Éric Reinhardt : Comédies françaises

Comédies françaises       par    Éric Reinhardt.

Gallimard (2020), 476 pages.

 

 

Dimitri est un jeune homme né en 1989 dont on apprend dès les premières pages qu'il est décédé dans un accident de la route à l'âge de 27 ans, qu'il était passager d'une BMW dont la conductrice aurait perdu le contrôle, sans explication. La majorité des personnages présents dans le roman sont inscrits sur la page du faire-part, cependant pas tous. Est notée également sur celle-ci : " Que sa curiosité insatiable, son humour, sa colère et son idéalisme nous servent d'exemple à jamais."

 

C'est donc la vie de Dimitri Marguerite qu'Éric Reinhardt va nous raconter dans Comédies Françaises. Nous rencontrons ce jeune homme rêveur, railleur aussi, une première fois en juin 2015, à Madrid en Espagne. Alors qu'il flâne, en soirée, une jeune femme attire son attention. Le hasard fera qu'il sera amené à croiser à nouveau cette belle, mystérieuse et insaisissable inconnue plusieurs fois, à Paris puis à Bordeaux. Cette quête amoureuse est présente tout au long du roman.

 

Mais faisons connaissance avec ce jeune homme passionné par le domaine du spectacle vivant et le théâtre. Il est un élève brillantissime mais arrête tout en 2008 alors qu'il est en 2ème année de classe préparatoire scientifique, pour le théâtre. Recalé au concours du Conservatoire national de Paris, il s'inscrit à Sciences Po Paris où il peut enfin s'épanouir un peu, allant au spectacle quasiment tous les soirs. Mais c'est un poste dans un cabinet de lobbying qui va se présenter à lui et qu'il va accepter notamment pour le salaire très attractif. Mais sa culture politique d'extrême-gauche le contraindra à démissionner. Ne sachant pas vers quel métier il va pouvoir se tourner, une amie  lui parle alors du concours organisé chaque année par l'AFP pour recruter de jeunes reporters. Il se présente et est admis.

 

Il propose à Louis Pouzin, l'inventeur du datagramme, c'est-à-dire d'Internet de le rencontrer en vue d'écrire un livre d'entretiens. Intrigué et curieux de comprendre pourquoi les recherches de cet ingénieur français ont été brusquement interrompues par les pouvoirs publics en 1974, il mène son enquête. En parallèle, ayant été profondément marqué, à 18 ans par un documentaire sur Max Ernst, il projette d'écrire comment ce dernier a transmis le flambeau de l'avant-garde artistique à Pollock (tableau ci-dessous). Il a donc  toujours sur lui pour noter, deux carnets : un carnet Clairefontaine bleu à motifs écossais, à spirales et à petits carreaux consacré à ce projet de roman et un carnet rose clair, où s'accumulent ses notes sur le datagramme, Louis Pouzin et la création d'Internet.

 

C'est un roman d'une richesse inouïe dans lequel le domaine artistique, avec ces magnifiques pages dans lesquelles Dimitri - l'auteur ? - révèle sa passion pour les arts de la scène, avec le surréalisme et comment la peinture abstraite américaine a été autant mise en avant et a connu une telle notoriété, contrebalance le domaine politique avec sa noirceur et ses dessous de table.

 

Chacun de nous a entendu parler du lobbying et en connaît la définition. Mais la description qu'en fait Éric Reinhardt (photo ci-dessus) est absolument remarquable et convaincante. Je n'imaginais pas que ce pouvoir des lobbies était déjà aussi présent dans ces années 1970 et surtout aussi puissant. Que cet industriel Ambroise Roux (photo ci-dessous) ait pu être assez influent pour avoir sabordé l'Internet français et la manière dont cet omnipotent patron de la CGE (Compagnie Générale d'Electricité) a mené à bien sa besogne est vraiment époustouflant !

 

L'auteur aurait pu écrire un vrai documentaire sur ce fait et sur cet homme. Son talent a été d'écrire un roman passionnant en faisant mener l'enquête par son héros. De plus, l'humour vient souvent agrémenter ses propos, notamment lorsque Dimitri lit des passages du fameux roman Un prince des affaires de Anne de Caumont : jubilatoire.

