Pierre Lemaitre : Miroir de nos peines
-
Miroir de nos peines par Pierre Lemaitre.
Albin Michel (2020) 536 pages
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_f5b833_miroir-de-nos.jpg)
Quelle saga ! Pierre Lemaitre, avec Au revoir là-haut (Prix Goncourt 2013), Couleurs de l’incendie et, cette année, Miroir de nos peines, a brossé un extraordinaire panorama de l’entre-deux guerres mondiales. Cette période est finalement assez peu explorée et c’est avec plaisir et passion que je me suis plongé dans ce troisième volume.
Pierre Lemaitre (photo ci-dessous) mène habilement les destinées, les entrecroise, maintient un suspense qui me pousse à tourner les pages pour savoir, pour retrouver Louise, Gabriel, Raoul, Fernand, Alice, M. Jules et ce fameux Désiré, un mystificateur hors pair.
Si le roman débute le 6 juin 1940, il faut de temps à autre replonger dans le passé pour expliquer, pour révéler des secrets trop lourds à porter et trop longtemps cachés.
Alors que les bruits de bottes menacent l’Europe, Louise, une institutrice âgée de trente ans, qui donne un coup de main à M. Jules pour le service, dans son restaurant-café, reçoit une proposition surprenante de la part d’un client, le vieux docteur Thirion. Il lui demande de bien vouloir se mettre nue devant lui, dans une chambre d’hôtel, et promet de payer cher pour cela, tout en s’en tenant là. Louise hésite longtemps puis accepte.
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_97e6fa_plemaitre.jpg)
Et c’est le premier coup de théâtre du roman qui démarre donc sur les chapeaux de roues. Au passage, je retrouve les noms des fameux auteurs des faux monuments aux morts, héros de Au revoir là-haut : Édouard Péricourt et Albert Maillard. Le film, inspiré de ce roman, était superbe.
Au même moment, alors que la guerre menace, Raoul Landrade et Gabriel sont soldats affectés dans un fort de la fameuse ligne Maginot qui devait bloquer l’accès de notre pays à l’ennemi. Ce ne sont pas les meilleurs amis, c’est le moins que je puisse dire…
Entre alors en scène le fameux Désiré. Il est instituteur, aviateur, avocat puis on le retrouve au ministère de l’information et enfin curé, toujours avec un aplomb et un culot formidables.
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_fc34b1_l-exode-mai-juin-1940-c-lapi-roger-vio.jpg)
Entre les histoires d’amour, les secrets de famille, les mystères, les cachotteries, les révélations, le principal intérêt de Miroir de nos peines, c’est de plonger son lecteur dans le terrible exode des populations devant l’avancée inexorable de l’armée nazie : « Un immense cortège funèbre, pensa Louise, devenu l’accablant miroir de nos peines et de nos défaites. »
Pierre Lemaitre a beaucoup de talent pour inclure toute une réalité un peu trop vite oubliée dans sa fiction toujours bien racontée.
Dans cette fuite devant l’ennemi, se trouve aussi l’exode pénitentiaire. Près de deux mille personnes détenues sont parties de Paris le 12 juin 1940 et Pierre Lemaitre conte tout cela, démontrant toute l’absurdité d’une situation devenue incontrôlable. La mort venue du ciel par les avions allemands bombardant et mitraillant les civils sur les routes, s’abattait aussi sur les prisonniers malades ou blessés, exécutés froidement par leurs compatriotes.
Miroir de nos peines est une formidable fresque historique au travers de destinées familiales compliquées dans lesquelles Pierre Lemaitre a réussi à me plonger : un régal de lecture.
Jean-Paul
Miroir de nos peines par Pierre Lemaitre.
Albin Michel (2020) 536 pages
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_2d50ab_maxresdefault.jpg)
Après Au revoir là-haut, Prix Goncourt 2013 et Couleurs de l'incendie, Miroir de nos peines vient clôturer la trilogie dans laquelle Pierre Lemaitre (photo ci-contre) nous a conté avec talent cette période de l'entre-deux-guerres, la toile de fond de ce troisième opus étant l'exode de juin 1940, à l’heure de la débâcle.
