Pierre Ducrozet : Le grand vertige
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Le grand vertige par Pierre Ducrozet.
Actes Sud (2020) 366 pages.
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Jubilation, déception, espoir, désenchantement, nouveau départ, Le grand vertige, dernier roman de Pierre Ducrozet, est dense, foisonnant d’idées, comme cet auteur l’a déjà démontré dans Eroica et L’invention des corps, les deux romans qui m’ont permis de découvrir un écrivain qui s’affirme au fil du temps.
Sans hésiter, comme dans L’invention des corps, il s’attaque ici à des thèmes très actuels, déterminants pour l’avenir, mais très complexes. Il choisit de se frotter à l’écologie, à l’état de notre planète que nous voyons se dégrader de jour en jour et j’ai beaucoup apprécié ce livre, édité par Actes Sud, découvert dans le cadre des Explorateurs de la Rentrée littéraire 2020 de Lecteurs.com.
Adam Thobias, scientifique de renom mais aussi romancier, a été nommé à la tête de la CICC (Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel). Même si Trump et Poutine ont refusé d’allouer des crédits pour son action, Adam prend son rôle très à cœur et n’est pas décidé à se contenter de gérer un hochet pour faire croire à l’opinion publique que de grandes décisions vont être prises.
Je le constate à nouveau, Pierre Ducrozet allie encore parfaitement le réel et le fictionnel. Alors, il présente un à un les principaux éléments du réseau Télémaque mis en place par Adam Thobias, secondé par Chloé Tavernier : le Canadien Nathan Régnier, star de la microbiologie et de la vie des plantes, Tomas Grøben, spécialiste en recherches sur Google earth, mais surtout June Demany (22 ans) qui fut élevée par Adam, Mia Casals, anthropologue, et Arthur Bailly, photographe. Parmi ces principaux personnages que j’ai croisés dans ce roman, June revêt une importance primordiale, d’abord par les tourments physiques et moraux qu’elle subit, ensuite par le rôle qu’elle joue jusqu’au terme de l’histoire. Elle est jeune et ce monde qui se prépare, c’est celui dans lequel elle va vivre.
En Amazonie, une fameuse plante – voir la superbe couverture du livre – est capable de concentrer l’énergie solaire à un niveau jamais atteint. Elle apporterait des solutions à tous les problèmes d’énergie que l’homme produit en détruisant l’équilibre naturel planétaire.
Il faut rêver pour innover mais surtout ne pas déranger les pouvoirs établis, les lobbys tout puissants et les intérêts financiers. La partie consacrée au pétrole est captivante et édifiante.
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Avec cette histoire à la fois utopique et poétique, Pierre Ducrozet (photo ci-contre) effleure parfois le polar mais aussi la fable tout en sachant pertinemment entrer dans l’intime, livrant des portraits attachants. J’ai bien senti aussi qu’il n’aimait pas trop Paris, un peu Berlin et Lyon où il est né, mais beaucoup Barcelone où il vit ou a vécu.
Le grand vertige, titre bien choisi, c’est celui que nous connaissons tous pour peu que nous acceptions d’ouvrir les yeux et que nous entendions ceux qui nous alertent. Le changement climatique est en marche et nous en payons chaque jour le prix, même si, aujourd’hui, une pandémie absorbe l’essentiel de nos préoccupations.
Le livre ayant été écrit avant cette grave crise sanitaire, l’auteur ne pouvait pas y faire allusion mais je pense qu’elle contribue au pessimisme que j’ai éprouvé à la lecture des dernières pages.
Il ne faudrait pas que Le grand vertige nous entraîne dans l’abîme. Malgré tout, Pierre Ducrozet réussit à me laisser un peu d’espoir en notre espèce humaine dont il retrace habilement et succinctement toute l’évolution, un peu avant la fin du livre.
Jean-Paul
Photo ci-dessous : Pierre Ducrozet nous dédicace Le Grand Vertige aux Correspondances de Manosque 2020.
Le grand vertige par Pierre Ducrozet.
