Jean Giono : Un roi sans divertissement
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Un roi sans divertissement par Jean Giono
Gallimard (1948), Folio (2007) 243 pages.
Avec Jean Giono, dans Un roi sans divertissement, il y a les arbres, la nature, plus des hommes et des femmes qui vivent dans des contrées montagnardes au climat rude, tentant de comprendre des événements dramatiques : meurtres, disparitions…

Ci-contre, à Manosque, la maison où Jean Giono vécut les dernières années de sa vie.
C’est un hêtre, très vieux, dans un village de montagne, en hiver, sous la neige et Marie Chazottes qui a entre 20 et 23 ans, disparaît sans laisser de trace. La peur s’installe dans le village mais le printemps arrive et l’auteur nous régale avec un déluge de vocabulaire toujours riche et précis.
Lors de cette première disparition, nous sommes en 1843 mais, l’hiver suivant, c’est au tour de Bergues de disparaître. On ne s’en aperçoit que quatre ou cinq jours après et des hommes vont chercher les gendarmes à Clelles. Nous sommes dans le Trièves, entre Vercors et Dévoluy.

Les gendarmes arrivent à cheval, dans la neige avec un certain Langlois qui prend les choses en main : « J’aime mieux, avait dit Langlois, me déranger vingt fois pour rien plutôt que de rater la fois qui compte. » Hélas, c’est au tour de Callas Delphin d’être « rayé de la surface du globe. » Au passage, l’auteur nous gratifie d’un portrait d’Anselmie, son épouse. Quel portrait ! « Corps incompréhensible dans des jupons, corsages, tournures, ceintures, qui le gigotent, le fagotent et l’entourloupent de tous les côtés à contresens ; tête de chèvre, des yeux de mammifère antédiluvien, une bouche en trait de scie et deux trous de narines tournés vers la pluie. »
Plus tard, Langlois revient… en bourgeois, au Café de la route, chez Saucisse, mais Dorothée est morte. Celui que Giono appelle Frédéric II et qui a vu le meurtrier, suit cet homme dans la neige par monts et par vaux jusqu’à Chichiliane. Le mystère s’épaissit encore.
Plus tard, Langlois revient au village en Commandant de louveterie, parle peu et mène une vie monacale, militaire. S’il est austère et cassant, son cheval est très sympa ! Entre en scène le procureur royal et « son ventre bas qu’il portait devant lui à pas comptés comme un tambour. » Il s’agit d’éliminer ce qu’on appelle les nuisibles…

On parle d’ours au col du Rousset et dans la forêt de Lente et de loups un peu partout. Urbain Timothée de Saint-Baudille est nommé capitaine de louveterie. Il revient du Mexique avec quelques pesos et « Sa femme, plus âgée que lui, était une créole toujours belle et lente comme une après-midi de fin juin. » C’est Madame Tim. Il faudrait citer tellement de passages savoureux…
Cette battue générale au loup dans le bois de Chalamont est un moment fort du livre qui se poursuit dans ces contrées montagneuses aux hivers très rudes. Les moments de vie se succèdent. Langlois veut se marier. Il a 56 ans et veut une femme de 30 ans. Avec Saucisse, ils prennent la patache jusqu’à Grenoble, mangent au restaurant place Grenette et trouvent Delphine qui fait l’affaire : une fille de Voiron ! « Ça n’est pas quelqu’un de rare ! »
Seulement l’hiver revient et l’histoire, racontée par plusieurs narrateurs sans que certains épisodes soient solutionnés, se termine tragiquement. Jean Giono (photo ci-dessus) conclut en citant Blaise Pascal : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères. »
Jean-Paul