Gérard de Cortanze : Femme qui court

Femme qui court      par    Gérard de Cortanze.

Albin Michel (2019), 406 pages.

 

 

L’historienne, Marie-Jo Bonnet, avait déjà rétabli la vérité en 2011 avec Violette Morris, histoire d’une scandaleuse, et son livre est maintenant adapté en bande dessinée. Cela permet de couper court aux jugements hâtifs, aux procès bouclés d’avance. Voici que Gérard de Cortanze (Laisse tomber les filles) s’invite dans la danse avec Femme qui court, un roman passionnant que j’ai pu apprécier grâce à Babelio et aux éditions Albin Michel.

 

 

En 1903, Violette Morris (10 ans) dont les parents - père indifférent, mère hostile - se sont débarrassés en la mettant en pension au couvent de l’Assomption, à Huy (Belgique), est encore sous le choc de l’abandon. L’amitié puis l’amour de Sarah lui seront un précieux réconfort.

 

 

Avec un talent de conteur indéniable, Gérard de Cortanze (photo ci-dessous) déroule une vie peu ordinaire avec d’infinis détails, ceux qui expliquent certains choix, et un sens du roman bien utile lorsque des sources ont disparu.

 

 

C’est dans ces années de pensionnat que Violette Morris trouve dans le sport, une façon de s’affirmer et de s’épanouir. Elle y apprend aussi à aimer les filles et se dégoûte de certains hommes lorsqu’elle est agressée et violée par le jardinier du couvent.

 

 

Aucun sport ne rebute Violette. Elle excelle partout : courses, lancers, sauts, avant d’essayer haltérophilie et boxe. C’est dans cette dernière activité qu’elle commence à se faire des relations douteuses mais qu’importe, Violette veut s’affirmer, prouver à tous qu’une femme peut pratiquer tous les sports malgré l’hostilité de la société.

 

 

À 20 ans, Violette va au bal et rencontre Cyprien Gouraud : « Violette, qui avait tant manqué d’amour dans son enfance, était en réalité ce que personne ne pouvait deviner : une géante aux pieds d’argile, que la plus petite attention, le moindre signe d’intérêt faisaient vaciller, éperdue d’amour et de reconnaissance. » Avant d’épouser cet homme, elle participe, seule femme, à des courses cyclistes et finit toujours avec les meilleurs, ce qui indispose beaucoup de monde.

 

 

Ambulancière, messagère motocycliste durant la Première guerre mondiale, elle bat ensuite tous les records en athlétisme, se lance à fond dans le football. Violette ajoute le sport automobile et la moto à sa palette mais elle est méprisée, trainée dans la boue dans les journaux de l’époque.

 

 

Le pire, c’est quand la Fédération du sport féminin lui retire sa licence. Elle fait un procès, le perd, se met au music-hall sous la houlette de Joséphine Baker, côtoie Jean Cocteau, l’actrice Yvonne de Bray puis c’est la seconde guerre mondiale, l’occupation et Greta, cette amie allemande, connue sur les stades, qui l’entraîne…

 

 

Pourquoi ne résiste-t-elle pas, elle qui aime profondément son pays ? La mécanique infernale est bien démontée. Violette Morris est le bouc-émissaire idéal pour endosser les plus vils traits de l’âme humaine.

 

 

Violette m’a rappelé, par certains traits, le destin tragique de Pauline Dubuisson, si bien raconté par Philippe Jaenada dans La petite femelle.

 

C’était une femme courageuse, forte, trop en avance sur son temps. Elle s’est battue, a lutté, s’est laissée entraîner, n’a pas su vraiment choisir le bon camp mais elle reste une grande sportive et une femme héroïque.

Jean-Paul

 

Femme qui court   par Gérard de Cortanze.

Albin Michel (2019), 406 pages.

 

Femme qui court, de Gérard de Cortanze, retrace la vie ou plutôt l’épopée de Violette Morris et le titre est particulièrement représentatif du roman. Quelle sportive, quelle femme et quelle époque !

