Stéphanie Castillo-Soler : Libres dans leur tête

Libres dans leur tête       par    Stéphanie Castillo-Soler.

 Librinova (2020) 157 pages.

 

Je suis vraiment impressionné par Libres dans leur tête, premier roman de Stéphanie Castillo-Soler.

 

 

Comment a-t-elle pu trouver un ton si juste, réaliser une analyse aussi pertinente, décrire avec autant de tact et de justesse la vie carcérale ?

 

 

L’enfermement d’un être humain ne se limite jamais à la privation de liberté. Il faut subir une quantité incroyable de souffrances, endurer une promiscuité souvent néfaste, supporter un bruit incessant, vivre dans des locaux à l’hygiène loin d’être irréprochable et voir dérouler devant soi toute la misère du monde.

 

 

Alors, sur les pas de Romain et de Laurent, tous les deux impliqués, chacun dans des circonstances bien différentes, dans des histoires de meurtre, Stéphanie Castillo-Soler prouve qu’il est possible de sortir d’une pareille épreuve en étant encore plus fort, à condition de vivre tout ce temps, libre dans sa tête !

 

Tout au long de son roman très bien écrit, elle réussit à présenter des situations, des cas concrets, des rencontres, des expériences positives, parfois traumatisantes aussi. Tout cela est bien raconté avec suffisamment de suspense ou d’incertitude, ce qui m’a tenu en haleine jusqu’au bout.

 

L’auteure met en valeur la lecture, le rôle fondamental de la bibliothèque dans les maisons d’arrêt ou les centres de détention. La lecture, l’expression artistique, en un mot, la culture, sont des bouffées d’oxygène indispensables qui permettent aux personnes détenues de révéler des richesses insoupçonnées. Il  faudrait toujours plus de moyens afin de permettre à ces êtres humains qui ont commis, ou pas, des actes graves voire très graves, de se réinsérer lorsqu’ils se retrouveront à nouveau libres, ce qui ne peut que se produire un jour ou l’autre.

 

Stéphanie Castillo-Soler (photo ci-contre) a le mérite d’insister, de rappeler que de nombreux suicides émaillent la vie des lieux de privation de liberté. Ces vies brutalement interrompues témoignent d’un désespoir d’une profondeur inouïe. Ces suicides sont cachés. On n’en parle pratiquement pas alors qu’il aurait fallu, auparavant, permettre un dialogue, une activité régulière pour briser le huis clos désespérant de la cellule ainsi que l’abrutissement télévisé.

 

Enfin, l’auteure met justement en avant le formidable courage des familles qui font régulièrement de très longs déplacements pour ces fameux parloirs toujours trop courts. Puis, il y a le courrier – même s’il est lu et contrôlé - qui retrouve là une importance qu’il n’a plus, une valeur essentielle, humaine, enrichissante. D’ailleurs, parler de ces bénévoles qui écrivent aux personnes incarcérées mérite d’être salué.

 

Libres dans leur tête est un beau livre avec un magnifique coquelicot en couverture, coquelicot dédié à Romain et Laurent ainsi qu’à tous ceux qui tentent de ressortir plus forts de ces lieux trop souvent oubliés par la société bien-pensante.

 

 

Enfin, comment, pour terminer, ne pas noter cette phrase de Jean Zay (Ministre de l’Éducation Nationale et des Beaux-Arts du Front Populaire, assassiné par la Milice en 1944) mise en épigraphe de Libres dans leur tête ?

 

« Malheur à celui sur lequel se referme la porte d’une prison et qui n’a point de vie intérieure, qui ne saura s’en créer ! » (Souvenirs et solitude)

 

 

Photo ci-contre : Jean Zay.

Jean-Paul

 

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D
Un chronique qui donne envie de le découvrir ! merci
Répondre
J
Merci Dominique ! C'est un très bon premier roman.
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