Erwan Larher : Le livre que je ne voulais pas écrire

Le livre que je ne voulais pas écrire         par       Erwan Larher.

Quidam éditeur (2017), 259 pages ; J'ai Lu (2018) 320 pages.

 

 

 

Il a fallu du temps et beaucoup d’insistance de la part de ses proches et de ses plus fidèles amis pour qu’Erwan Larher, romancier ayant publié déjà cinq ouvrages, se décide à écrire sur ce qu’il a vécu au Bataclan, le 13 novembre 2015.

 

 

Le titre choisi est sans équivoque : Le livre que je ne voulais pas écrire.

 

 

 

C’est bien qu’il l’ait fait et je trouve qu’il apporte beaucoup après le texte publié par Antoine Leiris, Vous n’aurez pas ma haine, journaliste dont l’épouse avait été assassinée ce soir-là.

 

 

 

Les hésitations d’Erwan Larher sont palpables dès les premières pages. Il parle d’abord de son amour pour le rock puis donne la parole à un ami, ou un proche pour « Vu du dehors », interventions qui jalonnent le récit, avant de parler du groupe qui jouait ce soir-là : Eagles of Death  Metal (EODM).

 

 

C’est une amie, Poopy, qui lui avait fait découvrir le groupe lors de Rock en Seine 2009. Lorsqu’il apprend qu’EODM repasse par Paris, il achète sa place sans hésiter. Il invite même trois amis à se joindre à lui mais ils ne sont pas libres ce soir-là.

 

 

Il laisse volontairement passer la première partie pour venir s’installer, dans la salle, à droite de la console entourée de barrières métalliques : « À partir de là, commence une histoire que je ne voulais pas raconter. »

 

 

Erwan Larher le reconnaît : «Pas une victime comme les autres dans un monde qui s’y entend pourtant à les engendrer… »  S’il se décide enfin, ce n’est ni un récit, ni un témoignage car « Réalisme et véracité ne sont que cousins éloignés ». Il a enfin laissé parler ses sentiments, son ressenti, ajoutant : « Vous n’en saurez jamais rien des HURLEMENTS, quelle que soit la plume. »

 

 

Il réussit même à se mettre dans la tête d’un des terroristes qui va « tuer au nom d’un dieu qui jusqu’ici n’a pas fait grand-chose » pour lui. Avec beaucoup de sensibilité, de réalisme, il parle de leur vie sans jamais excuser leurs crimes.

 

 

Cette balle qui traverse son corps, épargne sa vie mais va causer des mois de souffrance : « Blessé, pas paralysé. Tu éprouves du soulagement. Du soulagement, c’est absurde. » Recroquevillé contre une barrière, il pense à Sigolène, dans les locaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015 et qui a écrit « Le Caillou ». Il se répète sans cesse : « Je suis Sigolène, je suis un caillou. »

 

 

Lorsqu’un des assassins crie : « Vous direz à François Hollande que c’est pour venger nos frères tombés en Syrie. », il ajoute : « Je n’ai jamais rien entendu de plus tragique. » Le silence se fait enfin. Il est dans un état second : « Pas grave, on est sauvés. En fait, c’est le début de ton calvaire. »

 

 

On le sort sans ménagement après une longue attente : « Tu lâches prise, couché à même le sol, ciel d’encre au-dessus, grelottant, vidé de tes forces, exsangue, gelé, incapable de parler. Résigné. »

 

 

Erwan Larher (photo ci-contre) n’oublie pas l’humanité de ce jeune pompier qui vient le réconforter, les autres victimes, ceux qui souffrent plus encore et salue le dévouement du personnel hospitalier.

 

 

Jusqu’au bout, ce livre est prenant, émouvant, instructif aussi, très utile par les temps que nous vivons : « La littérature n’arrête pas les balles. Par contre, elle peut empêcher un doigt de se poser sur une gâchette. Peut-être. Il faut tenter le pari. »

 

Un grand MERCI à Dominique qui, à Manosque, nous a parlé, pour la première fois, de ce livre si important.

Jean-Paul

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D
ah, quel livre indispensable, un témoignage plus qu'émouvant et écrit avec une grande humanité, tout ce qui caractérise cet auteur que j'apprécie tellement. j'y ai forcément beaucoup pensé en ce 13 novembre, je l'ai d'ailleurs feuilleté à nouveau ce jour-là. Merci pour cette chronique, merci d'en parler.
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J
Mais c'est nous qui te remercions, Dominique !
A
Bonjour, c'est une lecture prévue mais que je repousse toujours par peur qu'elle soit trop éprouvante. Les témoignages des rescapés ces jours derniers qui exprimaient leur besoin de se retrouver m'ont bouleversée.
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J
Je vous comprends, Azeline, et pourtant ces témoignages, ces récits,sont indispensables. Essayez !
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