Sylvain Prudhomme : Les orages

Les orages (histoires)    par   Sylvain Prudhomme.

 Gallimard / L’arbalète (2021) 172 pages.

 

 

 

Par les routes est un roman que j’avais bien apprécié (Prix Landernau des Lecteurs et Prix Femina 2019), j’avais été séduite par l’écriture de Sylvain Prudhomme (photo ci-dessous). C’est pourquoi, je n’ai pas hésité à emprunter Les orages à ma médiathèque lorsqu’il a été disponible et je n’ai pas regretté.

 

Les orages se présente comme un recueil de treize nouvelles explorant des moments de vie où un être perd un peu l’équilibre, se retrouve dans une position fragile, déconcerté  face à un événement de la vie inattendu, surprenant, en tout cas déstabilisant. La personne va alors se retrouver face à elle-même, en proie à des  émotions très intimes. Après cette période de tempête intérieure souvent non perceptible ou non comprise par les autres, l’apaisement et la lumière reviennent. Ce sont ces quelques moments que l’on pourrait qualifier d’heures de vérité que Sylvain Prudhomme a magnifiquement su transcrire.

 

Le premier de ces récits « Souvenir de la lumière » au titre évocateur, met en scène Ehlmann qui, après deux semaines d’enfermement dans un service d’urgence pédiatrique, à sa sortie, dans la lumière qui baignait la terrasse de l’établissement, fait le vœu « de ne plus jamais quitter cette incandescence. Faire que sa vie entière se passe désormais dans cette clarté ».

 

 

Si  ces brèves histoires évoquent toutes un événement incontrôlé par les protagonistes qui les bouleversera à jamais, certaines, comme la première m’ont davantage touché. Ainsi « Awa beauté » où Awa, cette jeune femme très belle  rêve en épluchant des crevettes, sa petite Maïmouna pendue à ses jambes, à son futur salon de coiffure, en attendant un coup de fil qu’elle pressent porteur de mauvaise nouvelle. Autre texte court mais bouleversant : « La vague » qui nous parle de la vieillesse de façon tellement délicate avec ce vieil homme qui, doucement mais sûrement oublie tout peu à peu, a trouvé un remède : « L’éclat de rire préventif, comme une façon d’anticiper déjà, à tout hasard, la possible bourde ».

 

Chacune de ses nouvelles recèle sa part de lumière, de beauté, de délicatesse, de poésie, en mettant à nu des personnages au moment où leur vie bascule, nous révélant ainsi leur fragilité et leurs angoisses les plus intimes, leurs orages intérieurs.

Une écriture d’une très grande sensibilité !

Ghislaine

 

 

Les orages (histoires)    par   Sylvain Prudhomme.

 Gallimard / L’arbalète (2021) 172 pages.

 

Dans Les orages, Sylvain Prudhomme, découvert et bien apprécié avec Par les routes, m’a offert treize histoires, treize nouvelles, treize moments de grâce, un régal de lecture.

 

Certaines de ces histoires avaient déjà été publiées dans une première version mais elles sont regroupées ici et c’est très bien.

 

Avec son écriture délicate, poétique et précise à la fois, Sylvain Prudhomme (photo ci-contre) m’a fait partager quelques moments de vie aigres-doux où un brin d’humour et d’inquiétude apparaissent de temps à autre.

 

Souvenir de la lumière ouvre le livre de manière très tendue avec Ehlmann, ce père qui sort de quinze jours et autant de nuits passées près de son enfant, bébé de cinq mois entre la vie et la mort, dans une chambre d’hôpital. Comme dans d’autres histoires, lorsqu’il évoque un personnage féminin, en l’occurrence sa femme, l’auteur se contente d’un A. minimaliste. A., justement, n’a pas pu être présente car obligée de travailler. Enfin, sur le bord d’une route, Ehlmann pleure et rit en même temps…

 

Le taille-haie se révèle aussi très angoissant car grand-père refuse de passer l’engin à son petit-fils alors que chacun, et lui-même en premier, constate de sérieuses absences de plus en plus inquiétantes.

