Joann Sfar : Comment tu parles de ton père

Comment tu parles de ton père       par     Joann Sfar.

Albin Michel (2016), 150 pages ; Le Livre de Poche  (2018) 160 pages..

 

 

Comment tu parles de ton père a permis à Joann Sfar de parler de son père, bien sûr mais aussi de livrer ses pensées, ses souvenirs, ses états d’âme et ses réflexions toujours très pertinentes sur ce qui se passe aujourd’hui.

 

 

André Sfar, son père, était un brillant avocat niçois né en Algérie, en 1933, l’année ou un certain Adolf prend le pouvoir en Allemagne, de la découverte du monstre du Loch Ness et de la sortie de King Kong au cinéma : « Mon père, c’est pas rien. »

 

 

Il a 42 ans et demi quand son père meurt dans ses bras : « Je n’avais jamais vu une âme quitter un corps. » Sa mère est morte alors qu’il avait trois ans et demi mais son père lui avait dit : « Tu la reverras. » C’était sa vérité mais « il ne faut pas mentir sciemment à son gosse. Sinon ensuite, il passe sa vie à raconter des histoires. » Il dessine aussi alors que Paul, son cousin qui croit en Dieu, tente de l’évangéliser : « Toi tu veux me sauver, moi je dessine. » Ses souvenirs remontent mais il n’a prononcé le kaddish, la prière des morts, que sur la tombe de son père, au lieu de le faire tous les matins, à la synagogue.

 

 

Quand il était au CM2, il tombe amoureux de la seule juive de l’école, pour faire plaisir à son père mais « Dieu, pour m’éprouver, l’avait affublée d’un nez rébarbatif… » Après une visite dans sa famille avec son grand-père : « Je lui ai dit que les Juives, c’était fini. J’adorais mon grand-père au-delà de tout. Sans lui, je serais notaire à Nice. »

 

 

Auparavant, en maternelle, il se révolte contre cette « heure des mamans » qui néglige et parfois traumatise ceux dont la mère est absente. Comme il a été circoncis, avec son copain Saïd, ils constatent que leur zizi est différent lors de la séance de pipi.

 

 

La vie sexuelle de son père est riche de rencontres dont le petit Joann profite « J’ai vu la chatte de toutes les copines de mon père. » Lors de sa Bar-Mitsva, il lit, devant 400 personnes un « texte intégralement rédigé puis tapé à la machine par mon papa. »

 

 

C’est là que l’on retrouve le Joann Sfar (photo ci-contre) entendu dans les médias après les attentats qui ont endeuillé la France : « Se sentir juif ou musulman ou chrétien, c’est décider qu’il existe des peuples et c’est le début de la guerre qui se terminera par l’extermination des uns par les autres. »

 

Fourmillant d’anecdotes, d’humour et de réflexions aussi savoureuses qu’utiles, ce livre est un hommage immense à un homme qui avait tous les talents mais ne savait pas dessiner : « Merci papa, d’avoir laissé un espace vierge dans lequel aujourd’hui encore je m’efforce de grandir. »

Jean-Paul

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