Lionel Duroy : L'homme qui tremble
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L’homme qui tremble (un autoportrait) par Lionel Duroy.
Mialet-Barrault (2021). 381 pages.
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Dans L’homme qui tremble, Lionel Duroy (photo ci-dessous) se raconte, raconte sa vie et se livre, comme il l’a fait dans la plupart de ses romans, à une analyse intime et dérangeante. Hélas, je dois avouer n’avoir pas lu ses précédents livres, sauf Eugenia, un roman historique qui m’a profondément marqué. Heureusement, les dernières pages de cet autoportrait y sont consacrées et m’ont permis d’apprendre, en détails, comment il s’y est pris pour documenter son récit.
Tout débute à Bizerte, en Tunisie, le 1er octobre 1949, où naît Lionel Duroy de Suduirant, quatrième enfant d’une fratrie de onze. C’est l’aventure de cette famille hors normes que l’auteur m’a fait vivre avec beaucoup plus de bas que de hauts. Christiane, sa mère, se rêve de la haute société et c’est pour cela que la famille s’installe à Neuilly. Mais les revenus de Toto, le père, ne sont pas suffisants. À neuf ans, le petit Lionel vit l’expulsion de sa famille avec commissaire de police, huissier, déménageurs qui vident l’appartement et une mère qui hurle. On serait traumatisé à moins !
Lionel se souvient de ses frères plus âgés, Frédéric et Nicolas, qui ne le voulaient pas pour jouer, de sa mère qui le trouvait joufflu et qu’il n’aimait pas ça. Seule la grand-mère paternelle le rend heureux.
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Dans la cité de Côte Noire, ils occupent deux appartements. Comme l’école Sainte-Croix de Neuilly le vire parce que le père ne paie plus, il n’est plus scolarisé. Sa mère enchaîne les grossesses, devient folle, est soignée par les bonnes sœurs. Nouveau déménagement au Pré-au-Bois, à Vaucresson. Il a 13 ans et ne va toujours pas à l’école. C’est dans cette période qu’il devient un as du bricolage et de l’aménagement intérieur car, avec Toto et ses frères, ils réunissent deux appartements sans la moindre autorisation du propriétaire.
Tous les problèmes mentaux de sa mère, la fuite en avant du père qui cède à tout ce qu’elle exige et la vie de cette famille de plus en plus hors-la-loi marquent profondément Lionel. Il rappelle à plusieurs reprises la scène terrible vécue alors qu’il n’avait que dix ans, quand sa mère se cachait sous une armoire pour exciter l’attention de son père.
Heureusement, scolarisé à nouveau, il rattrape vite son retard et sa vie, très mouvementée, se poursuit. Arrivent maintenant ses amours : Agnès, Esther, Sarah et bien d’autres… Il épouse les deux premières mais son souci principal est d’écrire. Il lui faut des années pour réussir à publier son premier roman, Priez pour nous (1990), grâce à Curtis, son éditeur, et à se fâcher avec toute sa famille qui se reconnaît, peu à son avantage, dans ces pages.
Entre temps, il a fait plusieurs métiers mais c’est le journalisme qui lui met vraiment le pied à l’étrier, à Témoignage Chrétien d’abord après un passage à l’Agence Centrale de Presse, puis à Libération.
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Les traumatismes de l’enfance sont bien présents et il a besoin de psychanalyste, de psychiatre, tout en assouvissant un goût profond pour les voyages. Avec Agnès, ils ont deux enfants : David et Claire. Il écrit pour L’Événement du Jeudi puis se consacre entièrement à ses romans, découvre le versant sud du mont Ventoux où il a toujours sa maison. Là-bas, il fait du vélo avec un dictaphone dans la chaussette droite afin de ne pas perdre les phrases qui lui viennent naturellement.
Je passe énormément d’événements qui démontrent le mal-être d’un homme séduisant qui n’a qu’un souci : écrire et qui le fait en parlant de ce qu’il a vécu. Souvent, ses enfants lui reprochent d’être là tout en étant absent. Il recherche régulièrement la solitude, ce qui ne facilite pas le bonheur conjugal.
