Nicolas Juncker : Seules à Berlin

Seules à Berlin    BD    par    Nicolas Juncker.

Casterman (2020) 197 pages.

 

 

 

Librement inspiré par deux témoignages, Une femme à Berlin (anonyme) et Carnets de l’Interprète de guerre d’Elena Rjevskaïa, l’album Seules à Berlin est l’histoire de la rencontre de ces deux auteures. Cette histoire est une fiction, mais ces deux femmes qui ont servi de modèles à Nicolas Juncker ont réellement vécu. L’auteur en adaptant ces deux écrits, en les mêlant, réussit un album magnifique, bouleversant et passionnant.

 

 

L’une, Ingrid est allemande, proche du régime nazi, travaille pour la Croix-Rouge, et est aussi interprète russe, tandis que l’autre Evgeniya, russe, vient d’arriver à Berlin et fait partie du N.K.V.D. (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures).

 

Dans une première partie, nous faisons connaissance avec Ingrid pour les quelques journées du 20 au 27 avril.

 

Le récit débute donc le 20 avril 1945, à Berlin, le jour de l’anniversaire du Führer, mais l’ambiance n’est pas à la fête car le IIIème  Reich vit ses derniers instants. Les habitants affamés se terrent dans les caves pour échapper aux bombardements alliés, tels des rats. La ville n’est que ruines et les Russes vont arriver. Parmi les Berlinois Ingrid, 28 ans, survit tout en continuant à écrire son journal et note « Les Russes… Ils seront bientôt là. Nous le savons tous. Les Russes… Avoir faim… Attendre. »

 

Une deuxième partie est consacrée à Evgeniya et couvre les journées du 30 avril au 3 mai avec la prise du Reichstag et le suicide d’Hitler. La jeune interprète de l’état-major russe de 19 ans,  dont le supérieur est chargé de retrouver les restes d’Hitler après son suicide devra l’aider à procéder à son identification. Elle aussi tient un journal intime.

 

Les deux jeunes femmes vont avoir à se côtoyer, puisque Evgeniya va loger chez Ingrid. Nicolas Juncker décrit et illustre très bien cette cohabitation qui s’avère difficile, depuis le 3 mai jusqu’au 11 mai, date à laquelle « C’est désormais officiel. Nous avons trouvé Adolf Hitler. »

 

L’épilogue nous rend compte de l’après 11 mai jusqu’au 18 mai 1945 où Evgeniya quitte Berlin.

 

Nicolas Juncker a eu la fabuleuse idée de faire se rencontrer ces deux femmes, de faire croiser les deux destins de cette  soviétique et de cette  allemande proche des nazis, deux femmes que tout oppose et qui pourtant, devant cohabiter, ne seront jamais proches mais vont  tisser un lien entre elles. L’écriture participe à cette union, chacune d’elle a à cœur de relater dans son journal ces difficiles et éprouvantes journées avec tout ce dont elles sont témoins ou carrément victimes. Elles se retrouvent d’ailleurs, dans une forme de violence exercée à leur encontre.

 

Les viols de guerre massifs commis par les soldats de l’Armée rouge ne sont pas omis et élément moins connu, l’une des premières consignes enseignées à ceux qui s’engagent  « Il ne peut y avoir de prisonniers dans l’armée rouge, que des traîtres. »

 

Leurs journaux intimes respectifs dans lesquels elles content les derniers instants de Berlin sous le joug nazi sont des écrits essentiels.

 

En adaptant et en croisant deux romans, Nicolas Juncker (photo ci-contre) réalise une sublime performance.

 

Si l’écriture est réussie, les dessins et les couleurs sont à la hauteur et le tout se combine parfaitement. Le ton est donné dès le départ avec ces premières lignes « Berlin est un champ de gris. » et l’écrivain saura utiliser toutes les nuances de ce gris pour accompagner son récit illustré par les bâtiments en ruine et les visages émaciés et décharnés des Berlinois. Seules quelques touches de rouge sombre viendront rompre cet univers grisé lors de l’arrivée des Russes avec la prise du Reichstag. 