 

Les voisins crient en faisant l’amour et tout l’immeuble les entend. En fait, ils ne crient pas, ne jubilent pas non plus : ils exultent et Sylvain Prudhomme offre un court récit bien savoureux.

 

Les cendres sont celles contenues dans une urne funéraire. Après la cérémonie, il faut se rendre au cimetière et le débat est lancé : faut-il un caveau ou enterrer les cendres sous un arbre ? Quel arbre ? Dans le jardin ou dans la forêt ? Le père voudrait se retrouver sous un chêne alors que la mère préfèrerait un amandier… à vous de trancher !

 

Awa beauté dépayse franchement en m’emmenant en Casamance, au Sénégal. J’ai été très ému par ce que vit cette femme qui travaille dur au service de madame Cissé puis fait le ménage à la banque, subissant les assiduités du directeur, monsieur Ba. Elle a une petite fille, Mamouna, pas encore deux ans, et elle économise au maximum car elle rêve d’ouvrir son salon de coiffure qu’elle nommera « Awa beauté ». Hélas, elle apprend que Boubacar, son frère souffre d’un cancer. Si Demba, autre frère, le conduit à l’hôpital, il n’a pas un sou. Alors, Awa paie d’abord la coloscopie puis le voyage en bateau jusqu’à Dakar, et…

 

La baignoire offre un moment de grâce, formidable moment de détente pour « Elle ».

 

L’île se trouve en Bretagne où un couple et ses filles se retrouvent pour les vacances. Elle est épuisée. Tension et incompréhension règnent. Faire l’amour ? L’un a envie, l’autre pas mais, après l’orage, le lendemain, tout semble aller mieux.

 

Balzac, c’est le nom donné par les clients du seul café de Meulun-Paradis à un client qui s’était mis à écrire, seul à une table. Le narrateur, lors d’escapades amoureuses, le rencontre puis le retrouve des années après et Balzac se raconte devant le panorama : la Seine, les barres d’immeubles des Mureaux et l’usine de Flins.

 

L’appartement est une histoire pleine de nostalgie. Juste avant de le vendre, cet homme revient dans l’appartement où il a vécu dix ans avec A. dont il est séparé. Tous les souvenirs remontent à la surface et sont évoqués avec une justesse infinie.

 

La vague présente un père et sa fille qui retrouve des selfies, six photos prises à l’hôpital où elle va apprendre pourquoi cet homme près duquel elle a grandi, perd peu à peu tous ses moyens : son hippocampe dégénère. Mainteant, elle est à Venise, avec son homme et ses deux enfants et voilà qu’une vague a apporté, devant leurs pieds, un hippocampe !

 

La tombe est la folle histoire d’un libraire qui, traversant le cimetière du Père-Lachaise (photo ci-dessus), découvre une tombe avec son nom gravé dessus ainsi que sa date de naissance et… 2055. Or, nous sommes le 4 juin 2015 ! Il lui reste donc quarante ans à vivre et il va passer par tous les états, tenter de profiter au maximum, compter les années puis les jours, déprimer, essayer d’écrire. Vraiment, il vaut mieux ne pas savoir…

 

 

Fellini montre un homme regardant un film célèbre dans lequel une femme dit que les hommes sont faibles, abouliques, pas clairs, en italien : uomini deboli, abulici, senzo chiarezza. Son métier étant d’écrire des romans, il s’y remet régulièrement et entend sa femme qui lui dit : « Caresse-toi, Guido ». Si elle le dit…

 

 

La nuit termine cette série d’histoires, au bord de la mer. Les parents sont avec leurs deux enfants, heureux. Elle lit, dort, nage. Le père de leurs deux garçons est reparti pour son travail et c’est la dernière nuit, une dernière baignade…

 

 

Ainsi se terminent ces treize moments savoureux. Chacune et chacun sera touché, ému, bouleversé par l’une ou l’autre de ces histoires qui prouvent, à nouveau, toute la délicatesse d’écriture de  Sylvain Prudhomme.

Jean-Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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