Edgar Hilsenrath : Terminus Berlin
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Terminus Berlin par Edgar Hilsenrath
Traduit par Chantal Philippe
Le Tripode (2019). 222 pages

Retrouver Edgar Hilsenrath est un véritable plaisir, hélas teinté d’émotion et de regret car Terminus Berlin est son dernier livre comme l’avait annoncé lui-même son auteur et puisque celui-ci est mort fin 2018.
Même si je n’ai pas tout lu de cet écrivain allemand, Le nazi et le barbier, Orgasme à Moscou et Fuck America m’ont permis de comprendre, d’apprécier son style et surtout de réaliser ce que fut sa vie. Cette vie, justement, il nous en redonne les clés dans Terminus Berlin, même s’il change les noms et modifie quelques événements.
Il a tout connu de la barbarie nazie, les brimades et les souffrances durant son enfance dans la ville de Halle où ses parents, juifs, étaient commerçants. Il a vécu la fuite, le pogrom et cette shoah qu’il voit appliquer avant de s’exiler aux États-Unis après avoir trouvé refuge en France.
Dans les années 1980, c’est de New York que son héros, Joseph Leschinsky qu’on appelle Lesche, où il est écrivain sans succès, veut partir pour revenir en Allemagne, à Berlin. Malgré tout ce que lui et sa famille ont enduré à cause de son pays d’origine, il veut y retourner car il a besoin du pays et surtout de la langue qu’il continue à pratiquer et dans laquelle il écrit.
Lui qu’on prend pour un clochard, à 58 ans, car « Rien n’est plus suspect qu’un écrivain pauvre. », retrouve tous ses souvenirs d’enfance et le cauchemar de l’antisémitisme poussé au paroxysme par les nazis.
Il nous fait partager les problèmes qu’il rencontre et aussi ses joies les plus intimes dont ses succès féminins pour lesquels sa truculence fait mouche. Malgré tous les malheurs qui ont jalonné son existence, Edgar Hilsenrath a toujours su conserver un humour dévastateur.
C’est l’occasion aussi de parler de son pays encore coupé en deux puisqu’il se rend à Berlin-Est. De plus, il n’a pas son pareil pour détecter les anciens nazis ou sympathisants lorsqu’il rencontre des concitoyens comme ce gardien de musée. Le plus terrible, c’est la montée de l’extrême-droite qui s’en prend d’abord aux Turcs avant de brimer à nouveau les Juifs.
Au travers de la vie de Lesche, son héros, j’ai apprécié ses recherches à propos du génocide arménien. Dans l’œuvre d’Edgar Hilsenrath, cela a donné Le conte de la dernière pensée .

Si l’Allemagne est réunifiée, cela n’a pas que des effets positifs comme il le constate dans Berlin et les néo-nazis sont de plus en plus virulents.
J’ai été terriblement ému à la lecture de Terminus Berlin car Edgar Hilsenrath (photo ci-dessus) possède une façon de raconter truculente, efficace et tellement juste. Un grand écrivain nous a quittés mais restent ses œuvres profondément marquées par l’holocauste, tout ce qu’il a vu et vécu durant les premières années de sa vie, un mal jamais vraiment éradiqué, toujours prêt à ressurgir si nous ne sommes pas vigilants.
Jean-Paul