Sabri Louatah : Les Sauvages 3 et 4
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Les Sauvages par Sabri Louatah.
Flammarion/Versilio. Tome 3 (2013) 589 pages ;Tome 4 (2016) 321 pages ..
J'ai Lu (2017) 608 pages.

J'ai trouvé le tome 3 est trop court. En préambule, l’auteur nous ramène cinq mois en arrière, chez les Nerrouche qui font un repas pour Noël, même si Nazir trouve « bizarre de fêter Noël ». Rabia polémique « au sujet du voile dont se parent volontairement les jeunes filles d’aujourd’hui, alors que les générations précédentes avaient tout fait pour s’en affranchir. »
Le nom des Nerrouche étant devenu synonyme de terroriste, Fouad se trouve devant une situation inextricable. Lui qui avait vendu des sous-vêtements sur un marché puis été serveur, ouvreur dans un théâtre, animateur de MJC avant de réussir un casting surprise grâce à sa douceur et à sa bienveillance, il se retrouve fiché et suivi, suspecté même de faire partie d’un réseau terroriste.

Tout se complique avec Pierre-Jean de Montesquiou, jeune et diabolique directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, Marie-France Vermorel. La description des milieux parisiens est sans faiblesse. Il montre aussi comment sont traités les prévenus : « Le juge ne se soucie pas de la vérité… Une injustice vaut mieux qu’un désordre.» Fouad parle du retour de l’islam. Esther, l’épouse de Chaouch s’exclame : « Que sommes-nous devenus pour couvrir de boue un homme qui vient de regarder la mort en face ? »
Sabri Louatah, comme le groupe Zebda, rend hommage aux chibanis, les anciens en arabe : « jadis, ces hommes brisés ont reconstruit la France. » Droite et extrême-droite se rapprochent et menacent de priver la gauche de succès aux législatives car « l’opinion publique c’est comme un gros curé ivre mort, dites-vous bien qu’il suffit d’une pichenette pour la faire se retourner et regarder dans la direction opposée. »
« Chaouch, c’était la Fraternité de la devise républicaine » et il le prouve encore en affirmant à Fouad : « La foi de la jeunesse, les illusions de la jeunesse sont infiniment supérieures au prétendu savoir des cyniques. Car la lucidité des cyniques n’éclaire jamais qu’eux. » Les lignes écrites par Sabri Louatah sont belles et, en attendant la suite de cette saga aujourd'hui adaptée en série : « Les rêves, c’est tout ce que nous avons pour nous barricader contre la mort… un par un nous les voyons se briser… Chaque rêve que nous formulons, nous le formulons pour survivre… »
Tome 4
J’étais fou d’impatience de découvrir la suite et la fin annoncée pour le dernier volume. Je n’ai pas manqué sa lecture aussi palpitante et instructive que les précédents.
Bonne idée, au départ, de rappeler l’ensemble des protagonistes les plus importants de l’histoire avant de prendre un autorail reliant Alger à Bejaïa, par très forte chaleur, avec Marieke, journaliste, sauvée de la mort, à Fontainebleau par un inconnu qui l’a justement envoyée là-bas. Elle constate que Chaouch, fraîchement élu Président de la République française, fait la une de Liberté, le premier quotidien kabyle. En effet, malgré son handicap causé par les graves blessures subies lors de l’attentat qui a failli lui coûter la vie, il participe au G8, à New York.
Dans la Logan conduite par Nazir Nerrouche, Marieke observe Bejaïa : « Des milliers d’immeubles pullulaient et s’entassaient dans tous les sens, habités avant d’avoir été finis avec leurs façades de béton apparent, leurs paraboles tournées vers la France et leurs balconnets avortés, suspendus dans le vide, sans garde-fous. »
Sans tourisme extra-maghrébin, la côte est vierge de barres de béton. Marieke écoute Nazir qui lui fait « la liste de tous les noms qu’ils avaient inventé pour nous haïr : bicots, gris, bougnoules… »
Pendant ce temps, à New York, Chaouch répond à la CBS et constate : « le seul but de ceux qui nous ont attaqués, c’est précisément de nous diviser, de nous lancer comme des têtes brûlées l’une contre l’autre, mémoire contre mémoire, souffrance contre souffrance... Je crois, pour ma part, que les gens de bonne volonté forment une communauté indestructible, et que ce qui nous rassemble est incomparablement plus fort que ce qui nous divise. »
Plus que tous les autres, Fouad Nerrouche, acteur célèbre, est au centre de toute l’intrigue et des bouleversements qui se succèdent alors que l’on conspire jusqu’au plus haut niveau de l’État. Notre société est à nouveau bien décrite avec ses contradictions attisées par une extrême-droite qui joue avec le feu.
Bien sûr, Sabri Louatah (photo ci-dessus) nous ramène à Saint-Étienne où tout a commencé. Slim, frère de Nazir et de Fouad, retourne à la mosquée car « il se sentait appartenir à un clan, à une tribu soudée, par le seul fait de sa naissance. » La tragédie n’est pas évitée mais « la terreur ne gagne jamais, parce qu’elle ne crée rien… C’est la vie qui triomphe. » Enfin !
Jean-Paul