Valentine Goby : Kinderzimmer

Kinderzimmer        par    Valentine Goby.

Actes Sud (2013) 221 pages ; Babel (2015) 240 pages.

Prix des Libraires 2014.

 

 

Pour avoir rendu quelques services à la Résistance, Mila, de son vrai nom Suzanne, après avoir été dénoncée, a été arrêtée, emprisonnée puis déportée en Allemagne. Au printemps 1944, elles sont 400 femmes comme Mila parties de Romainville qui arrivent épuisées devant l’entrée du camp de Ravensbrück qui compte plus de quarante mille femmes. Mais voilà, dans ce lieu où la mort règne, Mila est enceinte et veut que sa grossesse reste invisible et dans sa tête les questions se bousculent, ignorante de son propre corps. Après la mort de Lisette, la cousine de Mila, Teresa va se rapprocher d'elle et sera là pour lui insuffler le devoir de tenir et partagera maintenant avec elle le double fardeau.

 

Lors de la naissance de l’enfant, elle découvrira alors, à l’infirmerie,  la Kinderzimmer, la chambre des enfants.

 

Avec ce roman, Valentine Goby révèle une parfaite connaissance de l’époque et nous dévoile l’existence de cette Kinderzimmer qui a vraiment existé et dans laquelle la grande résistante Marie-Jo Chombart de Lauwe (photo ci-dessous), a œuvré tant qu’elle a pu pour sauver les vies de ces bébés de la mort et à qui cet ouvrage est dédié.

 

Valentine Goby a rédigé là, un livre remarquable écrit au présent qui nous plonge véritablement dans cet enfer concentrationnaire et ceci sans pathos malgré l’horreur décrite avec précision. Rien ne nous est épargné de la faim, du froid, de la promiscuité, du supplice de l’Appell qui peut durer des heures et où les déportées doivent se tenir immobiles dans le froid glacial, telles des stèles, de la peur de la maladie et de devoir aller au Revier, l’infirmerie véritable antichambre de la mort.

 

Pour ce qui est de la Kinderzimmer, ce n’est qu’en septembre 1944 que les nazis décidèrent de la créer. Jusque-là, les déportées enceintes étaient obligées d’avorter, même tardivement.

 

Néanmoins l’espérance de vie des nourrissons était très limitée, elle tournait autour de trois mois et très rapidement les bébés déclinaient et mouraient. L’auteure s’attache à montrer le courage, la solidarité et l’ingéniosité dont vont faire preuve les compagnes de Mila pour garder cet enfant en vie, enfant qui, pour elles toutes est un ultime espoir dans cet enfer.

 

Seulement trois enfants français nés à Ravensbrück ont survécu.

 

Avec cette fiction romanesque, Valentine Goby (photo ci-contre) porte à notre connaissance un aspect peu connu de la vie des camps, à savoir la naissance de bébés dans les camps de concentration. À la fin du bouquin, elle n’omet pas de parler de la joie lors du retour de retrouver certains proches mais surtout de la  communication presque impossible à établir. « Ils disent qu’ils ont eu peur pour elle. … En fait, ils ont peur d’elle . Ce qu’elle a vu, entendu, ils ne veulent pas le voir, pas l’entendre ». « Elle sait qu’elle va porter Ravensbrück comme elle a porté son enfant : seule et en secret ».

 

C’est un livre qui se lit avec douleur, c’est une lecture éprouvante et qui secoue mais une lecture ô combien nécessaire pour ne pas oublier et éviter que l’homme ne retombe dans ce complet avilissement !

 

Je suis restée sidérée, tétanisée devant cette cruauté monstrueuse perpétrée par des hommes et des femmes, envers leurs semblables. Peut-on, d’ailleurs, encore dénommer ainsi ces bourreaux, véritables barbares? Mais je suis également restée ébahie et quasi incrédule devant le courage, l‘énergie, l’audace souvent dont ont du faire preuve ces femmes pour supporter ces conditions inqualifiables.
L’écriture est brillante, juste, sobre et terriblement percutante et impressionnante.

 

Kinderzimmer prouve déjà tout le talent littéraire de Valentine Goby que j’avais déjà eu le plaisir de découvrir avec Un paquebot dans les arbres et Murène.

Ghislaine

 

 

Kinderzimmer        par    Valentine Goby.

Actes Sud (2013) 221 pages ; Babel (2015) 240 pages.

Prix des Libraires 2014.

Quel roman ! Quelle force ! Quel réalisme !

