Leonardo Padura et Laurent Cantet : Retour à Ithaque
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Retour à Ithaque par Leonardo Padura et Laurent Cantet.
Éditions Métailié. (2020) 165 pages.
Traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis.
Titre original : Regreso a Itaca.
J’avais beaucoup apprécié Leonardo Padura dans L’homme qui aimait les chiens, un récit-roman de la vie de Ramon Mercader, l'assassin de Léon Trotski, et La transparence du temps, un des romans de la série policière ayant pour héros le lieutenant-enquêteur Mario Condé, le roman noir permettant à l’auteur, un des meilleurs témoins des réalités cubaines, de distiller une vraie réflexion sur ce pays.
Ayant eu la chance de pouvoir me rendre sur cette magnifique île des Caraïbes, séjour malheureusement interrompu par l’arrivée du virus, lorsque j’ai vu à ma médiathèque, ce livre co-écrit avec Laurent Cantet Palme d’or du festival de Cannes en 2008 avec le film Entre les murs, je n’ai pas hésité !
Retour à Ithaque composé de cinq séquences nous propose le scenario du film, sorti en France en 2014, mais également la genèse de celui-ci. Leonardo Padura explique pourquoi, bien que n’aimant pas écrire pour le cinéma, a d’abord accepté un projet de film 7 jours à la Havane, composé de brèves histoires de la ville « où je suis né, où je vis et où j’écris ». Celui-ci l’a finalement mené à Ithaque. Dans la liste des réalisateurs ayant rejoint ce projet de film choral sur la Havane, se trouvait Laurent Cantet, dont le désir était de tourner à Cuba et qui avait été emballé par la traduction française parue en 2009 du roman Le Palmier et l’Étoile de Leonardo Padura (un extrait nous en est d’ailleurs donné).
Photo ci-contre : Leonardo Padura et Laurent Cantet.
Un groupe de vieux amis, Cubains, la cinquantaine, sont réunis sur la terrasse d’un immeuble dominant la ville, à La Havane. Il y a Tania, la médecin ophtalmo payée en poulets et fruits par des patients fauchés, Aldo, l'ingénieur mécanicien qui n'a pas de boulot et qui pour gagner sa vie fabrique des batteries de voiture, clandestinement, Eduardo (Eddy) le fonctionnaire qui peut voyager à l'extérieur et parfois faire du trafic, n’ayant jamais pu exercer son métier de journaliste, et Rafael (Rafa), le peintre en manque d'inspiration, heureux de se retrouver avec Amadeo, écrivain, vivant depuis seize ans en Espagne où il était resté à l’occasion d’une tournée de la compagnie de théâtre dont il était le dramaturge et aujourd’hui de retour sur l’île.
Ils se souviennent de leur jeunesse, des interdictions entre autres, d’écouter de la musique américaine mais aussi les Beatles, de porter les cheveux longs et des pantalons serrés, « déviationnisme idéologique » et « signe d’immaturité politique », mais aussi des obligations pour les étudiants d’aller travailler deux mois aux champs. Ils se rappellent ce vieux slogan « l’Homme Nouveau puisait sa force dans l’Éducation … le Travail et le Fusil ! »
Beaucoup de tristesse et d’amertume dans leurs propos sur ces brimades acceptées alors, avec l’espoir d’un monde meilleur avec aujourd’hui, beaucoup de désillusion.
Et lorsque Amadeo annonce à ses amis son souhait de ne pas repartir et de rester sur l’île, c’est la surprise et l’incompréhension ! La conversation va s’emballer et plusieurs non-dits vont enfin avoir une explication et les amener à se poser des questions essentielles. Après ces désillusions, faut-il quitter Cuba ou y rester et en ce cas à quoi continuer à croire ? Questions particulièrement sensibles pour ces Cubains, mais questions universelles en même temps, car ne sont-elles pas ce que chacun d’entre nous se sont posées ou se poseront, une fois arrivé à la cinquantaine ?