 

Par le biais original de ces deux voix féminines extrêmement touchantes et vraies, Nicolas Juncker signe un formidable bouquin aussi passionnant qu’instructif.

Un grand merci à Vincent pour m’avoir permis cette belle découverte.

 

Ghislaine

 

 

Seules à Berlin    BD    par    Nicolas Juncker.

Casterman (2020) 197 pages.

 

 

Il faut plonger dans cet album graphique hors du commun, se laisser prendre par cette ambiance de fin du monde, cette fin de Reich dans ce qui fut la capitale d’une folie aux conséquences inquantifiables autant qu’épouvantables.

 

Tellement de vies ont été bouleversées, brisées, abrégées à cause d’une idéologie imposée puis acceptée par la majorité d’un peuple cultivé et discipliné, ce qu’il ne faut surtout pas oublier.

 

Avec Seules dans Berlin, Nicolas Juncker révèle non seulement un talent de dessinateur très original mais il réussit aussi une œuvre d’historien que j’ai pu découvrir grâce à Vincent que je remercie.

 

Les deux femmes que tout oppose : une jeune russe, agent du NKVD, la police politique soviétique, et une berlinoise, bourgeoise qui aime un waffen-S.S. Toutes les deux, elles ont existé et ont livré chacune leur témoignage sur lequel Nicolas Juncker (photo ci-dessous) s’est appuyé pour bâtir son album.

 

 

En trois grandes parties se déroulant dans les derniers jours d’avril et au début du mois de mai 1945, ces deux vies qui se rencontrent, concentrent tous les drames et toutes les atrocités apportées par la guerre.

 

 

Dès le début, c’est Ingrid qui me plonge sans ménagement dans ce que vivent les Berlinois terrés dans leurs immeubles en ruine, dans des caves, alors que leur ville est bombardée et que les Russes approchent. Certains y croient encore comme Lothar, adolescent embrigadé dans les jeunesses hitlériennes. D’autres espèrent pouvoir manger avec l’arrivée de l’Armée rouge. Ingrid travaille avec le docteur Müssling pour la Croix-Rouge allemande.

 

Celle qui arrive avec l’armée russe est interprète. Malgré son appartenance au NKVD, cette police politique qui donnera le tristement célèbre KGB, Evgeniya Abramovna Levinsky, tente d’apporter un peu d’humanité au cours de ses rencontres.

 

Justement, pour se loger, elle se retrouve dans la même chambre qu’Ingrid Schneider (28 ans) puisqu’elle veut bien l’accepter. Evgeniya note tout car elle veut rédiger ses mémoires. Ses fonctions l’amènent au cœur du Führerbunker où elle est chargée de traduire les documents abandonnés par Hitler, Goebbels et consorts. Justement, où sont passés ces sinistres personnages ? Recherche et identification des corps ou de ce qu’il en reste sont bien démontrées par l’auteur.

 

Dans cet album graphique, il y a d’abord à voir et je reconnais avoir eu du mal avec les dessins de Nicolas Juncker. Pourtant, ils sont parfaitement adaptés à ce que vivent les gens au cours de ces journées terribles où l’on massacre et viole sans la moindre gêne.

 

 

La relation entre Ingrid et Evgeniya est très bien démontrée car ces deux femmes sont partagées entre compréhension et incommunicabilité.

 

 

Parce qu’elle a visité le camp de Theresienstadt avec la Croix-Rouge allemande, Ingrid rejette ce qu’Evgeniya lui apprend sur Treblinka et ce qu’on nommera plus tard, la shoah. Violée à de nombreuses reprises par les Russes, soldats et officiers, Ingrid tient son journal et sa lecture est terriblement impressionnante. C’est d’ailleurs une des caractéristiques de Seules à Berlin : des pages entières de dessins éloquents sans un mot et d’autres pleines d’une écriture dense.

 

L’horreur d’où qu’elle vienne est intolérable et j’ai trouvé de très haute tenue le travail de Nicolas Juncker. Seules à Berlin permet de ne pas oublier l’Histoire mais c’est d’abord une œuvre artistique dont je tiens à souligner l’immense qualité.

 

Jean-Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

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