Sophie Divry : Quand le diable sortit de la salle de bain
-
Quand le diable sortit de la salle de bain par Sophie Divry.
Noir sur Blanc (2015). 306 pages.
Séduit par La cote 400, j’étais curieux de lire à nouveau Sophie Divry, cette Montpelliéraine qui vit à Lyon où débute ce « roman improvisé, interruptif et pas sérieux. » Son talent ne se dément pas, un talent bien servi par des trouvailles très originales de mise en page qui émaillent le livre.
Nous voilà donc avec Sophie, jeune chômeuse de longue durée « écrivain public, journaliste, professeur » qui cherche du travail sur le net. Ça urge car avec 40 € sur son compte le 20 du mois, « comment faire, ou plutôt non-faire ? »
Si la faim la tenaille, elle a son ami Hector, « mon grand ami » qui intervient épisodiquement dans le récit pour des aventures très chaudes avec Belinda. Quant à Sophie, elle avoue : « j’étais bien la seule fille de la Croix-Rousse avec qui Hector n’avait pas couché. »
Sont très originales aussi les interventions subliminales de sa mère qui commente, à son insu, toutes ses actions, ce qui donne l’occasion à l’auteure de déployer tout son talent pour inventer des mots comme « s’exclamaugréa, continunia, articulâcha, ajoutacla, intervindica, arguasoupit, s’interpolissa… ma mère. »
Avant d’aller faire connaissance avec le reste de sa famille, un peu plus tard, Sophie nous parle de ses six frères mais chacun a fait sa vie « Quand on a besoin des autres, c’est qu’on n’a pas fait sa vie. » Un tchat sur un site porno nous entraîne en plein délire verbal avant que Bertrande lui offre à manger avec son petit-fils, un vrai rival pour dévorer le poulet, les fraises, les chocolats… « J’avais autant mangé qu’en une semaine. »
Hélas, d’autres factures arrivent et le maquis administratif des allocations ne facilite pas les choses. Au passage, l’auteure nous régale d’un conte sur l’invention du conditionnel puis d’un autre « Le mange-consonnes », à lire absolument. Et puis il y a le diable, Lorchus, qui lui suggère toutes les tentations pour se faire du fric aux dépens de son prochain et qui peut aider Hector au passage : « Je veux bien m’occuper de mettre cette poule dans ton lit pour que tu lui fourres ton étourneau dans la rhubarbe. »
Invitée au baptême de Basile, un neveu, à Sullac, près de Montpellier, elle profite à fond de cette parenthèse avant de replonger dans ses soucis quotidiens, de donner une liste impressionnante des types d’hommes qu’elle n’aime pas « ça me laisse peu de perspectives. »
Enfin, elle trouve un emploi de serveuse : « Je découvrais à quel point le travail, a fortiori le travail physique, est un excellent moyen de chasser l’angoisse. » Mais « entre un sous-travail épuisant et un chômage affamant », elle constate que « le point de vue que nous avons sur le monde dépend de la place qu’on nous y fait. »
Jean-Paul