 

Violette est née en 1893. Elle découvre très jeune une passion pour le sport. Elle va devenir une sportive polyvalente de haut niveau, une athlète hors normes. Elle excelle dans tous les sports qu’elle explore : lancer de poids, du javelot, du disque, natation, cross-country, boxe, football, water-polo, cyclisme, course automobile, aviation. Elle a accumulé victoires et exploits et elle est l’une des sportives françaises les plus titrées de l’histoire. C’est une championne toutes catégories. Sa devise était « ce qu’un homme fait, Violette peut le faire ».

 

Cette extraordinaire carrière sportive, à une époque où le sport est le symbole de la virilité, de la force propre des hommes, l’auteur nous permet de la comprendre en nous faisant vivre sa vie de femme. En effet, quelle femme elle fut !

 

Violette, une allure de garçonne, anticonformiste, était avant tout éprise de liberté et affichait ouvertement sa bisexualité. Elle s’habillait en homme : complet, gilet, veston avec cravate et portait les cheveux courts à une époque où ceci n’était pas toléré par l’usage.

 

La bonne société était terrifiée par cette personne capable de donner de mauvaises idées d’émancipation à la gente féminine et les hommes, eux, ne supportaient pas qu’une femme leur tienne la dragée haute et les batte sur leur propre terrain.

 

Violette Morris pensait qu’elle avait droit à la liberté mais, malgré ses victoires prestigieuses, elle finira par être interdite de stade et exclue en 1930 de la Fédération française sportive féminine. Sa carrière sportive sera définitivement stoppée.

 

Elle va alors faire une brève carrière dans les cabarets des Années folles où elle tombera amoureuse de Joséphine Baker et Yvonne de Bray grâce à qui elle rencontre Cocteau et Marais. Mais la guerre est là et Violette, criblée de dettes, va tenter de se refaire dans la collaboration, en participant au marché noir, notamment pour répondre à sa passion pour l’automobile. Elle finira abattue dans une voiture, le 26 avril 1944, à l’âge de 51 ans, alors qu’elle conduisait une famille à Paris. Elle devait, au retour, partir avec Annette, son dernier amour, rejoindre Alain Gerbault, à Bilbao. Cet homme était pour elle le symbole de la liberté. Elle ne savait pas qu’il était décédé depuis déjà trois ans. Qu’importe, elle ne le saura jamais.

 

J’ai été véritablement passionnée par cette vie si riche, si héroïque, si extraordinaire que Gérard de Cortanze retranscrit d’une façon admirable. Je ne connaissais Violette Morris (photos ci-jointes) que de nom et, tout au long du roman, j’ai été constamment captivée, me demandant comment cette héroïne qui suscitait tant de crainte et rejet, avait pu aller de l’avant.

 

L’auteur a su redonner à cette femme remarquable qui s’est battue toute sa vie pour simplement se faire respecter et vivre libre, une place d’honneur qu’elle mérite amplement. Elle a su faire entrer dans les esprits que les femmes, elles aussi, avaient le droit de pratiquer la compétition sportive, n’en déplaise à Monsieur de Coubertin.

 

Un excellent roman !

 

Un siècle plus tard, il ne faut toutefois pas pavoiser et ne pas baisser les bras. En effet, le sport féminin, même si maintenant il est accepté, reste néanmoins beaucoup moins bien retransmis et commenté par les médias et je ne parle pas de la différence de salaire entre les professionnels.

 

Pour ce qui est de l’homosexualité, rien n’est gagné. Bien sûr, les mentalités ont évolué mais nous devons toujours rester vigilants. Il faut sans arrêt prôner la tolérance.

Ghislaine

 

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D
J'ai vraiment beaucoup aimé, et après j'ai lu le premier tome de la BD qui parle aussi de Violette Morris : Violette Morris. À abattre par tous moyens, tome I : Première comparution. chez Futuropolis.<br /> ça me fait penser que je devrai lire la suite !
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J
C'est vrai qu'il y a la BD... Merci de nous le rappeler, Dominique !
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