Carole Fives : Térébenthine

Térébenthine      par    Carole Fives.

nrf, Gallimard (2020), 172 pages.

 

Après avoir lu Tenir jusqu’à l’aube qui plongeait dans la dure réalité affrontée par une femme seule devant élever son enfant, je retrouve Carole Fives (photo ci-dessous) dans Térébenthine.

 

Ici, il s’agit d’une autofiction, pas vraiment un roman comme indiqué par l’éditeur sur la couverture.

 

Tout commence avec un article de Beaux-Arts magazine de 2019 saluant avec enthousiasme le retour en grâce de la peinture et mettant en exergue un jeune peintre, Luc Chancy, disparu, hélas…

 

C’est alors le moment de revenir en arrière, au début des années 2000 où la narratrice, à dix-sept ans, passe le concours d’entrée à l’École des Beaux-Arts de Lille.

 

Débute alors un parcours difficile, compliqué, semé d’embûches, d’incompréhension, de mépris et de solitude pour cette fille qui rêve d’exprimer son talent pour la peinture.

 

Reléguée dans les caves de l’école, avec ceux qui veulent peindre, dont ses deux meilleurs amis, Lucie et Luc, elle subit les moqueries des autres camarades qui s’épanouissent dans des œuvres plus en vogue à l’époque. Ils surnomment les peintres « Térébenthine » à cause de leur puanteur causée par l’odeur du solvant, plutôt du white-spirit, odeur qui ne les quitte guère. Il faut bien nettoyer pinceaux, palettes et tout le matériel !

 

En 2003, elle séjourne même à New York, avec Lucie et Luc, pour visiter le MoMA (Museum of Modern Art) où les œuvres de Pablo Picasso, Henri Matisse, Jackson Pollock, Robert Motherwell, Barnett Newman et Mark Rothko tiennent la vedette. Par manque d’argent, ils ne peuvent guère profiter de la ville.

 

À l’école des beaux-arts, pas de prof de peinture. Elle doit suivre des cours de dessin, le soir, dans les ateliers municipaux.

 

Alors que les femmes artistes sont vraiment marginalisées, c’est l’une d’elles, sa référente, qui la démolit au lieu de l’aider à préparer l’examen de passage en deuxième année.

 

Avec Lucie, en fin d’année, elles réalisent chacune une œuvre très sexuelle avec des poupées gonflables puisqu’il faut étonner, surprendre les profs. Hélas, son propre père ne supporte pas, se dit choqué et s’en va…

 

Ainsi, seconde et troisième année vont suivre et j’ai beaucoup apprécié les interventions des élèves pour mettre en valeur les artistes femmes, forçant même Urius, professeur d’histoire de l’art, à leur céder du temps sur ses cours pour qu’elles présentent Niky de Saint Phalle (photo ci-dessus), Shigeko Kubota, Yoko Ono, Cindy Sherman, Gina Pane, Orlan (Mireille Porte), Annette Messager (photo ci-dessous), Miss. Tic ou encore Marlène Dumas.

 

 

En attendant, il faut créer, peindre, recommencer, douter, chercher, subir l’indifférence, le mépris pour aller au bout de la troisième année. Peu satisfaite de ses résultats picturaux, la narratrice s’oriente vers le texte, les mots qu’elle met en scène, phrases qu’elle agence et qui sont la matrice de ce livre que je lis avec beaucoup d’intérêt.

 

 

L’après beaux-arts est sûrement le plus difficile pour ces jeunes artistes qui n’arrivent pas à se faire admettre dans les galeries et doivent assumer des petits boulots pour pouvoir manger, payer leur loyer. Certains, comme Lucie, se tournent vers l’enseignement. Luc persévère, offre un très intéressant entretien sur Radio Nova mais n’est finalement pas heureux alors que la narratrice écrit tout en refusant le roman classique.

 

Térébenthine, son parcours de vie, m’a permis une ouverture passionnante et fort instructive sur un milieu que je ne connais guère. Carole Fives a bien fait de partager son expérience tout en exprimant une fois de plus son talent littéraire vivant, varié et émouvant jusqu’au bout.

 

Jean-Paul

 

Térébenthine      par    Carole Fives.

nrf, Gallimard (2020), 172 pages.

 

Si j’avais beaucoup apprécié Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives (photo ci-dessous), primé d’ailleurs à plusieurs reprises, j’ai moins accroché à Térébenthine, le dernier roman de cette auteure.

 

 

Divisé en quatre parties, les trois premières relatant chacune, une des trois années d’étude aux Beaux-Arts de Lille pour de jeunes étudiants,  et la dernière intitulée l’après-Beaux-Arts, qui, comme son nom l’indique conte ce qu’ils sont devenus.

 

 

Lucie, Luc et la narratrice sont les trois étudiants, ils sont dévorés par l’envie de peindre, mais en ce début des années 2000, il faut vraiment être passionné car la peinture est déclarée morte. Sur la façade du bâtiment est d’ailleurs inscrit à la bombe « Peinture et ripolin interdits » et « les étages ont été rénovés pour accueillir les ateliers vidéo, son et multimédia ». « les ateliers de peinture pour les derniers résistants, ont été déplacés aux sous-sols, dans les caves ». Les Térébenthine, ainsi seront surnommés avec mépris ces mordus de peinture par les autres étudiants et pendant leurs trois années d’apprentissage ils devront affronter les humiliations et les profs eux-mêmes sont sans pitié.

 

Même si l’avenir semble bouché, notre trio fera face et après avoir terminé leur troisième année consacrée au mémoire, ils seront diplômés des Beaux-Arts comme tous les autres, l’écrémage se faisant après.

 

Térébenthine est une autofiction dans laquelle Carole Fives (photo ci-dessus) exprime tout son amour pour la peinture et en même temps tout son ressentiment pour cette période où une génération a été sacrifiée. On ressent sa colère, lorsqu’elle raconte les galères rencontrées par ces jeunes à l’issue de leurs études, se trouvant pour la plupart acculés à choisir d’autres voies pour subsister quand ils ne tombaient pas dans l’alcoolisme ou pire se suicidaient.

 

Lucie et la narratrice que l’on peut, je pense assimiler à l’auteure, s’étant étonnées auprès de leur professeur, du peu d’artistes femmes citées dans le programme d’histoire de l’art, ont obtenu carte blanche pour en parler. C’est un chapitre avec exemples à l’appui que j’ai trouvé magnifique qui montre encore une fois comment le talent des femmes a été longtemps ignoré et volontairement mis à l’index.

 

Carole Fives, elle-même diplômée des Beaux-Arts nous offre dans ce récit un portrait quasi historique d’une époque, où une génération de jeunes passionnés par l’art ont été sacrifiés. Si, Carole Fives, tout comme le personnage principal de Térébenthine, a fini par écrire plutôt que peindre, les lecteurs s’en féliciteront car nul doute qu’ils se régaleront et apprendront beaucoup de choses sur la peinture et sur la société, comme j’ai pu le faire.

Ghislaine

 

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