 

Ahurissant et écœurant, le pouvoir que peuvent avoir ces lobbyistes sur les hommes politiques et leurs décisions ! Il suffit de regarder ce qui se passe en ce moment, en ces temps de confinement avec les chasseurs pour s'en convaincre.

 

Comédies françaises est un savant mélange de roman social, de roman historico-politique où la rêverie amoureuse, le sentiment de perte du réel sont aussi présents.

Ghislaine

 

Comédies françaises      par   Éric Reinhardt.

Gallimard (2020), 476 pages.

 

Éric Reinhardt (photo ci-contre) que je lis pour la première fois m’a emmené dans un roman un peu fou, très long, un peu trop à mon goût. Pourtant, je reconnais que la plume de l’auteur est alerte, incisive, efficace, et qu’il sait accrocher l’intérêt de son lecteur tout en révélant des informations très instructives.

 

 

Tout commence avec la quête d’une fille croisée dans Madrid, fille que Dimitri, le narrateur, veut absolument retrouver, croit reconnaître mais disparaît avant qu’il ait pu l’aborder. Seulement, avant que cette quête commence, l’auteur avait inséré l’avis de décès de Dimitri Marguerite et les circonstances de l’accident de voiture qui a causé sa mort, le 16 juillet 2016, sur une route de Bretagne. Sa compagne, Pauline, qui conduisait, étant indemne.

 

 

Madrid, Paris, c’est en 2015 puis l’auteur permet de faire connaissance avec son héros qui m’a entraîné dans le monde du lobbying puis dans l’enquête journalistique. Spontané et curieux, Dimitri n’a pu poursuivre son travail trouble de consultant et se retrouve journaliste à l’AFP.

 

C’est à partir de là que sa rencontre avec Louis Pouzin (photo ci-contre) enclenche ce qui est le cœur du livre : l’histoire de l’inventeur du datagramme qui avait mis au point, bien avant les Américains, ce qui deviendra Internet. Oui, vous lisez bien, Internet aurait dû être français si Valéry Giscard d’Estaing, cédant aux pressions du plus grand patron de l’époque, Ambroise Roux (CGE), n’avait sacrifié tout ce que préparait Louis Pouzin et son équipe à l’IRIA (Institut de recherche en informatique et en automatique) de Rocquencourt. Tout cela pour que la France soit la première à mettre au point le… Minitel. Dans tous les hommages rendus à l'ancien président de la République qui vient de mourir, je n'ai pas entendu la moindre allusion à ce naufrage...

 

L’histoire, la quête plutôt, de Dimitri est infiniment détaillée. L’auteur répète plusieurs fois certains épisodes, avance, revient en arrière puis m’emmène subitement sur les traces de Max Ernst depuis sa maison de Saint-Martin d’Ardèche où il vécut avec Leonora Carrington (photos ci-dessus et ci-dessous) jusqu’à New York avec les surréalistes, André Breton, Jackson Pollock, Lee Krasner, sans oublier leur égérie et mécène : Peggy Guggenheim. C’est complet, documenté, agrémenté d’anecdotes savoureuses, étonnantes dont le texte foisonne mais j’ai trouvé cela beaucoup trop long.

 

Finalement, me revoilà au cœur du sujet : Ambroise Roux (1921 – 1999). Éric Reinhardt, en utilisant la fiction, réussit à rappeler l’histoire de cet homme qui influença tellement les décisions politiques des années 1970. C’est souvent critique, voire caustique et les aventures sentimentales de Dimitri offrent quelques respirations salutaires.

 

 

Je ne peux passer sous silence la désopilante analyse de la biographie du grand homme rédigée par une journaliste à particule, reine de la brosse à reluire.

 

Comédies françaises est un livre à lire, assurément, car ce que nous vivons aujourd’hui avec la toute puissance des Américains grâce à Internet, aurait pu être évité comme le démontre brillamment Éric Reinhardt.

 

Jean-Paul

 

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