Lydie Salvayre : Pas pleurer

Pas pleurer       par     Lydie Salvayre.

Seuil (2014) 278 pages ; Points (2015) 240 pages.

Prix Goncourt 2014.

 

 

Avec Hymne, Lydie Salvayre avait révélé la vie très complexe de Jimmy Hendrix. Dans Pas pleurer, œuvre littéraire riche et très diversifiée sur le plan de la langue, elle donne la parole à sa mère qui nous plonge dans l’Espagne de 1936, alors que la guerre civile va éclater.

 

D’emblée, l’autrice confie que sa mère est une mauvaise pauvre : « Une mauvaise pauvre est une pauvre qui ouvre sa gueule. » Le 18 juillet 1936, elle a 15 ans. Son village où de gros propriétaires ont confisqué les meilleures terres, est coupé du monde.

 

Parallèlement, tout au long du livre, Lydie Salvayre (photo ci-dessous) nous parle de Georges Bernanos dont le fils va se battre dans les rangs de la Phalange. Alors qu’il est installé à Palma de Majorque, l’auteur des Grands cimetières sous la lune , est profondément choqué par l’attitude de l’Église : « L’Église espagnole est devenue la Putain des militaires épurateurs. »

 

 

Mère de l’autrice, Montserrat Monclus Arjona est née le 14 mars 1921 et a toujours été appelée Montse ou Montsita. Elle a 90 ans et elle raconte. Son parler conserve les mots savoureux qu’elle crée en liant espagnol, catalan et français, une vraie  langue transpyrénéenne. Elle décrit la vie de villageois pris dans une tourmente qui va dévaster tout le pays avant de s’étendre.

 

Arrive José, le frère de Montse qui va vite s’opposer à Diego, le fils de don Jaime Burgos Obregón. Celui-ci a pris Montse comme bonne après avoir déclaré : « Elle a l’air bien modeste. », une remarque qui la blesse profondément. José défend passionnément les idées libertaires alors que Diego a adhéré au Parti Communiste, éternel conflit entre ceux qui ont le même idéal au départ mais n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la voie à suivre pour parvenir à une société égalitaire. Le camp républicain ne surmontera pas ces luttes fratricides.

 

Pas pleurer nous emmène aussi dans la Barcelone de 1936, une ville impossible à décrire. Montse la découvre et, pour elle, c’est un véritable séisme. Là, José veut vivre mais n’accepte pas de voir passer « les camions chargés de jeunes gens offerts à la boucherie. »

 

 

Approuvés entre autres par Claudel, le 27 août 1937, les évêques espagnols plébiscitent la dictature de Franco et Lydie Salvayre nous donne la liste des signataires sans oublier de dénoncer la lâcheté de pays, dont le nôtre, qui n’ont pas soutenu les démocrates espagnols et même interné ceux qui réussissaient à passer la frontière.

 

Bernanos a vu la terror azul, à Majorque, où 3 000 personnes ont été assassinées en 7 mois, soit 15 exécutions par jour, avec la bénédiction de l’épiscopat : « L’Église espagnole a révélé son visage effrayant. Pour Bernanos, l’irréparable  est consommé. » Il quitte Palma pour la France et sa tête est mise à prix par Franco.

 

Déjà mère de Lunita, Montse passe le Perthus le 23 février 1939 et mettra au monde Lidia quelques années plus tard, l’autrice de Pas pleurer qui livre ici un roman passionnant et indispensable.

 

 

 

Le 19 octobre 2014, à la Fête du livre de Saint-Étienne, Lydie Salvayre nous dédicaçait Pas pleurer en nous souhaitant « tout le meilleur ». Quinze jours après, son livre était récompensé par le prestigieux Prix Goncourt.

 

 

 Jean-Paul

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