Karine Tuil : L'insouciance

L'insouciance     par      Karine Tuil.

nrf - Gallimard (2016), 525 pages ; Folio (2018) 544 pages.

 

 

Après une introduction d’un froid réalisme sur le sort de deux personnes parmi les victimes du 11 septembre 2001, à New York, Karine Tuil plonge sans ménagement son lecteur dans les conséquences terribles et concrètes des décisions prises par G.W. Bush afin de venir à bout d’Al-Qaida, en Afghanistan.

 

Romain Roller, jeune lieutenant de l’armée française, après le Kosovo, la Côte d’Ivoire et la Centrafrique, est plongé dans l’enfer afghan. Avec ses contradictions, ses pièges, la mort l’horreur et la barbarie, c’est un pays où « la peur gouverne tout ».

 

« Vous ne serez jamais préparé  à la guerre des lâches, cachés à cent mètres de vous, derrière des habitations aux murs chaulés, piégés eux aussi, détonateur à la main… Vous ne serez jamais préparé à l’effroi de devoir balancer des roquettes sur des maisons pleines de gosses, de vieillards et de mère de famille parce que vos ennemis s’y sont cachés pour vous tirer comme des lapins, persuadés que vous ne répliquerez pas… » Quel texte ! Haletant, terrible, plein d’un réalisme qui prend le lecteur aux tripes et qui emmène bien au-delà des infos distillées par les médias.

 

Le changement est brutal lorsque nous nous retrouvons dans les somptueux salons de l’Automobile-Club de France pour faire connaissance du second personnage central : François Vély (51 ans), PDG de l’un des plus grands groupes de téléphonie mobile. Son père, Paul Lévy, a modifié son nom pour s’appeler Vély, ce qui aura d’importantes conséquences par la suite.

 

Marion Decker, journaliste et romancière, compagne actuelle de François Vély, va jouer un rôle central dans l’histoire. Enfin, l’autrice présente Osman Diboula, conseiller du Président de la République à la jeunesse, ancien animateur de quartier à Clichy-sous-Bois, formé par Laurence Corsini, ancienne élue de centre-droit, personnalité charismatique lancée dans la communication d’entreprise. C’est la fameuse discrimination positive.

 

Les différents personnages sont parfaitement étudiés, suivis dans leurs contradictions, leurs hésitations, leurs renoncements  et leurs défis réussis parfois. Karine Tuil (photo ci-contre) s’attache aux traumatismes physiques et surtout psychologiques des soldats revenant de ces pays qui défraient l’actualité depuis des années sans que rien ne soit réglé.

 

Les coulisses du pouvoir sont aussi remarquablement décortiquées avec le racisme et l’antisémitisme en toile de fond. Cela pousse certains comme Issa Touré à se radicaliser et à tenir des propos d’une violence inouïe visant à séparer blancs-européens-chrétiens des noirs-arabes-musulmans, mettant en péril toute possibilité de vivre ensemble.

 

S’il y a aussi des histoires d’amour ou de désamour, on arrive à la fin de l’insouciance après tant d’épreuves qui ont ramené l’histoire en orient mais dans un Irak déchiré par l’État islamique. « Une part d’eux-mêmes est définitivement perdue. Une forme de légèreté. Ce qui restait de l’enfance. L’insouciance. »

Jean-Paul

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