Richard Malka et Fred Bernard : Idiss BD (d'après le livre de Robert Badinter)

Idiss    d’après le livre de Robert Badinter. 

BD par Richard Malka (scénario) et Fred Bernard (dessin et couleurs).

Rue de Sèvres (2021) 115 pages.

 

Richard Malka (photo ci-dessous), scénariste et Fred Bernard, dessinateur et coloriste ont repris le récit que Robert Badinter avait écrit sur sa grand-mère maternelle Idiss et l’ont adapté en bande dessinée.

 

Nous faisons connaissance avec la jeune Idiss, en 1890, alors qu’elle vit dans un village juif en Bessarabie, ancienne province ottomane au bord de la mer noire devenue russe. Elle attend le retour de son mari, parti se battre pour le tsar. Elle tente avec peine de subvenir aux besoins de ses deux enfants et de ses beaux-parents. Quand son époux Schulim revient du front après 5 ans d’absence, c’est le bonheur des retrouvailles et un an plus tard naît la petite Chifra.

 

L’antisémitisme et les premiers pogroms contre la communauté juive poussent bientôt les gens à fuir. Et quand Schulim, poussé par la passion du jeu, se laisse entraîner dans une partie et perd 200 roubles, la seule solution possible est de vendre les biens de la famille pour rembourser la dette et d’émigrer vers ce pays qui accueille des milliers d’autres réfugiés d’Europe centrale : la France. En 1912, ils s’installent donc à Paris dans le quartier populaire du Marais et développent une activité de confection. « Les mois passèrent, Idiss s’adapta à son nouveau monde et la Bessarabie s’éloigna. L’essentiel restait sa famille. »

 

Chifra, la fille d’Idiss, va rencontrer et tomber amoureuse de Simon Badinter venu d’un village voisin du sien qui avait choisi lui aussi d’immigrer en France, avait débarqué à Marseille et avait rejoint Nancy et son université pour des études commerciales. « Il rêvait de socialisme, de laïcité, et vénérait Victor Hugo. » Ils auront deux enfants Claude en 1925 et Robert en 1928 chéris par leurs parents et leur grand-mère Idiss.

 

Ces années s’annonçaient pleines de promesses et de bonheur mais dès 1935, avec le 7e congrès du NSDAP au cours duquel Hitler annonce une « loi de protection du sang et de l’honneur allemands » prévoyant l’interdiction de tout mariage entre Juifs et citoyens de sang allemand, les choses basculent et peu à peu, la guerre semble inévitable.

 

Ce récit est donc un formidable hommage que rend Robert Badinter à sa grand-mère maternelle Idiss, Robert Badinter, ce grand homme du vingtième siècle à qui l’on doit entre autre l’abolition de la peine de mort.

 

Mais cette épopée, cette tragédie familiale, si elle est une biographie retraçant les origines familiales et la vie de Robert Badinter est aussi un formidable document sur cette période noire de l’histoire européenne et un véritable appel à la vigilance envers l’antisémitisme et toute dérive xénophobe, cette haine abjecte n’ayant malheureusement pas disparue.

 

L’album rend compte à la fois de la tendresse, de l’amour que partagent les différents personnages, de la droiture dont ils font preuve, de la chaleur qui règne dans cette famille, de la confiance qu’ils ont envers ce pays, la France, cette république laïque qui protège tout un chacun et par ailleurs des affres de la guerre, de l’Occupation, des lois anti-juives, de l’abomination de la Shoah.

 

Richard Malka, homme de conviction, avocat, connu notamment pour être le défenseur de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, scénariste de bandes dessinées et romancier réussit par ses dialogues vivants et pleins d’émotion à nous faire vivre au plus près de ses personnages, sans pour autant omettre d’inclure quelques narrations historiques pour décrire l’époque.

 

Quant à Fred Bernard, l’illustrateur, la douceur de son trait  et les couleurs tout aussi douces de ses dessins donnent à cet album, il me semble, toute la chaleur et la tendresse que porte Robert Badinter à sa grand-mère, ces teintes pastel apportant également une touche d’apaisement à la noirceur des événements traversés.

 

 

En fin d’ouvrage, sont par ailleurs présentées sur trois pages, les lois et décrets du gouvernement de Vichy concernant le droit antisémite et xénophobe en France pendant la seconde guerre mondiale.

 

 

Idiss est une histoire personnelle, certes, mais également l’histoire représentative du destin de milliers de Juifs de l’époque.

 

 

Je n’ai plus qu’une envie, celle de lire maintenant le livre éponyme de Robert Badinter dont se sont inspirés Richard Malka et Fred Bernard.

 

Idiss, cette magnifique bande dessinée est à mettre entre toutes les mains dès 12 ans.

