Philippe Claudel : Inhumaines
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Inhumaines par Philippe Claudel.
Stock (2017). 129 pages ; Le Livre de Poche (2018) 144 pages.
Lorsque j’ai lu Les âmes grises, La petite fille de Monsieur Linh et Le rapport de Brodeck, Philippe Claudel m’a captivé et conquis. J’ai aussi remarqué son sens du tragique, son souci de nommer les choses et de ne négliger aucune scène aussi cruelle ou tragique qu’elle soit. Surtout, son écriture, son sens du récit permettaient de dégager les faces les plus sombres de l’âme humaine.

Justement, Inhumaines, titre si bien choisi, va encore plus loin, poussant au pire un sens de l’absurde où notre vie dite moderne risque de nous entraîner. Dans ce livre assez court, vingt-cinq épisodes se succèdent dans la vie d’un narrateur où sexe et violence n’ont plus de limites.
Les constats sont faits sans ménagement : « Les trottoirs de nos villes sont couverts de vagabonds. Auparavant, il y avait des papiers gras, de vieux journaux… Nous ne jetons plus inconsidérément nos déchets dans les rues. Nous les trions. Sur nos chaussées ne traînent plus que des êtres sales emballés dans de multiples couches de vêtements nauséabonds qu’ils maculent de vomissures, d’urine et d’excréments. Parfois il en meurt. Surtout en hiver. Mais pas assez. »
Ce court extrait donne bien le ton du livre car Philippe Claudel sait dégager nos travers et nous montrer cette pente dangereuse d’inhumanité dans laquelle nous glissons. Tout cela serait bien noir et désespérant si l’humour de l’auteur ne venait nous sauver. La répétition, en particulier, fait bien sourire, avec cette femme du narrateur qui revient régulièrement pour des situations de plus en plus scabreuses.

Avec des phrases courtes, percutantes et une mise en scène claire et efficace, Philippe Claudel (photo ci-contre) plonge son lecteur dans une ambiance faite de collègues de travail ou de sorties incroyables. Au passage, il n’est pas conseillé de lui faire un doigt d’honneur lorsqu’il passe en voiture…
Les discussions sont menées tambour battant, sans alinéas, sans tirets et cela rend le récit d’autant plus vivant. Le suicide assisté, la maladie, le racisme, l’internet, les animaux de compagnie, l’éducation des enfants, les fêtes de famille, beaucoup de sujets y passent pour finir avec le sens de la vie et ce philosophe invité à la maison qui permet à l’auteur de conclure : « La vie devient supportable quand on la feinte. Enfin presque. »
Jean-Paul