David Diop : Frère d'âme

Frère d’âme      par    David Diop.

Le Seuil (2018), 174 pages.

Prix Goncourt des Lycéens 2018.

Booker International Prize 2021 avec Anna Moschovakis (traductrice).

 

 

 

Rappeler le sacrifice de tous ces hommes morts pour la France est essentiel et indispensable. Ne jamais oublier ceux qui sont venus d’un autre continent, volontaires ou pas, pour servir de chair à canon est fondamental mais le faire dans un roman comme Frère d’âme, comme l’a réalisé David Diop (photo ci-dessous), est admirable.

 

 

Pour cela, il donne la parole à Alfa Ndiaye qui raconte simplement mais d’une façon si émouvante et sincère comment Mademba Diop – « mon plus que frère, mon ami d’enfance » - est mort, les tripes à l’air, lui demandant trois fois de l’achever, ce qu’il a refusé de faire.

 

 

 

Alfa est déchiré par le remords : « Je n’aurais pas dû te laisser souffrir comme un vieux lion solitaire, dévoré vivant par des hyènes, le dedans dehors. » S’il finit par ramener le corps de son ami dans la tranchée et qu’il est félicité pour son courage, sa vie est complètement bouleversée,

 

 

 

Après avoir quitté brutalement leur village du Sénégal, ces jeunes hommes se sont retrouvés dans l’enfer des tranchées et ont dû obéir : « Le capitaine leur a dit qu’ils étaient de grands guerriers, alors ils aiment à se faire tuer en chantant, alors ils rivalisent entre eux de folie. »

 

 

David Diop m’a ému, touché profondément avec ce langage simple d’un homme confronté à l’impensable, l’inimaginable, cette horreur que les hommes ont créée de toutes pièces  pour l’infliger à leurs semblables.

 

 

 

J’ai suivi Alfa Ndiaye dans cette folie imposée, qu’ils soient « soldats toubabs ou soldats chocolats » mais je laisserai au lecteur découvrir comment il tente de venger la mort de son ami et de pardonner ce qu’il pense être une faute, répétant à tout bout de champ : « Par la vérité de Dieu. »

 

 

Foncièrement émouvant aussi, ce retour dans son village du Sénégal, ces souvenirs qui remontent à la mémoire comme cette superbe scène qui l’unit à Fary Thiam, fille d’une famille fâchée avec la sienne mais qui l’avait choisi. Expressions innocentes, simples, tellement justes qui n’empêchent pas de faire comprendre toute l’imbécilité de scènes de guerre quand le capitaine donne le signal de l’assaut en sifflant fort pour bien prévenir l’ennemi…

 

 

 

Enfin, je ne peux pas passer sous silence, ces hommes exécutés parce qu’ils ont refusé d’aller se faire tuer bêtement, vies sacrifiées pour l’exemple comme on disait : « À la guerre, quand on a un problème avec un de ses propres soldats, on le fait tuer par les ennemis. C’est plus pratique. »

 

 

 

La folie gagne. On traite ces tirailleurs sénégalais de sorciers et c’est Mademba qui parle enfin, se confondant avec Alfa pour terminer ce roman sensible et vrai sur les ravages causés par la guerre dans cette Afrique noire, avec ses contes et ses légendes où l’homme blanc croyait apporter la civilisation…

 

Jean-Paul

 

 

Retenu dans diverses sélections pour un prix littéraire, Frère d'âme avait obtenu le Prix Goncourt des Lycéens 2018, récompense méritée qui montre que les jeunes lecteurs ont un goût des plus sûrs. C'est quand même rassurant !

 

Enfin, ce 2 juin 2021, David Diop et sa traductrice, autrice et poète étasunienne, Anna Moschovakis (photo ci-contre) ont obtenu le prestigieux Booker International Prize sous le titre At night all blood is black.

 

 

David Diop est le premier écrivain français à décrocher ce prix prestigieux. BRAVO !!!

 

Ghislaine et Jean-Paul

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