Hubert Mingarelli : La Terre invisible

La Terre invisible par Hubert Mingarelli

Buchet/Chastel (2019), 181 pages.

 

Une nouvelle fois, Hubert Mingarelli prouve tout son talent pour créer une ambiance dans un roman minimaliste se déroulant dans un contexte qui aurait pu favoriser des envolées, des événements graves et tragiques, des surprises.

 

 

Comme dans Un repas en hiver, il m’a emmené sur les pas de héros qui n’en sont pas, me faisant vivre avec eux ce voyage improbable dans une Allemagne vaincue, sur les pas d’un photographe de l’armée britannique, accompagné d’un chauffeur, O’Leary.

 

 

Alors que j’attendais à chaque page, un événement extraordinaire, je découvre, au fur et à mesure du récit, l’évolution des rapports entre les deux hommes. Cela va du respect tout militaire du subordonné jusqu’à des liens d’amitié très forts.

 


Ces deux hommes sont hantés par des souvenirs très douloureux. Seul, le narrateur, le photographe de guerre, livre quelques éléments de ses cauchemars : tous ces morts sous une bâche, bâche qu’ils tentent de soulever de leurs bras et de leurs jambes. Ce sont des images d’un camp de concentration qu’il a vu libérer. Quant à O’Leary, il ne livre pas ce qui le traumatise, ne dit pas pourquoi il se réfugiait dans les dunes de Lowestoft, en Angleterre. Cet homme s’est engagé dans les transmissions mais n’a pas combattu, d’où le mépris de ses camarades.

 

Enfin, il y a ces photos, ces rencontres avec des gens, au hasard de leur cheminement, en voiture. Ce peuple allemand, complice d’un des plus grands drames connus par l’humanité, tente de vivre après tant d’atrocités. La barrière de la langue ne facilite pas le contact mais le photographe parvient presque à chaque fois à ses fins, fait poser les gens devant leur maison et prend ses photos. C’est souvent tendu mais O’Leary a un fusil et il est en uniforme, ce qui favorise l’accord des gens.

 

 

Lire Hubert Mingarelli (photo ci-contre), c’est plonger dans une ambiance très spéciale mais j’adore me laisser prendre par son style d’une simplicité sobre et belle et je remercie Masse Critique de Babelio et les éditions Buchet/Chastel pour m’avoir fait retrouver cet auteur.

 

 

C’est une très bonne idée d’emmener son lecteur dans la campagne allemande d’après mai 1945 et ce roman dit beaucoup de choses sans être démonstratif. C’est un bon roman, plaisant à lire, intriguant, à la fin énigmatique mais moins intense qu’Un repas en hiver malgré le drame qui survient alors que tout semblait baigner dans le calme. Pourrait-il y avoir une suite à La Terre invisible ?

 

Jean-Paul

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M
Encore un auteur dont je n’ai encore rien lu. Peut-être celui-ci dont j’aime le thème, même si je ne partage pas la formule du « peuple allemand complice » trop arbitraire à mon sens. Surtout après avoir lu « Seul dans Berlin » qui montre la panoplie de mesures prises par Hitler et ses sbires pour contraindre le peuple.
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M
Hélas je partage votre ressenti... triste monde !
J
C'est sûr qu'une telle formule généralise un peu trop mais, à des degrés moindres, nous avons vécu un peu la même chose avec le "Maréchal" et nos voisins italiens, aussi avec le Duce... Tout cela doit être rappelé pour que de tels drames collectifs ne se reproduisent pas. Or, il semble qu'aujourd'hui,on oublie un peu trop vite. Le danger est là et se rapproche...
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