Yves Montmartin : La mauvaise herbe

La mauvaise herbe       par     Yves Montmartin.

La chouette à lunettes (2021) 250 pages.

 

L‘épigraphe signée Jim Fergus, choisie par Yves Montmartin, pour son roman La mauvaise herbe est parfaitement adaptée à l’esprit de celui-ci : « Toutes les religions semblent être organisées au bénéfice du sexe masculin, avec pour conséquence que les femmes sont reléguées au second plan : elles accouchent, élèvent les enfants, s’occupent des corvées. Voilà pourquoi je me méfie des religions. »

 

Qui est cette mauvaise herbe, qui la traite ainsi et pourquoi ? Telles sont les questions soulevées par l’auteur dans ce roman divisé en quatre saisons qui seront comme des tranches de vie pour notre héroïne Amira, la mauvaise herbe.

 

Avant d’entrer dans ces quatre périodes, est offert au lecteur un tableau écrit saisissant, dans lequel un père apprend à son enfant à arracher méticuleusement les mauvaises herbes dans les rangées de légumes : « les mauvaises herbes, il faut les déraciner. Une fois que tu as bien supprimé les racines, la plante ne repousse plus, elle est morte à jamais ». Difficile de ne pas saisir la métaphore...

 

Tout s’annonce bien pour cette  petite fille née en Algérie le premier jour du printemps, troisième enfant après deux garçons. Son père Salim est donc comblé et a choisi son prénom : Amira, qui signifie « princesse » en arabe, disant à ses amis « Maintenant que j’ai mes deux rois, je peux accueillir une princesse ». Sa mère Hadjila est une épouse silencieuse et dévouée. Tante Nour,  elle, Amira  du haut de ses cinq ans, dit  qu’elle est leur soleil ! Elle est une Bayra (une périmée) terme employé pour celles qui sont encore célibataires à 35 ans. Elle a toujours refusé les prétendants proposés faisant de ses études sa priorité absolue. Elle est devenue infirmière. Raïssa, la grand-mère d’Amira a d’ailleurs mis en garde plusieurs fois son père de la mauvaise influence qu’elle pourrait introduire dans sa cervelle. Bientôt de nouveaux voisins vont s’installer et Loubna deviendra vite la meilleure amie d’Amira et elles feront leur première rentrée des classes ensemble.

 

Amira est une enfant pleine d’énergie, un peu casse-cou, éprise de liberté et déterminée à choisir elle-même son mari, le moment venu. Elle n’aura rapidement qu’un seul souhait devenir professeur de français. La suite montrera malheureusement qu’ils et elles sont nombreux à voir en elle la mauvaise herbe...

 

En racontant le destin tragique de cette enfant algérienne devenue une belle jeune femme pleine d’enthousiasme et d’espoir mais rejointe malgré elle par le poids des traditions culturelles et de la religion, Yves Montmartin (photo ci-contre), de manière très documentée réussit magistralement à nous faire prendre conscience de la difficulté à s’émanciper de ces chaînes.

 

En incluant dans le récit, la fête de l’Indépendance ou la fête de l’Aïd el Kebir, l’auteur nous plonge dans la vie même d’Alger sans oublier de nous faire revivre les manifestations de janvier 2011contre notamment la flambée des prix. Sont aussi évoqués lors d’une dégustation de pâtisseries à la terrasse du Milk Bar (photo ci-dessous), l’attentat perpétré par le FLN le 30 septembre 1956 dans ce même café.

 

Quelques termes arabes glissés çà et là renforcent ce sentiment d’être au plus près d’Amira.

 

Il dépeint bien également la vie de l’exilé, celui qui doit vivre dans un pays étranger avec ce que cela implique de difficultés et de sentiment d'éloignement de son pays.

 

Impossible de rester indifférent à cette tragédie finale. Comment est-il possible que les femmes aient pu être reléguées à ces rôles d’enfantement, d’obéissance et de soumission ? Pourquoi, en ces temps dits éclairés, de tels sentiments et de tels préceptes peuvent-ils encore avoir valeur d’écoute ?

 

 

C’est un roman que j’ai lu d’une seule traite tant j’ai eu le désir de suivre cette gamine dont la photo magnifique de la couverture exprime au plus près la représentation que je m’en suis faite. Son amitié presque fusionnelle avec Loubna, sa correspondance avec Sofia par pseudo interposés via Scriberio, clin d’œil à notre site préféré ainsi que son ultime amitié avec Giulia accompagnées par un amour inconditionnel pour la littérature éclairent brillamment ce roman mais ne réussissent cependant pas à faire oublier les violences intolérables et injustifiables commises au nom d’un dieu quel qu’il soit. Il serait temps de mettre fin à cet obscurantisme encore bien contemporain.

