Constance Joly : Over the Rainbow
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Over the Rainbow par Constance Joly.
Flammarion (2021) 180 pages.
Prix Orange du Livre 2021.
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Fort, émouvant et beau, Over the Rainbow, deuxième roman de Constance Joly, est le résultat d’un travail difficile, celui d’une fille parlant de son père mort du sida et retraçant la vie de cet homme courageux.
Le Prix Orange du Livre 2021 a distingué une œuvre littéraire étonnante et dure à la fois car tout part de la visite d’une grande amie de ses seize ans, Justine. Au moment de partir, elle se souvient et déclare sans ambages, à Constance, que son père « fait partie des vieux homos qui sont morts les premiers. »
C’est un coup terrible pour elle et cela l’oblige à remonter le temps et à tenter de refaire vivre les vingt-deux années passées avec cet homme, Jacques, son père.
Les chapitres sont courts, comme les fragments de la vie de l’autrice avec lui. Le rythme est nerveux, les sentiments déferlent souvent comme il est normal pour cette femme qui se plonge dans trois gros albums photos et un film super 8. Tout commence et finit à Nice où Jacques grandit avec Bertrand, son petit frère, qu’il déteste.
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C’est ce frère qui, à dix-huit ans, se fait surprendre au lit avec un autre garçon mais qui ne se gêne pas pour affirmer devant le conseil de famille, réuni pour la circonstance, que c’est Jacques le plus pédé des deux !
Pour faire mentir cette accusation insupportable à cette époque, Jacques épouse Lucie en 1966. Ils s’installent à Paris deux ans après, fréquentent des gens célèbres. Elle enseigne à la Sorbonne et lui prépare une thèse.
Tout au long de cette histoire, l’autrice m’a fait évoluer dans un milieu intellectuel très favorisé où l’on parle beaucoup opéra et théâtre, où les vacances se passent souvent en Italie. Mais j’ai rapidement fait abstraction d’un milieu qui m’est complètement étranger pour vivre au plus près amour et drame, bonheur et malheur si bien racontés et décrits par Constance Joly (photo ci-dessus).
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Elle fait partager ses plaisirs d’enfance jusqu’à l’année de ses sept ans où son père quitte sa mère pour aller vivre un grand amour avec Denis qui ressemble à Robert Redford. Sa mère est dévastée. Puis elle apprend à vivre aussi chez son père qui est maintenant avec Ivan.
C’est avec lui qu’il part aux États-Unis, à Disneyland d’où elle reçoit une carte postale, puis à San Francisco. Nous sommes en 1979 et le virus du sida circule déjà. Ce n’est que beaucoup plus tard, la maladie étant bien déclarée pour son père, que sa fille se décide enfin à connaître l’histoire de ce Syndrome d’immunodéficience acquise qui, en 35 ans, cause la mort de trente-cinq millions de personnes et plus de quarante millions de malades. Il est appelé maintenant VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
C’est durant l’hiver 1988 que son père décide enfin de faire le test de dépistage qui se révèle positif. Sa santé se dégrade mais sa fille réussit à faire partager à ses lecteurs toutes ces étapes, toutes ces souffrances sans dédaigner les moments de bonheur et de partage. Bien sûr, elle regrette de ne pas avoir été davantage présente, aurait aimé accompagner chacun des derniers instants de cet homme qui sait qu’il va « casser sa pipe » très bientôt mais continue à donner des conférences sur l’opéra italien à Venise, assure ses cours à la fac et un séminaire une fois par semaine.
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Au cours de ma lecture, j’ai bien sûr été ému, bouleversé, parfois intrigué aussi mais j’ai apprécié les moments de tendresse et de poésie que Constance Joly a su ménager. Elle a eu la bonne idée d’emprunter le titre de la fameuse chanson de Judy Garland, interprétée dans Le Magicien d’Oz, en 1939. Over the Rainbow, au-delà de l’arc-en-ciel, cet arc-en-ciel symbole de la révolution homosexuelle et de la Gay Pride. Son père qui adorait cette chanson, aimait follement les comédies musicales.
