Sorj Chalandon : Retour à Killybegs
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Retour à Killybegs de Sorj Chalandon,
Bernard Grasset, (2011) 336 pages ; Le Livre de Poche (2012) 336 pages..
Grand Prix du roman de l'Académie française 2011.

Après avoir dévoré Mon traître, il est indispensable et formidablement complémentaire de se lancer dans la lecture de Retour à Killybegs.
Cette fois, c’est le traître qui parle. Tyrone Meehan raconte son enfance, son père, très dur avec ses enfants, puis sa mort brutale laissant une veuve, seule pour élever neuf gosses. Comme elle se retrouve sans ressources, sa mère décide de quitter Killybegs, en Irlande pour aller tenter de survivre de l’autre côté de la frontière en Ulster, l’Irlande du nord, grâce à la bienveillance d’un oncle.
Tyrone a 16 ans et rencontre l’armée anglaise pour la seconde fois. Il assiste aux humiliations constantes dont sont victimes les catholiques qui refusent cette occupation. La vie quotidienne est décrite avec précision et le lecteur ne peut qu’être pris par l’émotion. Les protestants, descendants des colons britanniques, intimident puis agressent les familles irlandaises et c’est l’engrenage de la violence afin de les pousser à fuir. T
Tous ces traumatismes accumulés ne s’effaceront jamais. Tyrone s’endurcit, rentre chez les scouts de la République interdits aussi bien à Dublin qu’à Belfast. Sorj Chalandon (photo ci-dessous) qui connaît mieux que personne ce pays, nous livre des récits d’épisodes tragiques révélateurs de la haine incroyable opposant les deux communautés. Pendant la seconde guerre mondiale, on en arrive même à ce que l’IRA se réjouisse des difficultés des Britanniques face à Hitler…Pour ces combattants, tout ce qui affaiblit la Grande-Bretagne renforce l’IRA.

Le 3 janvier 1943, Tyrone est arrêté et sa mère est frappée à coups de crosse. Il a 17 ans et, après un tabassage en règle, connaît sa première cellule pour 28 mois. De nouveau arrêté le 16 mai 1957, il est libéré trois ans plus tard et devient lieutenant de l’IRA, se marie à Sheila Costello qui lui donnera un fils, Jack, en 1961. Tyrone parle aussi d’un ami français, luthier à Paris.
La tragédie ne fait que s’amplifier et ce serait trop long de tout détailler tellement ce livre fourmille d’événements pour nous amener au jour où il sera piégé. Lui qui avait toute sa vie pourchassé les traîtres, en est devenu un et tout le mérite de ce livre est de permettre de comprendre, sans excuser, cette plongée incroyable dans l’univers de la trahison, une histoire basée sur ce qu’a vécu Denis Donaldson qui est mort assassiné en avril 2006
En alternance avec ce récit, reviennent des séquences reliant à Mon traître et se passant en décembre 2006. Il va sans dire que tout s’éclaire mais que de sang et que de larmes !
Jean-Paul