Ghislaine

 

Idiss    d’après le livre de Robert Badinter. 

BD par Richard Malka (scénario) et Fred Bernard (dessin et couleurs).

Rue de Sèvres (2021) 115 pages.

 

Adaptant Idiss, le livre que Robert Badinter a consacré à sa grand-mère, Richard Malka, pour le scénario, et Fred Bernard (photo ci-dessous), pour les dessins, ont réussi un bel et émouvant album graphique.

 

Avec des dessins d’une délicatesse égale à leur beauté, cette histoire débute en Bessarabie, province ottomane conquise en 1812 par la Russie. Cela correspond à peu près, aujourd’hui, au territoire de la Moldavie. De nombreux Juifs s’y étaient réfugiés mais, à partir de 1840, la haine et l’antisémitisme les rattrapent.

 

Idiss est née en 1863. Elle vit dans un shtetel, village juif d’Europe centrale, et s’occupe de ses enfants pendant que Schulim se bat pour tsar.

 

Puisque je cite le mot shtetel, je dois féliciter Richard Malka pour ses notes de bas de page afin de donner la signification exacte des mots en yiddish comme goys, Bar-mitsva, pogroms, leiker (gâteau juif traditionnel, sorte de tarte au citron). Ceci, sans en abuser, bien sûr.

 

Les anecdotes sont révélatrices quant aux conditions de vie difficiles, surtout en l’absence du père qui revient enfin, cinq ans après. De ces retrouvailles naît une petite Chifra, en 1899, petite sœur d’Avroum et de Naftoul.

 

Si Schulim se met à travailler comme tailleur, il a, hélas, pris goût au jeu et perd beaucoup d’argent. Quand éclatent les premiers pogroms - explosions de violence, de pillages, de massacres en Russie, contre les Juifs, avec la complicité des autorités - on commence à parler de départ. Mais où : à Chicago, en Palestine, en France ?

 

 

C’est vers notre pays que les deux aînés partent. Idiss ne veut pas quitter son village mais un événement précipite le départ.  Kichinev, Timisoara, Budapest, Vienne sont les étapes du parcours d’Idiss, Schulim et Chifra. Grâce à une organisation juive, les voilà à Paris. Idiss ne sait ni lire, ni écrire, ne parle que yiddish mais déborde d’affection pour ses enfants et compte toujours sur ses prières…

 

À l’école de la République, Chifra devient Charlotte et c’est elle qui, en 1928, donne naissance à Robert, après avoir épousé Simon Badinter.

 

La BD conte avec beaucoup de tendresse la vie de cette famille qui voit Schulim mourir à 56 ans d’un cancer de l’estomac pendant que le nazisme gagne du terrain en Allemagne.

 

Simon et Charlotte se sont mariés le 7 juin 1923, à Paris, et leur premier fils, Claude, est né en 1925. Simon réussit dans le commerce de la fourrure et la famille est aisée. Elle fait partie de la bourgeoisie juive de la capitale.

 

Léon Blum donne beaucoup d’espoir mais la bête immonde s’affirme de plus en plus. En mai 1940, la Belgique est envahie et les réfugiés affluent.  La famille Badinter, avec Idiss, se replie sur Nantes puis revient à Paris où humiliations et privations augmentent. Idiss souffre à son tour d’un cancer de l’estomac.

 

Les commerces juifs sont liquidés. Le 14 mai 1941, 6 000 juifs étrangers sont raflés et internés. Comme Idiss est très malade et ne peut plus se déplacer, partir en zone libre est un vrai déchirement pour tous. Elle s’éteint le 19 avril 1942 et elle est enterrée à Bagneux, à côté de Schulim. Quant à Naftoul Rosenberg, il est dénoncé, arrêté, déporté à Auschwitz en 1942, dont il ne revient pas.

 

La mère de Simon Badinter est raflée par la police française le 24 septembre 1942 et, à 79 ans, meurt dans le convoi qui la conduit à Auschwitz-Birkenau.

 

Avroum Rosenberg, arrêté à Lyon en 1943, reste interné à Drancy jusqu’à la Libération. Enfin, Simon Badinter, le père de Robert, est arrêté le 9 février 1943 à Lyon, déporté à Sobibor, en Pologne, dont il n’est pas revenu.

 

 

Si j’ai tenu à noter le sort de ces quelques membres de la famille Badinter, c’est pour concrétiser ces quelques vies brisées par la barbarie nazie, avec la complicité du régime de Vichy, et penser à toutes celles et à tous ceux qui ont subi le même sort.

 

 

Un beau portrait de la grand-mère de Robert Badinter orne une page de ce superbe album recommandé à partir de douze ans et que la lecture de Idiss, biographie écrite par son petit-fils, ne peut que compléter.

 

Jean-Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

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