 

En écrivant Kinderzimmer, la chambre des enfants, Valentine Goby (photo ci-contre) a réalisé quelque chose d’essentiel : traduire l’indicible, nous le faire partager afin de ne pas oublier, jamais !

 

Cela, Suzanne Langlois tente de le faire face à une classe de lycéens, garçons et filles de dix-huit ans. Témoigner, plus de cinquante fois elle a réussi à le faire, quand une fille avec un anneau rouge dans le sourcil droit lui demande si elle savait qu’elle était à Ravensbrück. Elle qui disait « nous marchions jusqu’au camp de Ravensbrück » est déstabilisée car elle ne savait rien en arrivant là-bas.

 

C’est alors que Valentine Goby commence à raconter l’histoire de Mila, déportée politique, arrêtée pour son rôle dans la Résistance. Elle est partie comme quatre cents autres femmes, de Romainville, avec sa valise, enceinte. Trois jours, quatre nuits en train jusqu’à la gare de Fürstenberg. Jean Ferrat l’a si bien fait ressentir dans Nuit et Brouillard.

 

J’ai déjà lu beaucoup de récits, de documents, vu des films mais jamais je n’avais plongé aussi prêt du quotidien de ces femmes, dans leur vie abominable du camp de concentration.

 

Valentine Goby, par l’intermédiaire de Mila, détaille tout, émaille son texte de mots, de phrases, d’ordres en allemand et je me demande, au fil des pages, comment des femmes ont pu exercer autant de violence, imposer tant de souffrances, provoquer la mort atroce de centaines de milliers d’autres femmes déportées depuis tous les pays d’Europe sous la botte nazie ? Pour les hommes, l’horreur a été aussi la règle.

 

Les sévices sont effroyables. Ils sont décrits au jour le jour et nous sommes à la mi-avril 1944 quand Suzanne Langlois (Mila) part pour l’Allemagne.

 

Si Mila est enceinte, elle n’en dit rien car elle ne voit pas d’autres femmes comme elle. Il faut travailler dur, vider les wagons remplis de tout ce que les Allemands ont pillé dans les pays occupés, d’autres tricotent, cousent des vêtements mais la faim et les maladies font des ravages. Comment peuvent-elles tenir debout, immobiles à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour les fameux Appells, alors que la température est nettement en dessous de zéro ?

 

Valentine Goby montre bien la solidarité qui se développe, même si personne n’hésite à voler une autre pour pouvoir survivre. Puis il y a les conditions sanitaires inimaginables et leurs conséquences, irréparables. Pourtant, il faut tenir et tenter de se souvenir. Pour cela, Mila se met à répéter les dates : « 15/16 juin 1944 : transfert Kommando Neubrandenburg – 15 à 30 juillet : Wera vingt-cinq coups de bâton – Novembre : transport noir Zwodan – Décembre : femmes d’Auschwitz partent pour Uckermark… » Mila réussit à ne pas oublier, même à noter ces atrocités qui prouvent l’existence de ces camps de la mort où des quantités de vies ont été sacrifiées dans d’immenses souffrances.

 

 

Je n’oublie pas les bébés qui meurent au bout de quelques jours pendant que Schwester Martha réserve le lait pour ses chatons. Mila a accouché dans les pires conditions mais elle réussit à s’occuper épisodiquement de James puis de Sacha-James que nous retrouverons plus tard.

 

 

De par le monde, les hommes et les femmes ont prouvé, hélas, qu’il n’y avait pas de limites à l’horreur et aux sévices exercés sur leurs semblables mais ce qui s’est passé au cœur de l’Europe au cours des années 1940 va au-delà de l’imaginable.

 

 

Je ne peux que rendre un vibrant hommage à Valentine Goby, déjà beaucoup appréciée avec Un paquebot dans les arbres et Murène, pour ce Kinderzimmer découvert un peu tardivement et saluer les personnes qu’elle remercie à la fin de l’ouvrage car elles lui ont apporté leurs témoignages afin qu’il soit impossible d’ignorer ce qu’elles ont dû endurer et se souvenir des victimes de la barbarie nazie.

 

Jean-Paul

 

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A
J'ai assisté il y a 7 ans à une soirée mémoire sur la déportation où Marie José Chombart de Lauwe parlait des enfants dans les camps. Yves Léon, déporté aussi pour résistance y participait et j'avoue que je pense encore à ces deux-là tellement j'ai trouvé bouleversant de rencontrer des survivants passeurs de mémoire.
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D
J'aime beaucoup Valentine Goby, son écriture et les sujets dont elle s'empare pour nous les faire découvrir. C'est un livre que je n'ai pas encore lu, vous en parlez très bien
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