 

 

Mais soyons optimistes, car on réalise enfin que les mauvaises herbes du jardin possèdent en réalité bien des qualités et que le temps où on les éradiquait tout simplement est révolu !

 

Je remercie Yves Montmartin pour la découverte de ce roman poignant, ô combien émouvant et inoubliable que je conseille à chacun afin de prendre conscience de cette terrible réalité et également de ce que peut être l’exil.

Ghislaine

 

 

La mauvaise herbe       par    Yves Montmartin.

La chouette à lunettes (2021) 250 pages.

 

En quatre saisons, du printemps à l’hiver, j’ai plongé dans la vie d’Amira, une jeune Algérienne, pour une histoire inspirée de faits réels, romancée avec talent par Yves Montmartin. Artisan-écrivain, comme il le revendique, il a déjà publié quatre romans, plus quatorze albums pour les enfants.

 

Avec La mauvaise herbe, il m’a emmené dans une famille modeste d’Alger où la petite Amira adore aider Salim, son père, à arracher les mauvaises herbes du jardin aménagé à l’arrière de leur petite maison. Cette mauvaise herbe à laquelle se compare Amira, narratrice de la presque totalité du roman, est le thème, le symbole de ces filles, de ces femmes qui revendiquent avec courage leur autonomie, leur indépendance.

 

Pour bien comprendre cela, l’auteur détaille, explique traditions et coutumes de la société algérienne et j’ai été impressionné par la quantité de découvertes apportées au fil du texte. Yves Montmartin (photo ci-contre) n’a rien négligé, donnant même le sens de plusieurs prénoms arabes que nous connaissons, comme Driss, Walid, Mourad et surtout Amira, bien sûr, qui signifie princesse.

 

Alors, j’ai suivi les pas de cette fille et découvert avec plaisir la vie quotidienne de son quartier et son fameux supermarché « Caïn-Cabas ». La tante Nour est aussi un personnage important car elle a refusé de respecter la tradition, de se marier pour devenir femme au foyer. C’est pourquoi, elle est désignée du terme méprisant de « Bayra », périmée, à trente-cinq ans. Elle ne porte jamais de foulard contrairement à Hadjila, la mère d’Amira, originaire des montagnes de Kabylie.

 

Surtout, il y a Loubna, la fille des voisins, qui devient la meilleure amie d’Amira. Elles sont inséparables mais rien n’est éternel dans ce bas-monde, hélas ! Lorsqu’arrive l’été, les « almuhajirin » (les émigrés) reviennent au pays. Tout au long de ce roman bien documenté, l’auteur permet de comprendre les liens et en même temps les différences entre les Algériens restés au pays et ceux qui se sont installés plus au nord de la Méditerranée. Des cas simples, des anecdotes très parlantes permettent de mettre en évidence points communs, différences et ruptures.

Enfin, l’auteur n’oublie pas les révoltes contre la flambée des prix, les manifestations des étudiants réclamant plus de liberté, les attentats aveugles des islamistes qui rappellent les heures les plus sombres de l’histoire du pays.

 

 

Malgré tout, il reste le poids énorme des traditions, la référence inévitable à la religion, au Coran et surtout le patriarcat. Les moments de joie et de bonheur ne manquent pas mais les saisons passent et l’automne apporte les premiers drames, même si Amira réussit à réaliser son rêve : devenir professeure de français au Lycée El-Drouassi, le premier lycée de jeunes filles qui fut ouvert à Alger.

 

Si j’ai moyennement apprécié les échanges numériques et épistolaires avec Sofia, basée au Portugal, j’ai trouvé très réaliste la description de ces quartiers de grands ensembles bâtis dans la banlieue lyonnaise afin de loger un maximum de monde.

 

 

Impossible d’en dire plus pour ne pas nuire aux lecteurs à venir mais cet hiver qui arrive n’annonce rien de bon. Je tire un grand coup de chapeau à Yves Montmartin pour sa séquence du train de 7 h 30, quand un narrateur prend subitement le relais d’Amira. C’est une réussite littéraire !

 

 

J’ajoute un dernier mot pour remercier l’auteur pour sa si juste dédicace.

 

Jean-Paul

                             

                             

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Vas-y Dominique !!!
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