Laurent Cappe : BLEU
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BLEU par Laurent Cappe.
Éditions Vendeurs de Mots (2020) 262 pages.
Si Bleu est le premier roman de Laurent Cappe, il n’en est pas moins un roman réussi, d’une grande intensité dramatique.
L’histoire se déroule fin du 19ème, début du 20ème, dans un petit bourg auquel l’auteur donne le nom de Village. C’est un peu à l’écart que vit la famille Carson qui ne descend au Village qu’à l’occasion des marchés pour acheter le nécessaire, personne ne leur adressant trop la parole sauf quand ils ont besoin de leur acheter des tonneaux, des barriques ou de petits meubles pratiques et solides de leur fabrication. En effet, une malédiction les poursuit de génération en génération: ils sont bleus, ils ont la peau bleue et du coup sont maudits et voués aux moqueries et aux brimades, personne à l’époque ne connaissant cette maladie.
Au Village sur le côté droit de la place est bâti Le Manoir, ce pensionnat pour jeunes orphelines du canton tenu par les sœurs de la Charité et où a été accueillie Frida, lors du décès de ses parents.
L’enfant, devenue adolescente est particulièrement belle et ne passe pas inaperçue lors des quelques sorties organisées par les nonnes, notamment par Maurice Duriez, l’un des jumeaux du puissant propriétaire de la brasserie locale et également maire du Village. Et voilà que Rose et Guillaume Louchez qui tiennent le seul cabaret du Village et qui n’ont jamais pu avoir d’enfant décident d’adopter Frida. La jeune fille va alors pour la première fois depuis la disparition de ses parents se sentir entourée de tendresse et d’amour. Mais il y a un autre amour qui s’est épanoui. Le fils Carson, Charles, ce jeune homme à la peau bleue et Frida sont éperdument amoureux.
Le moins que l’on puisse en dire est que cette liaison va bouleverser totalement la vie du Village !
Si je n’ai pas été complètement emportée par les premières pages, mon intérêt pour cette histoire est allée crescendo jusqu’à un enchantement total.
J’ai trouvé que Laurent Cappe (photo ci-dessous) avait fait une approche psychologique des personnages très pointue, que le langage utilisé dans les dialogues entre Maurice et Louis était particulièrement adapté à la personnalité de chacun des frères Duriez.
C’est un roman très dur par les sujets abordés, avec en point d’orgue un amour passionnel. L’exclusion de la société pour la seule raison d’être différent des autres, en est le principal. Se pose la question de savoir pourquoi l’homme, même s’il n’a pas toutes les explications en main, comme ici cette couleur bleue due à un problème sanguin non encore élucidé, pourquoi cède-t-il à la peur et est prêt à faire souffrir celui qui est différent ?
La peur de l’inconnu, l’hostilité vis-à-vis de l’étranger, qu’est la xénophobie ou encore le racisme ont les mêmes conséquences. En s’inspirant très librement d’un fait réel, d’une famille du Kentuky atteinte par cette mauvaise oxygénation du sang, l’auteur a trouvé un biais très original pour raconter la mise au ban de la société et la violence pouvant découler de la simple différence. Il a su mettre en évidence avec des mots toujours très justes, l’ambition, la convoitise, comment ceux que l’on nomme les braves gens suivent le mouvement sans se poser de question mais aussi les sentiments de culpabilité ressentis par certains protagonistes.
De même, il nous amène à faire notre propre introspection, à regarder à l'intérieur de nous-même et à nous interroger sur ce qu'aurait pu être notre vie, si, à tel moment, nous n'avions pas choisi cette voie mais plutôt une autre.
Au final, Bleu se révèle comme un roman extraordinairement riche en émotions et Laurent Cappe, par ailleurs fondateur du Rollmops Théâtre de Boulogne, un auteur prometteur dont l’écriture est fine, sensible et d’une grande justesse.
Je le remercie donc pour m’avoir offert des moments de lecture inoubliables avec ce roman bouleversant empli d’humanisme !
Ghislaine