Ce bouquin nous dépeint comment Laurent Cantet, ce cinéaste, maître dans l’art de montrer la psychologie humaine, en étroite collaboration avec l’écrivain Leonardo Padura et l’implication totale des acteurs a pu réaliser un film où les sentiments les plus intimes sont exposés au grand jour sans filtre, un film « cubain » en quelque sorte comme il aime à le rappeler et qui a pu finalement être montré à un public cubain dans le cadre de la Semaine du cinéma français de La Havane, le 2 mai 2015.
Avec Retour à Ithaque, j’ai découvert un beau livre sur Cuba, sur l'exil, sur l’utopie qui fut au cœur de la jeunesse et les désillusions qui ont suivi, mais aussi sur la force et la fragilité de l'amitié. Me reste à voir ce film que je suis impatiente de découvrir !
Ghislaine
Retour à Ithaque par Leonardo Padura et Laurent Cantet.
Éditions Métailié. (2020) 165 pages.
Traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis.
Titre original : Regreso a Itaca.
Je n’ai pas vu Retour à Ithaque, le film de Laurent Cantet, hélas ! Mais après avoir lu ce livre bâti autour de la réalisation menée par le metteur en scène de Entre les murs, j’ai une furieuse envie de visionner Retour à Ithaque.
Il faut dire que dans ces pages éditées par Métailié, je retrouve avec plaisir l’excellente plume de Leonardo Padura (L’homme qui aimait les chiens, La Transparence du temps) et, rien que ça, mérite le détour.
Dans une première séquence, Laurent Cantet explique pourquoi il a voulu tourner à Cuba ce film sur l’amitié, même si celle-ci est quelquefois mise à mal. Il précise que tout fut tourné en dix-sept nuits, sur une terrasse, à partir des dialogues signés Leonardo Padura, que ce film avait été retiré du Festival international de La Havane mais enfin projeté dans le cadre de la Semaine du cinéma français, toujours dans la capitale cubaine, et qu’il réunit deux fois mille deux cents spectateurs, déclenchant ensuite, immanquablement, des discussions passionnées.
Une fiche technique m’apprend que le film est librement inspiré du roman de Leonardo Padura : Le Palmier et l’Étoile (La Novela de mi vida) et que Lucía López Coll, épouse de l’auteur, a collaboré à l’écriture du scénario.
Ainsi, Amadeo, Aldo, Tania, Rafael (Rafa) et Eduardo (Eddy), à la cinquantaine, se retrouvent sur la terrasse de la maison d’Aldo qui est noir, ingénieur mécanicien, sans boulot, et fabrique clandestinement des batteries de voiture.
Amadeo est au centre des discussions car cet écrivain parti vivre seize ans en Espagne, est de retour. Tania est ophtalmologue mais ne gagne pas assez d’argent pour vivre. Rafa est un peintre qui s’adapte aux goûts de ses clients pour vendre ses croûtes. Enfin, Eddy qui est normalement journaliste, dirige une agence touristique d’État. Lui, n’a aucun problème d’argent.
La discussion qui s’engage est vite passionnante, pleine de rebondissements, de surprises, de coups de sang, de révélations et permet de revisiter les années passées, l’idéologie du régime, la censure, toutes leurs souffrances mais aussi leurs joies. Les vieilles tensions ressortent comme les jalousies mais tout s’enflamme lorsqu’Amadeo affirme qu’il ne retournera pas en Espagne, qu’il est revenu à Cuba, son pays, pour y rester.
Tout ça est formidablement écrit, détaillé, expliqué. Leonardo Padura (photo ci-dessus) ne néglige pas le décor, la ville autour, le Malecón (photo ci-dessus) tout proche et la mer. Ils boivent, ils mangent aussi car Fela (80 ans), la mère d’Aldo, leur a préparé un repas à condition qu’ils rangent et fassent la vaisselle.
Quand le jour se lève, l’histoire s’achève mais pas le livre car une troisième séquence conte l’élaboration du projet, détaille les étapes précédant le tournage, redonne les éléments du scénario.
Enfin, l’éditeur offre deux fragments du roman de Leonardo Padura qui a inspiré Retour à Ithaque et je constate que les personnages sont sensiblement différents. Ils sont écrivains ou poètes mais l’esprit est le même, ce retour sur une vie pas souvent facile mais où l’amitié, malgré quelques soupçons, finit par triompher.
Jean-Paul