Le roman débute le 6 avril 1940, six mois après la mobilisation générale.
Comme dans les deux premiers romans, ça démarre fort, avec un suicide.
Louise Belmont, dont la mère louait un local à Edouard Péricourt et Albert Maillard, est devenue institutrice et sert occasionnellement au café-restaurant la Petite Bohème. dont M. Jules est le propriétaire et cuisinier. Un vieil habitué, le docteur Thirion va lui faire une drôle de proposition qui bouleversera la vie de Louise et la jettera sur les routes de l'exode à la recherche de son frère.
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_bce1c9_miroir-de-nos-peines-v1-024-couv-avo-2.jpg)
Nous partons ensuite sur la ligne Maginot, sur le fort Mayenberg, le plus important ouvrage de cette ligne où Gabriel, stressé et perturbé par le risque d'une attaque chimique, est affecté. Il a sous ses ordres Raoul Landrade, "la plaque tournante de tous les magouillages... La vie était pour lui un vivier inépuisable de combines et de fricotages". Ils vont être appelés en renfort dans les Ardennes.
Et puis il y a l'extraordinaire Désiré que nous allons retrouver, selon les circonstances, sous des identités différentes.
Se joindront à ces personnages Alice et Fernand, un couple très attaché qui devra se séparer quelque temps. Chacun accomplira des exploits à sa manière.
Le roman s'achève le 13 juin 1940, mais Pierre Lemaitre dans l'épilogue, pour ne pas nous laisser sur notre faim, résume ce que sont devenus ses personnages.
Au départ donc, c'est une France avec des habitants vivant encore relativement paisiblement, les troupes allemandes n'ayant pas encore franchi les frontières françaises qui nous est présentée. Sur la ligne Maginot, on attend aussi, on angoisse parfois à vivre dans cet espace plus que confiné, même si certains, comme à chaque fois savent s'adapter très vite et tirer profit de la situation. Mais lorsque les hommes sont appelés en renfort dans les Ardennes, la situation tourne rapidement au tragique, car il leur est impossible de faire face à l'attaque de cette écrasante armée allemande et ils devront alors battre en retraite.
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_a2aede_phpdgl6qc.jpg)
Pierre Lemaitre nous offre une description saisissante de cette humiliante retraite où les soldats se retrouveront ensuite mêlés à la population dans ce terrifiant exode. Le pouvoir politique est complètement dépassé et l'épisode réel de "l'exode pénitentiaire" en est un des exemples.
Hallucinante, cette période de l'exode où femmes, enfants, vieillards sont jetés sur les routes pour fuir l'envahisseur et se trouvent à la merci des bombardiers allemands qui n'hésitent pas à lâcher leurs bombes sur cette population civile. Que de morts, de souffrances et que de gâchis !
La force de Pierre Lemaitre est de nous faire découvrir cette période de la grande Histoire grâce à une imagination débridée en créant des personnages très attachants, parfois un peu ou beaucoup foldingues comme ce Désiré qui trouve d'autant mieux sa place que la période est exceptionnellement troublée et lui ouvre des possibilités nouvelles... Il est tour à tour faux avocat, faux médecin, faux instituteur, faux chirurgien, faux préposé à la censure, à la propagande, faux aviateur pour finir faux curé ! Un curé déjanté, un curé qui décoiffe, un curé qui nous plonge dans une grande hilarité au milieu d'une situation plus que noire et tragique. On en redemande et on a envie de sauter des pages pour le retrouver plus vite !
/image%2F3417118%2F20201108%2Fob_5dda13_f9396b023ef1bd2a4dcb8f08aa857b9e.jpg)
Tous ces protagonistes, fuyant Paris, après de multiples péripéties, et cela on le présent assez rapidement, convergent vers un même lieu.
Si le roman est très rocambolesque, il n'en est pas moins très politique et très pertinent.
Un film est déjà dans le livre tant l'écriture s'y prête, un livre qui m'a toutefois un tantinet moins plu que les précédents.
Ghislaine