Haruki Murakami : Underground

Underground        par     Haruki Murakami.

Traduit de l’anglais par Dominique Letellier.

Belfond (2013), 583 pages ; 10/18 (2014) 552 pages.

 

 

L’escalade de l’horreur se poursuivant toujours, nous oublions un peu trop vite, surtout si cela se produit loin de l’hexagone. L’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo, le 20 mars 1995, fait partie de ces faits gravissimes rangés dans un coin de nos mémoires puis délaissés. Un des plus grands écrivains japonais, Haruki Murakami (photo ci-dessous), n’a pas laissé passer cela sans réaliser un impressionnant travail de mémoire et d’écriture en publiant Underground dès 1997, livre publié en français six ans après.

 

 

Pour cela, avec deux assistants, il a recherché des survivants pour les interroger et cela lui a pris toute l’année 1996. Il avait 700 noms mais n’a pu en identifier que 140. Parmi ces personnes, il a réussi à réaliser 62 entretiens dont plusieurs avec des membres de la secte Aum.

 

 

Chaque témoignage, publié après lecture et approbation de la personne, est précédé d’une présentation de l’auteur qui n’oublie pas de détailler chaque lieu, chaque ligne et chaque station de métro, présentant aussi les hommes qui ont sciemment perpétré ces crimes.

 

 

Il ressort tout de suite que chaque criminel choisi par le gourou Asahara et qui s’est installé dans le métro pour percer une ou deux poches de plastique contenant le gaz mortel, chacun avait un complice l’ayant convoyé en voiture et l’attendant à la station suivante. De plus, ces hommes étaient tous très instruits, diplômés, faisant partie de l’élite du pays mais convertis à ce qui se voulait une nouvelle religion.

 

 

Au fil des témoignages des rescapés, on remarque l’incrédulité des gens, la désorganisation complète des secours et l’attitude héroïque des employés du métro. Plusieurs sont morts et d’autres ont été gravement intoxiqués en ayant voulu intervenir.

 

 

En tête de chaque témoignage, l’auteur met en exergue une phrase révélatrice de l’état d’esprit de la personne interrogée. En voici quelques-unes : « Je ne suis pas une victime, je suis un survivant. » (Toshiaki Toyoda, 52 ans) ; « Il ne s’agit pas seulement de décider si je prends le métro ou non ; le simple fait de marcher me fait peur désormais. » (Tomoko Takatsuki, 26 ans) ; « Si je n’avais pas été là, quelqu’un d’autre aurait ramassé les poches. » (Sumio Nishimura, 46 ans) ; « Ce genre de peur, je ne l’oublierai jamais. » (Yoko Iizuka, 24 ans).

 

 

La plupart du temps, il n’y a pas de haine envers les auteurs des attaques même si certains demandent l’application de la peine de mort. Aussi, lorsque Murakami réussit à questionner d’anciens membres de la secte Aum, on essaie de comprendre le phénomène dans le cadre de la société japonaise. Akio Namimura explique qu’il a été séduit parce que Aum s’appuie sur le bouddhisme primitif et certains aspects du yoga mais qu’il fallait donner beaucoup d’argent.

 

 

Là aussi, les témoignages sont impressionnants et il est évident que le problème de fond n’est pas réglé. Les procès qui se sont tenus ont été lugubres, déprimants, désespérants et l’auteur ajoute : « Nous devons pourtant comprendre que la plupart de ceux qui adhèrent à des cultes ne sont pas anormaux ; ce ne sont ni des déshérités ni des excentriques, mais des gens qui mènent une vie normale qui habitent dans mon quartier. Et dans le vôtre. »

 

 

Ainsi, le problème est plus profond et peut concerner toutes les sociétés comme cette radicalisation que nous vivons aujourd’hui.

 

Merci à Vincent qui nous a offert ce livre.

Jean-Paul

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