Marc Voltenauer : Les Protégés de sainte Kinga
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Les Protégés de Sainte Kinga par Marc Voltenauer.
Slatkine & Cie (2020) 541 pages.
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Mais quel polar ! Je ne connaissais Marc Voltenauer (photo ci-contre) que de nom, n'ayant pas lu ses précédents ouvrages. Avec Les protégés de Sainte Kinga, j'ai été conquise dès les premières pages, à ne plus pouvoir lâcher le bouquin. Le comble est, que étant tellement emportée par cette enquête et bien que le livre fasse pas moins de 541 pages, je me suis obligée à ralentir pour le dernier quart afin de garder du plaisir pour plus longtemps, comme on peut parfois le faire avec un mets savoureux qu'on voudrait ne jamais voir terminé. Je remercie donc vivement Babelio et les Éditions Slatkine & Cie qui m'ont permis de vivre des heures intenses.
Avant de démarrer l'intrigue, l'auteur nous présente comment ces mines de sel, celles de Bex, dans le canton de Vaud ont été découvertes incidemment par Jean Bouillet, au XVe siècle. Il faut souligner qu'elles sont encore exploitées aujourd'hui et qu'il s’agit des dernières mines de Suisse encore en exploitation.
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C'est donc dans ces dernières que va avoir lieu une incroyable prise d'otages, avec parmi eux une classe d'adolescents, leurs deux enseignantes et une guide, des membres d'une association d'extrême-droite, le bloc identitaire suisse et deux sauniers. L'inspecteur Andreas Auer n'a que quelques heures pour mener son enquête et découvrir le nombre et l'identité des ravisseurs et leurs motivations. Qui se cache notamment derrière ce personnage déguisé en Charlot, dont les revendications lancées par vidéos sont pour le moins peu banales et y n'y aurait-il pas un complice à l'extérieur de la mine ?
À cette enquête palpitante, nous est dévoilée en parallèle, la vie de Aaron Salzberg. Elle débute en 1826, lorsque ce jeune Juif polonais arrive à Bex recommandé au directeur des Mines de sel par son père, géologue. Si, dans un premier temps tout va pour le mieux, les choses vont bientôt tourner à la tragédie.
Si le lieu, en l'occurrence ces mines de sel, est le point commun aux deux histoires, il se pourrait bien que les personnages puissent également être un point de rapprochement.
Ce sel, ce véritable or blanc, pas seulement cet élément qui donne du goût à nos préparations culinaires mais aussi ce qui donne du piquant à nos propos, de l'intérêt à notre vie, son extraction et ces bienfaits sont au cœur de ce polar et lui confèrent déjà son originalité. Une autre originalité se révèle dans les motifs de cette prise d'otage qui sont sociaux et humanistes, loin des demandes de rançons habituelles.
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En dehors de l'enquête policière extrêmement bien ficelée, menée avec des moyens modernes de communication et d'information, ce sont les thèmes déployés par l'écrivain qui m'ont particulièrement marquée.
Sans jamais tomber dans le manichéisme, Marc Voltenauer analyse fort bien comment des hommes et des femmes ont pu se retrouver à soutenir des thèses aussi indignes que celles portées par l'extrême-droite, comment la haine de l'homosexualité peut être soutenue et du coup encouragée par des religieux intégristes. Il pointe également du doigt la lenteur et souvent l'incurie des services administratifs vis-à-vis des réfugiés, avec ces familles séparées sans raison justifiée. Des thèmes sombres évidemment mais ô combien actuels, malheureusement ! Tout ceci donc pour la période contemporaine.
Avec Aaron Salzberg, c'est à tout un pan de l'histoire de la Pologne que l'auteur va faire référence. Ce nom Salzberg, qui signifie "montagne de sel" ancien nom en allemand de la ville Bochnia, Bochnia et son ghetto créé entre mars et avril 1941, dont la liquidation totale a eu lieu le 1er septembre 1943. De terribles pages témoignent de ces sombres moments.
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J'ai admiré la maîtrise avec laquelle l'auteur genevois a su relier le passé avec le présent, n'hésitant pas à inclure deux arbres généalogiques pour une compréhension optimale. J'ai apprécié aussi les précisions documentaires aussi bien historiques que géographiques ainsi que les détails du fonctionnement des cellules de crises policières, même si j'ai parfois été un peu perdue par cette technique informatique.
