Jérémie Lefebvre : L'italienne qui ne voulait pas fêter Noël
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L’Italienne qui ne voulait pas fêter Noël par Jérémie Lefebvre.
Buchet/Chastel (2019) 257 pages.
L’Italienne qui ne voulait pas fêter Noël est un livre étonnant, amusant, parfois très sérieux. Il est écrit de façon très vivante par Jérémie Lefebvre, un auteur que je découvre et qui sait maintenir l’intérêt jusqu’au bout tout en faisant preuve de beaucoup d’érudition. Les surprises s’enchaînent, des plus inattendues aux plus drôles, parfois tristes ou émouvantes.
L’Italienne en question s’appelle Francesca Randazzo et elle est étudiante à la Sorbonne. Elle doit terminer sa thèse à propos de la littérature du Moyen-Âge mais Serguei, un ami très proche, la pousse à rompre l’appartenance à sa famille. Bien que Palermitaine et donc Sicilienne, elle décide d’aller au bout du défi : ne pas fêter Noël avec ses parents, Tommaso, son frère, et Chiara, sa sœur.
Enfin, ce qui paraît simple déclenche une cascade d’événements, de petits drames familiaux avec une machination impossible à divulgâcher. Merci à Babelio (Masse Critique privilégiée) et aux éditions Buchet/Chastel pour cette découverte d’un auteur talentueux qui saupoudre son roman de réflexions savoureuses, bien senties, pertinentes et percutantes. Cela ne l’empêche pas, en revanche, d’élever le débat en poussant la réflexion philosophique sur le sens de la vie et les relations humaines.
Francesca dit se confier à son chat qu’elle nomme Souris, dans sa chambre parisienne où tout commence et finit mais c’est à Palerme que l’essentiel se passe. Je me suis régalé en lisant ces scènes dans la rue, dans les magasins ou en famille. Malgré tout ce qui lui arrive – en est-elle la cause ou subit-elle ? – au final, Francesca n’est fâchée avec personne. Comme le lui a avoué son père lors d’une scène très émouvante : « D’ailleurs, au fond, qu’est-ce qui compte le plus… Connaître quelqu’un, ou être là pour lui… Simplement là… »
L’auteur m’a épaté par sa connaissance de l’Italie, de Palerme surtout même si j’apprends qu’il a étudié la langue et la littérature italienne. Les détails qu’il donne sont d’une précision impressionnante mais ce qui me laisse le plus admiratif, c’est son talent pour s’exprimer en tant que femme, autant qu’une femme pourrait le faire et donc l’écrire. C’est d’ailleurs une chose qui se vérifie dans l’autre sens, une écrivaine se mettant dans la peau d’un homme.

De plus, dans ce livre au format original (14 x 18 cm), une bonne idée de l’éditeur car c’est très pratique, Jérémie Lefebvre (photo ci-contre) fait plusieurs fois référence à la réalisation d’un film. De plus, il gratifie son lecteur d’un festival de formules en vogue dans le monde du travail grâce au petit ami de Serguei, Mathieu, « un type devenu un vrai stéréotype » grâce au « DÉVELOPPEMENT PERSONNEL » où yoga, méditation et action caritative tiennent une grande place. Tout cela est très corrosif et j’aime ce regard lucide sur ces modes qui s’installent et coûtent beaucoup d’argent à ceux qui se laissent séduire.
J’ai passé de très bons moments en lisant ce livre et je n’ai pas pu m’empêcher de faire partager à haute voix de succulents passages comme la scène de l’hypermarché un 23 décembre ou encore la séance de maquillage des deux sœurs et un débat familial du meilleur cru.
Jean-Paul