Actes Sud (2020) 366 pages.
Le grand vertige, dernier roman de Pierre Ducrozet nous interpelle doublement. Pouvons-nous encore sauver la planète, est-il encore temps et devons-nous choisir pour cela des moyens radicaux?
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Adam Thobias, 65 ans, universitaire, pionnier de la pensée écologique, un génie, reçoit à Brighton, dans sa retraite, l'eurodéputé Carlos Outamendi, autour d'une tasse de thé. Trois semaines plus tard, à Bruxelles, il finit par accepter la proposition de ce dernier qui l'invite à prendre la tête de la CICC, Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel et il déclare alors : "il doit y avoir des mesures politiques, des accords internationaux à respecter, mais nous devons surtout nous réinventer".
Le projet est beau et il est tentant de faire partie d'un groupe d'éclaireurs susceptibles d'avoir une véritable influence sur le cours des choses. Pour le mener à bien, Adam fait appel à des ingénieurs, professeurs, voyageurs, botanistes, architectes, géologues, écrivains qui ont tous un jour collaboré avec lui. Ils formeront le réseau Télémaque. Nous en suivrons certains tout au long du roman, notamment Nathan Régnier, l'une des stars mondiale de la microbiologie, Tomas Grøben, Mia Casal, anthropologue, Arthur Bailly, photographe et June, cette jeune fille un peu paumée qui cherche du sens à sa vie et a connu Adam quand elle était enfant. Ils ont pour tâche entre autre de parcourir la planète, virtuellement sur Google Earth par exemple, pour Tomas, de trouver cette fameuse plante si rare qui pourrait révéler une formule porteuse d'espoir, de localiser les industries polluantes, les lieux où la nature est saccagée, de repérer où passe le gigantesque pipeline qui achemine le pétrole du Moyen-Orient vers la Chine, dans l'enfer vert birman...
En dressant un état du monde et en imaginant une réaction face au changement climatique, qui se révèle être un échec, ceci, dans les années 2017, l'auteur nous amène à réfléchir sur l'urgence écologique et à penser qu'il est peut-être déjà trop tard ... La folie des humains ne détruit-elle pas tout, même les meilleures intentions ?
Le grand vertige, c'est ce sentiment dont nous prenons conscience et que ressentent tous ces personnages auxquels on s'attache très rapidement, devant le gâchis que l'homme a engendré.
Ce roman est une saga écolo-humaniste, où réalité et fiction s'entremêlent, un roman d'aventures très rythmé avec une belle rencontre amoureuse entre Mia et June et dans lequel les enjeux géopolitiques sont plus que présents. La longue digression sur la manière dont le pétrole a complètement bouleversé le cours de l'humanité est magnifique. En contant l'histoire de cet or noir, Pierre Ducrozet (photo ci-dessous) dit : "Bientôt, il n'y a plus un recoin des consciences, plus une terre, une ambition qui ne soient irriguées par l'inflammable liquide."
Ce roman est découpé en quatre mouvements conçus pour être dessinés, chacun ayant une couleur et un rythme différents.
C'est un livre qui ne peut pas nous laisser insensible. Il nous ouvre les yeux sur une réalité, hélas très noire dans laquelle les politiques jouent un rôle négatif, toujours prêts à prendre des engagements, mais les laissant vite choir pour de intérêts financiers immédiats, prônant encore et toujours une croissance à tout va. Il paraît de plus en plus utopiste de penser que nous pourrons échapper à notre propre destruction. J'aimerais me tromper...
En lisant Le grand vertige qui définit notre monde, un monde où le sol s'ouvre sous nos pieds, on ne peut qu'avoir une vision assez pessimiste de l'avenir même si la fin du roman laisse une petite bouffée d'espérance. Il vaut peut-être mieux ne pas abandonner !
Je ne peux que recommander cet auteur au talent incontestable dont le roman L'invention des corps m'avait particulièrement plu et qui avec Le grand vertige confirme l'admiration que j'ai pour lui.
Ghislaine