J’ai énormément appris en lisant L’homme qui tremble, revisité toute une époque que j’ai vécue, bien loin du monde parisien qu’un auteur voulant réussir doit fréquenter. Je ne savais pas que Lionel Duroy avait coécrit des livres avec Ingrid Bettancourt, Thierry Huguenin (seul survivant du suicide collectif des membres de la secte du Temple solaire), Farah Palavi, Sylvie Vartan, Mireille Darc, Nana Mouskouri, Renaud, Gérard Depardieu et d’autres encore…
Lionel Duroy est vraiment un grand écrivain qui ne peut laisser personne insensible. Il révolte, émeut, enthousiasme mais je ne peux que rester admiratif devant le parcours de cet homme qui a beaucoup souffert, souvent joui de la vie et dont la marque essentielle est la sincérité, que cela plaise ou non.
Jean-Paul
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L’homme qui tremble (un autoportrait) par Lionel Duroy.
Mialet-Barrault (2021). 381 pages.
En dehors d’Eugenia, ouvrage que j’avais énormément apprécié, dans lequel une jeune et brillante étudiante roumaine, prend soudain conscience de la vague de haine antisémite qui se répand dans son pays, je n’ai pas lu les nombreux autres romans qu’il a écrits à teneur essentiellement biographiques, dans lesquels il raconte sa jeunesse profondément marquée par le désastre familial.
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En lisant L’homme qui tremble, j’ai compris pourquoi, il avait été nécessaire à l’auteur d’écrire autant sur sa famille. En effet, c’est une enfance hors du commun qu’il a vécue et une vie d’écriture est sans doute bien nécessaire pour arriver à mettre les mots justes sur ce qu’il a vécu et pour analyser les retombées sur sa vie d’homme.
Dans L’homme qui tremble dont le sous-titre, Un autoportrait me semble être tout aussi approprié, Lionel Duroy (photo ci-contre), revient encore sur son enfance dans une famille nombreuse, noble mais désargentée et notamment sur ces faits traumatisants que sont ces visites d’huissiers et la quasi folie de sa mère se glissant sous les armoires pour faire croire à sa disparition. Les livres le sauveront lui donnant le plaisir de s’y « abriter des violences de l’école et des cris de sa mère ».
Sa vie ne peut qu’être marquée par ces traumatismes. Dans cette autofiction, il fait une sorte d’introspection ; il analyse son propre comportement et son propre rôle vis-à-vis de ses proches, femmes et enfants qu’il chérit mais qui lui diront souvent : « Tu es là, mais tu n’es pas là ».
Il met l’accent sur ses difficultés d’écrivain et n’hésite pas à déclarer que : « écrire a été la seule façon de ne pas mourir ».
Cependant, si cette écriture est indissociable de sa vie, il reconnaît qu’elle lui sera un peu nuisible dans ses relations car "L'écriture m'a mis au monde tout en me coupant du monde".
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Ce sera le dilemme de sa vie. Il doit toujours être dans un livre sous peine de voir son désir de vivre le quitter et « comment aimer qui que ce soit sans le désir de vivre ? ».
J’ai vraiment beaucoup apprécié ce roman dans lequel Lionel Duroy tout en racontant toutes les blessures qu’il a pu subir, a réussi néanmoins à prendre suffisamment de recul pour faire cette analyse. Très intéressant aussi le fait qu’en reprenant sa vie depuis le début, il raconte comment il en est venu à écrire, commençant par être journaliste à Libération puis à L’événement du jeudi et après comment sont nés chacun des bouquins qu’il a écrits, à chaque fois pour survivre. Dans sa soif d’écriture, il n’hésite pas en période creuse à se lancer dans des enquêtes ou encore à prêter sa plume à de nombreuses célébrités désireuses de publier leur biographie.
J’ai lu ce livre qui est une véritable ode à l‘écriture d’une seule traite, tant il m’a passionnée !
Ghislaine