L’amour de cette fille pour son père va ainsi bien au-delà de l’arc-en-ciel et je remercie la Fondation Orange et Lecteurs.com pour m’avoir permis de lire et d’apprécier ce livre si fort et si émouvant construit un peu comme a vécu Constance Joly avec son père, s’adressant à lui, la plupart du temps.
Jean-Paul
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Over the Rainbow par Constance Joly.
Flammarion (2021) 180 pages.
Prix Orange du Livre 2021.
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En recevant Justine la grande amie de ses seize ans venue voir son bébé, Constance ne se doutait pas que cette visite déboucherait sur un livre. En fait, c’est lorsqu’elle est sur le point de s’en aller que Justine veut prendre des nouvelles de son père, puis se souvient qu’il est décédé, « le dasse, c’est ça ? », « Oui, c’est ça, je me souviens : il fait partie des vieux homos qui sont morts les premiers. » La honte et le chagrin qui avaient alors ravagé Constance se sont changés en nécessité, celle de remonter le cours de la vie de son père et d’écrire son histoire.
Le titre fait référence à une célèbre chanson Over the rainbow, Par delà l’arc en ciel, une chanson qui a été le déclencheur de la révolution homosexuelle et de la Gay Pride dans les émeutes de Stonewall, l’arc-en-ciel étant le signe de la communauté LGBT.
Cette histoire est une déclaration, un cri d’amour d’une enfant à son père et cette enfant est la narratrice.
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Les parents de Constance Joly (photo ci-dessous), Jacques et Lucie forment un beau couple, amoureux d’art, de musique, et de littérature italienne qu’ils enseignent tous les deux. Ils ont quitté Nice pour s’installer à Paris en 1968 pour se mêler à l’effervescence parisienne. De leur union naît Constance.
Jacques tait quelque chose qu’il ne veut pas voir, qu’il tente d’ignorer, mais, quelques années plus tard, à l’âge de 37 ans, il va faire son coming-out, cesser de se mentir et enfin se laisser aller à son désir pour les hommes. Il quitte sa femme Lucie qu’il aime pourtant pour s’installer avec Ivan. Constance ne comprend pas tout de suite ce qui se passe mais voit alors sa mère tomber en dépression.
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Elle est sans doute, l’une des premières enfants en France à avoir été élevée par un couple gay et le récit qu’elle livre de la vie de son père avec Ivan puis, avec Sören se révèle extrêmement intéressant.
Puis viendra la terrible constatation de séropositivité et rapidement les dernières années de vie, jusqu’à son décès en 1992.
L’auteure fait le portrait intime de ses liens familiaux avec délicatesse, beaucoup de justesse, de finesse et de pudeur, peut-être parfois avec un peu de distance.
Ce roman remet en mémoire ces années 60-70 où l’homosexualité était taboue, rappelle les ravages causés par le Sida, le rejet de ceux qui en étaient atteints, le formidable travail d’ACT’UP qui a permis d’alerter les médias sur cette épidémie meurtrière, avec notamment cette intervention sur le parvis de Notre-Dame.
Avec des chapitres courts et une écriture sobre qui fait mouche où la poésie parfois s’invite, l’écrivaine nous confie son admiration pour ce père qui a eu le courage d’assumer sa différence et son besoin de le faire partager : « J’écris pour ne pas tourner la page. J’écris pour inverser le cours du temps. J’écris pour ne pas te perdre pour toujours. J’écris pour rester ton enfant. »
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Lauréate du 13ème Prix Orange du Livre avec Over the Rainbow, Constance Joly signe un roman autobiographique émouvant, très intime qui, néanmoins se révèle d’une portée universelle et ne peut qu’inciter à être soi et à vivre pleinement sa vie.
Un grand merci à Lecteurs.com et à la Fondation Orange pour m’avoir permis de lire ce roman ô combien touchant et délicat !
Ghislaine