Pierre Lemaitre : Couleurs de l'incendie
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Couleurs de l’incendie par Pierre Lemaitre.
Albin Michel (2018) 534 pages ; Le Livre de Poche (2019) 672 pages

Pierre Lemaitre (photo ci-contre), après l’immense succès remporté par Au revoir, là-haut, offre une suite avec Couleurs de l’incendie. Miroir de nos peines a suivi, constituant une trilogie intitulée Les Enfants du désastre.
Cette fois, pas de début tonitruant avec les tranchées, la boucherie humaine de 14-18 mais un entre-deux guerres révélateur de bien des travers dont ne s’est jamais débarrassé complètement notre pays.
Malgré tout, Pierre Lemaitre ne peut pas s’empêcher de débuter très fort chacun de ses romans puisque Marcel Péricourt, le banquier vient de mourir et que nous sommes sans délai en train d’assister à ses obsèques, en compagnie des officiels, musique de la Garde républicaine en tête.
Or, coup de théâtre : le petit Paul, petit-fils de Marcel, « sept ans au joli visage, pâle de teint, timide et bègue », chute de la fenêtre du deuxième étage de la splendide maison familiale. Il rebondit sur un grand dais noir avant de s’écraser sur… le cercueil de son grand-père !!!

Il faut s’appeler Pierre Lemaitre pour oser une scène pareille, scène qui va sous-tendre toute l’histoire qui va suivre. Petit à petit, on découvre de nouveaux protagonistes comme ce Charles Péricourt, frère du mort, un roublard élu député grâce à l’argent de Marcel. Il touche beaucoup de commissions sur les chantiers mais ses problèmes d’argent font qu’il attend l’héritage de son frère…
Toujours aussi terrible dans ses descriptions, Pierre Lemaitre nous présente l’épouse de Charles : « Cette femme brève de seins, de fesses et d’esprit considérait Charles comme un être prodigieux ». Surtout, ils ont deux filles, Rose et Jacinthe, deux jumelles : « Elles avaient maintenant 19 ans, elles étaient maigres, cagneuses, crayeuses de teint, avec les seins de leur mère, pointus et haut perchés. » Ainsi, il va falloir les marier mais elles vont bien s’amuser…

Le roman défile avec des aventures plus rocambolesques les unes que les autres mais c’est la cantatrice, Solange Gallinato, qui apporte une ouverture décisive dans la vie de Paul alors que sa mère se bat en utilisant tous les moyens pour tenter de renverser la mauvaise fortune qui l’accable, même si : « C’était une découverte pour Madeleine que l’on pût être plus heureux avec moins d’argent. »
Pendant ce temps, la vie politique du pays se dégrade. Les Couleurs de l’incendie s’activent contre l’impôt qui frappe toujours plus ceux qui ont le moins de moyens et ce qui fait penser à ce qui se passe aujourd’hui avec placements en Suisse, trafics, intimidations envers ceux qui tentent d’instaurer un peu plus de justice sociale. Les scandales financiers sont étouffés et « les contribuables les plus modestes continuèrent de payer proportionnellement davantage que les plus privilégiés. »
Couleurs de l’incendie est un roman qui vous happe, vous captive, fait poser des questions sur la réalité des événements passés et présents en attendant la suite… Faisons confiance à l’imagination de Pierre Lemaitre !
Jean-Paul