Victoria Hislop : Cette nuit-là

Cette nuit-là      par    Victoria Hislop.

Traduit de l’anglais par Alice Delarbre.

Titre original : One August Night.

Les Escales (2021) 291 pages.

 

 

Plutôt que de définir Cette nuit-là comme étant la suite de L’Île des oubliés, mieux vaut lire les quelques lignes de la quatrième de couverture : Près de dix ans après la publication de L’Île des oubliés, Victoria Hislop redonne vie aux personnages qui ont enthousiasmé plus d’un demi-million de lecteurs français.

 

En effet, c’est à une remontée dans le temps que nous assistons pour retrouver les personnages du premier roman quelques années avant cette date mémorable du 25 août 1957, date à laquelle la colonie de lépreux de l’île de Spinalonga fermera ses portes, un traitement ayant été trouvé pour soigner cette maladie.

 

Anna, l’épouse de Andreas Vandoulakis vient de donner naissance à Sofia et quand celui-ci lui propose que le parrain, le nonos, soit Manolis, son cousin, Anna a bien du mal à contenir sa joie. Elle va enfin, après des mois de séparation, revoir son amant !

 

Quand l’évacuation de Spinalonga est annoncée, les habitants de Plaka (photo ci-dessous), en Crète, décident de célébrer le retour des malades et d’organiser une panegyri. Beaucoup de gens du coin ont vu leur existence bouleversée par la maladie d’un proche. Il en est ainsi pour Giorgos, le père d’Anna, dont la femme est décédée de cette terrible maladie et dont l’autre fille Maria a également été atteinte par  la lèpre, la forme la moins grave, Maria qu’il s’apprête à retrouver.

 

Mais alors que les festivités battent leur plein, un drame éclate, Anna est assassinée par son mari qui a découvert que Manolis était son amant.

 

Les effets vont être dévastateurs pour toute la communauté de Plaka.

 

Pour Manolis, « Anna était morte à cause de lui et il devrait désormais apprendre à vivre sans elle . » Il fuit la Crète pour la Grèce continentale où il se sentira exilé et où il tentera de se reconstruire en travaillant dans le chantier naval du Pyrée.

 

Andreas, lui est arrêté et conduit en prison à Neapoli. Jugé, il est condamné à la réclusion à perpétuité.

 

Quant à Maria, avec son mari le docteur Kyritsis, ils recueillent la petite Sofia, l’élèvent comme leur fille et Maria choisit le chemin du pardon en rendant visite à Andreas en prison.

 

Cette fameuse nuit où a eu lieu le drame, cette nuit-là, va, en fait, permettre à ces trois personnages que sont Manolis, Andreas et Maria de se révéler à eux-mêmes.

 

Par le biais de ces personnages aux personnalités très affirmées et bien différentes, Victoria Hislop met en scène des sentiments multiples  comme la honte, le déshonneur, la compassion, le pardon, tous  reliés ici à l’amitié et à l’amour. Pour nombre de Crétois, «  Philotimo ! L’honneur ! », ne justifiait-il pas d’ailleurs le meurtre d’une épouse infidèle ?

 

Elle nous plonge à nouveau, de la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1970, dans cette magnifique Crète, aux décors de rêves où le ciel et le mer, d’un même bleu, sont un enchantement, n’hésitant pas, en parsemant le récit de mots grecs, notamment de mots tendres, à nous faire pénétrer au cœur même de cette âme crétoise. 

 

Ce sont les années où l’île commence à découvrir le tourisme, et où les chantiers navals et la construction sont en plein essor.

 

C’est avec intérêt que j’ai suivi les cheminements individuels des trois personnages principaux, surprise un peu par celui de Manolis, ce jeune homme assez volage mais sincèrement épris d’Anna, qui par sa force morale parvient peu à peu à faire son deuil. De belles pages sont accordées à la place importante de la musique dans l’extériorisation des sentiments. Maria, personnage quasi parfait, parvient, elle, à trouver le courage de rendre visite en prison à Andreas, l’assassin de sa sœur, par compassion envers celui qui est le père de Sofia qu’elle adore. Visites au cours desquelles outre la puanteur quasi insoutenable qui règne en ces lieux, elle doit affronter le machisme et la lubricité des gardiens qui prennent tous les droits. Néanmoins, elle parviendra à tenir bon.

 

La religion orthodoxe a une place prépondérante en Crète et c’est elle qui guide Maria et Andreas dans leurs comportements mais j’ai trouvé que l’auteure lui avait donnée trop d’importance dans le récit.

 

Des allusions sont faites au contexte politique de la période pendant laquelle se déroule le roman. Victoria Hislop glisse au passage la situation à Chypre et les propositions pour l’indépendance. Elle évoque le coup d’état armé en Turquie de 1960, n’omettant pas de dire et c’est toujours d’actualité « Tout ce qui se passait à Ankara affectait la vie politique à Athènes. »

 

Et, à la fin du roman, Manolis révèle que deux ans plus tôt, des colonels s’étaient emparés du pouvoir et que le pays est placé sous une dictature militaire. Nous sommes donc en 1969.

 

Ce roman dramatique est absolument captivant et passionnant même si l’on ne retrouve pas le cachet de L’île des oubliés avec cet extraordinaire récit sur Spinalonga (photo ci-dessus).

 

La postface datée d’octobre 2020, dans laquelle Victoria Hislop (photo ci-dessus) raconte comment elle a eu la révélation de l’écriture de cette histoire est particulièrement intéressante et même bouleversante.

 

Un récapitulatif sur la lèpre au XXIe siècle termine cet ouvrage qui a eu le mérite d’inscrire cette maladie au cœur d’un roman d’amour en nous faisant prendre conscience de tous les préjugés qui l’entourent encore.

Ghislaine

 

 

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