie « le lieu des morts », où les défunts accèdent à l’oubli après un long voyage à travers le monde d’en bas.

 

Le titre de ce thriller, peu conventionnel, de par sa traduction résume assez bien l’âme de celui-ci.

 

Dans un pays d’Amérique latine, jamais nommé, même si Sébastien Rutés (photo ci-contre) a pris comme point de départ un fait divers mexicain datant de 2018, où la criminalité, comme les inégalités et la pauvreté ont explosé, les élections approchent. Le Gouverneur, candidat à sa propre réélection, doit tenter de cacher tous ces cadavres victimes de la violence ordinaire, « vu que les chambres froides des morgues et des hôpitaux et même des boucheries-charcuteries sont pleines, et les cimetières aussi ... ».

 

Deux hommes, au passé sombre, Gros et Vieux ont accepté de prendre le volant de ce  semi-remorque chargé de 157 cadavres. Ils ont l’ordre du Commandant de rouler 24 heures sur 24, sans jamais s’arrêter sauf pour faire le plein de carburant et alors, interdiction d’ouvrir la remorque réfrigérée.

 

C’est donc à ce voyage que nous sommes conviés, dans cette cabine où les deux protagonistes se relayent et se surveillent. L’auteur nous laisse entendre les points de vue de ces deux hommes hantés par leur passé de misère et de violence livrant leurs pensées, ainsi que celui du narrateur, tout au cours de ce voyage hallucinant et sans pause, comme la longue phrase que constitue le premier chapitre.

 

 

Mais le lieu où les morts peuvent enfin accéder à l'oubli, est encore loin et les embûches vont être nombreuses et il va falloir faire face aux narcos, aux gangs, aux flics, aux militaires... Nous sommes plongés dans un pays en proie au chaos le plus total, dans un monde inhumain, où tout est hostile, où la violence, la terreur et la mort règnent : pour survivre, il faut tuer.

 

 

C’est un roman noir, très noir, avec cependant des petits instants de beauté et, vers la fin du voyage, une lueur d’humanité et comme une sorte d’apaisement.

 

 

Ce petit opus très sombre, assez éprouvant, dérangeant, bouleversant, au style épuré mais non sans une certaine poésie, ne peut en aucun cas laisser le lecteur impassible.

 

 

La forme littéraire est en complète adéquation avec le fond du roman, ni trêve, ni respiration : un véritable exploit !

Ghislaine

 

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