Ahmed Tiab : Adieu Oran

Adieu Oran        par     Ahmed Tiab.

Éditions de L’Aube - noire (2019) 244 pages.

 

 

Il est toujours bon de partir à la découverte d’un nouvel auteur mais lorsque Lecteurs.com, dans le cadre des Explorateurs du polar, permet de lire un aussi bon livre mêlant suspense, angoisse et cadavres avec la vie quotidienne d’un pays et d’une grande ville comme Oran, l’aventure se révèle passionnante.

 

 

Édité par L’Aube, collection noire, Ahmed Tiab m’a plongé en pleine expansion démesurée de la ville où il est né, avec Adieu Oran. Les Chinois sont là et sont prêts à tout pour faire fructifier leurs affaires, construire toujours plus dans les quartiers périphériques de la ville, eux qui ne sont pas considérés comme des migrants mais comme des expatriés. La différence est énorme.

 

 

Le commissaire Kémal Fadil est au centre de cette histoire qui révèle les rapports compliqués entre la police et l’armée algérienne. Celle-ci, s’appuyant sur la conquête de l’indépendance, a le dessus mais le policier aime Fatou, belle femme noire, ayant quitté son pays, rêvant d’Europe mais engagée comme infirmière auprès des migrants. Le racisme est bien là  et ses conséquences sont terribles.

 

 

L’auteur mène son histoire avec beaucoup de maîtrise et donne vraiment envie de découvrir ses quatre premiers polars. Il sait se détacher de son personnage principal pour faire partager la vie des gosses arrachés à leur famille avec de vagues promesses pour être vendus, exploités, violés, battus et livrés à eux-mêmes.

 

 

Le livre regorge d’observations très pertinentes sur la vie quotidienne en Algérie, décrit bien l’état actuel de la société. Il parle de sa jeunesse, de l’emprise toujours plus grande de la religion : « Pétrole et Dieu. Le saint binôme qui prévalait déjà dans les pays du Golfe et l’Arabie Saoudite, s’installait désormais dans un Maghreb où l’Algérie déployait une énergie considérable pour en détenir le leadership. »

 

 

Ahmed Tiab (photo ci-dessous) n’oublie pas les séquelles de la guerre d’indépendance, parle du sort réservé aux enfants nés des viols commis par les soldats français. Il nous emmène à Béchar, aux portes du désert, n’oublie pas l’autre jeunesse, la jeunesse « dorée » qui frime dans de grosses bagnoles ou sur des jet-skis.

 

 

 

Bien sûr, l’auteur a écrit ce polar avant le retrait du président qui voulait se représenter malgré son état de santé et il n’a pas pu parler des manifestations remarquables de dignité qui ont obtenu ce résultat. Malgré cela, son constat est d’une grande lucidité et ne doit  pas être oublié dans les mois qui viennent : « Une monarchie vert kaki et moustachue qu’on retrouve sagement alignée derrière le fauteuil présidentiel, un barrage infranchissable d’hommes gras et arrogants montant férocement la garde sur leurs intérêts financiers. »

 

 

Ce polar terrible de lucidité se termine avec des phrases fortes, justes, à propos de l’exil avec un épilogue qui n’est pas sans faire penser à la vie de l’auteur lui-même qui vit en France depuis de nombreuses années.

Jean-Paul

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D
monarchie vert kaki et moustachue qu’on retrouve sagement
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Dans la vie, il ne s'agit pas d'obtenir des cartes maîtresses, mais de bien jouer celles que vous avez.
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