Christophe Boltanski : Le guetteur
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Le guetteur par Christophe Boltanski.
Stock (2018), 286 pages ; Folio (2020) 304 pages.
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Difficile d’entrer vraiment dans ce roman dès les première pages et, pourtant, Christophe Boltanski a réussi à me captiver de plus en plus jusqu’à m’émouvoir vraiment au final.
Parti à la recherche de l’histoire de sa mère, Christophe Boltanski bâtit un véritable roman, démontrant un talent littéraire évident. Dès le début, je suis intrigué, je me pose des questions, je ne sais pas où je suis emmené car Le guetteur est, finalement, multiple.
Nous sommes au début des années 1960, à Paris, et c’est la guerre d’Algérie. Des étudiants se retrouvent dans un café. Ils parlent politique. Soudain, nous voilà plongés dans un appartement, six mois après la mort de la mère de l'auteur, appartement qu’il doit vider avec sa sœur.
La défunte voulait écrire des polars mais : « Ce n’étaient que des débuts de manuscrits, des essais, des entames de chapitres, des attaques dépourvues de chute, des amorces ne débouchant sur rien. Des promesses de livres en puissance. Des livres qui n’existeraient jamais. »
Photo ci-contre : Christophe Boltanski dédicace son livre aux Correspondances de Manosque 2018.
Ainsi, c’est parti avec alternance entre quête actuelle et passé qui remonte doucement à la surface malgré une volonté, décidément partagée jusqu’en haut lieu, de tout laisser sous le boisseau. J’ai souffert en découvrant le récit des dernières années de cette femme, Françoise L., morte d’un cancer du poumon mais qui fuma beaucoup jusqu’au bout !
Malgré cela, au fil des pages, je comprends davantage cette femme qui côtoie Talus Taylor (1933 – 2015), le créateur de Barbapapa. L’auteur utilise au maximum les éléments qu’il glane, romance remarquablement les manques et constate : « Loin d’être une masse inerte, ma mère était la somme de forces contraires, comme un élastique immobile, mais tendu à la limite de la rupture. » Tout cela après un retour plus loin en arrière auprès de ses parents et grands-parents, détaillant son enfance et son adolescence.
En pleine guerre d’Algérie, le livre prend toute son ampleur avec ces Français qui militent pour l’indépendance de ce pays, apportant leur aide au FLN : « Comme tous ses compagnons, elle craint le retour des temps meurtriers. Elle en voit partout les prémices : des généraux factieux, une police noyautée par l’extrême-droite, une organisation secrète qui pose des bombes et assassine. »
Militante active, elle se met en danger, héberge un leader du FLN en France mais son fils n’en trouve pas les preuves. Quand le préfet de police, Maurice Papon, décide que pour un coup porté, il en donnera dix, on en arrive au massacre du 17 octobre 1961, rappelé avec une froideur terrible qui me rappelle L’itinéraire d’un salaud ordinaire de Didier Daeninckx.
Sans en dire plus, je peux ajouter que j’ai pensé à Patrick Modiano à plusieurs reprises lorsque l’auteur nous promène dans Paris, rues et bâtiments décrits très précisément.
Jean-Paul