Maylis de Kerangal : Naissance d'un pont

Naissance d’un pont      par    Maylis de Kerangal.

Éditions Verticales, Gallimard (2010), 316 pages ; Folio (2012),  336 pages.

Prix Médicis et Prix Franz-Hessel 2010.

 

Après avoir beaucoup aimé Réparer les vivants et Un monde à portée de main, j’avais très envie de remonter le temps pour découvrir un roman qui compte dans la bibliographie de Maylis de Kerangal : Naissance d’un pont, livre paru en 2010 et couronné de deux prix, le Médicis et le prix Franz-Hessel qui lui assurait aussitôt d’être traduit en allemand.

 

 

Autant le dire tout de suite, je n’ai pas été déçu car j’ai retrouvé tout ce qui fait la valeur du style de l’auteure, un verbe riche, un phrasé abondant avec des phrases souvent un peu longues mais tellement prenantes et informatives que le plaisir est complet.

 

 

Naissance d’un pont est une histoire complexe avec plusieurs destins et des personnages qui se croisent, s’évitent, s’aiment, se détestent, s’agressent… Maylis de Kerangal démontre une maîtrise impressionnante de son sujet, comme elle l’a fait pour les deux autres romans cités plus haut. Elle relie chacun à son passé, à ses traumatismes, à ses souvenirs bons ou mauvais. Elle m’a fait vivre dans ce chantier aux proportions extraordinaires, chantier voulu par un élu mégalomane.

 

 

Dans ce roman, elle ne cache rien des problèmes, des dégâts causés sur la nature, sur les peuples  vivant là depuis longtemps, ces Indiens qu’on a tant massacrés, niant toute leur culture. Elle lance beaucoup de pistes, ne va pas au bout de toutes mais cela donne un roman qui m’a captivé de bout en bout grâce à une tension réelle devant les menaces qui pèsent sur le déroulement du chantier. Même si parfois j’ai trouvé qu’elle en faisait un peu trop, je me suis gorgé de vocabulaire, de descriptions infiniment détaillées et d’aventures humaines étonnantes.

 

 

Ayant choisi un lieu imaginaire en Californie, une ville qu’elle appelle Coca…, il n’y a pas à chercher où cela peut bien se passer. De tels chantiers gigantesques se déroulent ou se sont déroulés un peu partout dans le monde, causant des dégâts irrémédiables à l’environnement au nom d’un progrès de plus en plus contesté.

 

 

J’ajoute enfin deux petits reproches : tout d’abord à l’éditeur qui place en couverture la photo d’un pont en chantier mais ce n’est pas un pont suspendu comme dans le livre – par contre, pour l’édition poche, rectification, on a mis un gros plan d’un ouvrier en plein travail, travail si bien décrit par l’auteure dans son roman.

 

 

 

 

 

Enfin, je regrette que, dans son érudition, Maylis de Kerangal (photo ci-dessus) ait oublié de parler de l’inventeur du pont suspendu, l’Ardéchois Marc Seguin, né à Annonay en 1786 et mort dans cette même ville en 1875, à 88 ans. Il était le petit-neveu de Joseph de Montgolfier.

 

 

 

En 1822, il a réalisé le premier pont suspendu sur la Cance (photo ci-contre), un affluent ardéchois du Rhône, et, trois ans après, c’est à Tournon-sur-Rhône qu’il a fait construire le premier grand pont suspendu. Dommage, ces rappels auraient donné encore plus d’allure aux précisions techniques très intéressantes présentes dans le livre.

 

Jean-Paul

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J
Merci ! Pour lire Maylis de Kerangal, il suffit de se lancer, de s'accrocher peut-être un peu pour aller au bout du plaisir de lectures très enrichissantes et très émouvantes comme Réparer les vivants, une réflexion poussée sur le don d'organes qui m'a obligé à vivre le problème au plus près des personnes concernées.
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M
De beaux compléments à cette histoire grâce à vous, merci pour ces rappels et découvertes en même temps, il faut le dire. Je n’ai encore rien lu de cette auteure et pourtant « réparer les vivants » est bien dans ma bibliothèque mais pour l’instant, je n’arrive pas à me diriger vers elle... L’exigence de son écriture peut-être ?
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