Les chapitres sont courts. Leur titre, en faisant très souvent référence au temps précédent ou suivant la prise d'otages, la présence d'une carte avec le plan de la mine jointe au livre m'ont fait suivre en direct et en quelque sorte aidé à participer avec eux tous, à essayer de convaincre ces preneurs d'otages à les relâcher. Quel suspense !
Ghislaine
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Les Protégés de sainte Kinga par Marc Voltenauer.
Slatkine & Cie (2020) 541 pages.
Quelle découverte ! Quel super polar aussi passionnant qu’instructif !
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Avec Les Protégés de sainte Kinga, Marc Voltenauer (photo ci-contre), auteur suisse que je découvre pour l’occasion, m’a, en plus, donné envie d’aller visiter ces fameuses mines de sel, à Bex, pas très loin de ce Rhône qui passe, un peu plus tard, tout près de chez moi.
Ce polar super addictif débute par la légende Jean Bouillet, dit « le Bracaillon », qui raconte avoir visité « les magasins du diable. » Il avait vu des gnomes extraire ce fameux sel trouvé au cœur de la montagne où se déroule l’essentiel du drame qui va se jouer.
Au fur et à mesure de son récit bien maîtrisé, Marc Voltenauer joue avec les époques. Après avoir présenté Hannah qui, arrivée à Gryon en 1946, avait des chiffres tatoués sur son avant-bras, je suis plongé sans ménagement en pleine prise d’otage… fictive, exercice de l’Académie de police de Savatan. Je fais alors connaissance avec Andreas Auer, inspecteur de police déjà héros de précédents romans de l’auteur. Il forme de jeunes aspirants policiers dont Kinga Nowak, au prénom prémonitoire puisque sainte Kinga est, en Pologne, la patronne des mineurs. Soudain, et ce n’est plus un exercice, alerte maximum : prise d’otages dans les mines de sel !
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À partir de là, tout va s’enchaîner sur un rythme soutenu et avec une précision extraordinaire. Il y a d’abord les heures précédant la prise d’otages, très utiles pour le lecteur que je suis car l’auteur réalise une parfaite description de la mine – plus un plan cartonné à l’appui – avant de rappeler, plus tard, son histoire.
Au XIXe siècle, voici Aaron, venu de sa Pologne natale, envoyé par son père, Itzahk, géologue, pour s’embaucher à Bex. Le jeune homme a vingt-et-un ans et ce qu’il va vivre se révèle aussi passionnant et terrible que la prise d’otages. La jalousie, la méchanceté, la concupiscence, l’antisémitisme sont des maux bien trop attachés à notre espèce dite humaine…
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Enfin, et surtout, j’ai été emporté par le terrible décompte des heures et minutes après la prise d’otages. C’est un mime, grimé en Charlot, inspiré par Le Dictateur de Charlie Chaplin, qui dicte ses volontés à la police, bien appuyé par un hacker, génie de l’informatique.
Seulement, ses otages sont nombreux avec des adolescents d’une classe en visite, deux enseignantes, des employés de la mine et tout un groupe d’un mouvement d’extrême-droite, le Bloc identitaire suisse qui s’était réuni dans une salle de la mine.
Inutile d’en dire davantage car chaque lecteur, comme moi, se laissera entraîner avec plaisir mais surtout angoisse dans cette prise d’otages hors normes.
Comment un homme, au bout du rouleau et révolté par toutes ces injustices scandaleuses de notre monde actuel, tente d’y remédier ?
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Marc Voltenauer s’y prend bien, ne ménage aucun renseignement technique et m’impressionne beaucoup par son souci du détail jamais lassant, toujours précieux.
Au fil de ma lecture, j’ai frémi, tremblé, pris fait et cause pour les revendications de Charlot tout en réprouvant le recours à la violence.
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Habilement, Marc Voltenauer a su relier les drames du passé, la shoah, aux cicatrices toujours bien visibles aujourd’hui et à leurs conséquences. Cela a au moins le mérite de rafraîchir la mémoire afin d’éviter à tout prix que cela se reproduise. Il met aussi le doigt sur l’accueil familial des réfugiés dramatiquement séparés par des décisions bureaucratiques absurdes.
Les Protégés de sainte Kinga : un polar que j’ai dévoré !
Jean-Paul