Émilienne Malfatto : Que sur toi se lamente le Tigre

Que sur toi se lamente le Tigre       par     Émilienne Malfato.

Elyzad (2020) 77 pages.

Goncourt du Premier roman 2021.

 

Un texte court, 80 pages, pour un premier roman extraordinaire, digne d’une tragédie antique et pourtant tragédie contemporaine, tel se présente Que sur toi se lamente le Tigre de Émilienne Malfatto.

 

Dans l’Irak rural d’aujourd’hui, une jeune femme sait qu’elle va mourir quand elle comprend qu’elle va avoir un enfant. Elle est enceinte de Mohammed, son ami d’enfance devenu son amant un court instant, juste avant qu'il parte combattre avec la milice et qu’il meure sous les bombes. 

 

L’honneur de la famille ne peut être sauvé qu’au prix du sang, la sentence est inéluctable : la mort.

 

Tous les membres de la famille vont tour à tour se déployer pour s’identifier et donner leur sentiment sur le drame attendu.

 

C’est Baneen, la femme d’Amir, qui se présente en premier, douce, soumise, respectable. Amir quant à lui est le frère aîné : « Je suis le frère, celui par qui la mort arrive. Je suis l’homme de la famille, l’aîné, le dépositaire de l’autorité masculine – la seule qui vaille, qui ait jamais valu. Je suis le frère qui a pris le rôle du père. Je règne sur les femmes. » C’est donc lui qui, pour sauver l’honneur de la famille, va la tuer. La présentation des membres de la famille se poursuit et aucun ne s’oppose à  Amir, ni Ali, par lâcheté, qui pourtant voudrait tout arrêter, ni la mère, par soumission,  qui dit avoir accepté les règles depuis trop longtemps. La succession des portraits est   entrecoupée parfois par de courts extraits de l’épopée de Gilgamesh, ce héros mésopotamien porteur de la mémoire du pays et des hommes. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur quelques lignes de cette  épopée : « Sidouri dit à Gilgamesh : Où vas-tu, Gilgamesh ? La vie que tu cherches, tu ne la trouveras pas. Lorsque les grands dieux créèrent les hommes, c’est la mort qu’ils leur destinèrent. »

 

Un autre personnage à part entière, intervient pour nous faire part de son humeur à propose des hommes. Il s’agit du Tigre, ce fleuve qui traverse le pays du Nord au Sud.

 

Émilienne Malfatto (photo ci-dessus) nous fait pénétrer dans une société patriarcale où l’honneur est plus important que la vie, où « Chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère », une société fermée où règne l’autorité masculine et le code de l’honneur.

 

 

Ce roman a été pour moi un véritable coup de cœur !

 

 

Il est rare qu’un récit aussi court soit aussi dense, aussi précis, aussi pertinent et aussi intense, tout en étant aussi poignant, aussi bouleversant et autant perturbant.

Il est inconcevable que de nos jours, en cette époque éclairée, dite civilisée, de telles idées puissent encore être conçues et de tels faits encore possibles et autorisés.

 

L’auteure plonge au cœur de la tragédie  d’un crime d’honneur dans une famille irakienne, avec en toile de fond, la guerre, et laisse son lecteur pantois devant une telle réalité.

 

Si, tout au long de cette journée pendant laquelle se scelle son destin, la jeune femme  est résignée au sort qui l’attend elle et l’enfant qu’elle porte, « soudain une angoisse terrible lui vient, parce qu’elle n’est plus si sûre de ne pas avoir eu envie de vivre , et de connaître cet enfant... » On aimerait avoir lu cette sublime tragédie en tant que fiction, hélas, il faut se pincer et revenir à la terrible réalité.

 

L’écriture m’a émerveillée par sa simplicité, sa précision, les paragraphes sont courts et percutants. Ce bouquin a été une révélation dont  je suis ressortie bouleversée et suffoquée par la bêtise humaine.

 

Même si votre PAL atteint des sommets, n’hésitez pas à réserver un peu de temps pour découvrir ce petit joyau Que sur toi se lamente le Tigre, vous ne le regretterez certainement pas.

 

Magistral et inoubliable !

Ghislaine

 

 

Que sur toi se lamente le Tigre       par     Émilienne Malfato.

Elyzad (2020) 77 pages.

Goncourt du Premier roman 2021.

 

Court, éloquent, terrible, Que sur toi se lamente le Tigre, ce premier roman, signé Émilienne Malfatto, m’a bouleversé par sa simplicité et son réalisme atroce.

L’Irak est déchiré par la guerre. Le fleuve Tigre charrie la boue et le sang. La légende de Gilgamesh, héros mésopotamien, rythme les dernières heures que vit une jeune femme.

 

Juste avant que Mohammed parte combattre, elle a cédé devant son insistance. Or, celui-ci a été tué un peu plus tard par une bombe larguée par erreur. Il était l’ami et le frère d’armes d’Amir, le frère aîné.

 

Alors qu’elle est enceinte de cinq mois, elle sait que son frère, Amir, va la tuer ce soir, pour préserver l’honneur de la famille. L’honneur, pour ce jeune homme qui a pris la place du père mort alors qu’ils vivaient encore dans la banlieue de Bagdad, c’est priver sœurs et femme de toute liberté après les avoir voilées sous l’abaya, dès le début de l’adolescence.

 

Pourtant, celle qui va mourir de la main de son frère aîné, n’obtient aucun soutien de sa mère, absente ce jour-là, de Layla, sa petite sœur trop jeune et de Baneen, la femme d’Amir, modèle de femme soumise qui ne discute pas la toute puissance masculine.

 

 

Hassan, le petit frère, gentil et tendre, n’a pas la force de s’opposer à l’horreur qui se prépare. Quant à Ali, autre frère plus âgé, moderne, évolué, il n’est qu’un lâche, navré d’être un salaud.

 

 

En quelques pages, quelques portraits, tracés avec précision et tout en nuances, Émilienne Malfatto, journaliste et photographe indépendante qui connaît bien l’Irak, m’a emporté dans une spirale mortifère, abominable, d’un réalisme qui me laisse complètement désemparé.

 

Que faire pour que de tels drames ne se produisent plus ?

Écrire, raconter est un moyen et Que sur toi se lamente le Tigre, Goncourt du Premier roman 2021, est un livre dont il faut parler car les vies de ces filles, de ces femmes, voilées sous les interdictions et les frustrations, voient leurs vies saccagées, abrégées, mutilées.

 

Ne plus détourner le regard, ne plus faire silence, militer pour le droit des femmes et une stricte égalité des sexes, voilà le combat à mener, combat encore loin d’être gagné chez nous comme un peu partout dans le monde…

Jean-Paul

 

 

 

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D
Un livre à découvrir absolument !
Répondre
J
Nous confirmons, tous les deux !!!
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