Éric Fottorino : L'homme qui m'aimait tout bas
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L’homme qui m’aimait tout bas par Éric Fottorino.
Nrf Gallimard (2009) Folio (2010) 162 pages.
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« Le 11 mars 2008, en fin de journée, dans un quartier nord de La Rochelle, mon père s’est tué d’un coup de carabine. » C’est avec la brutalité d’une nouvelle bouleversante que commence ce récit durant lequel Éric Fottorino (photo ci-dessous) tente de comprendre ce père qui l’a adopté à l’âge de 9 ans et lui a donné son nom.
Michel Fottorino a écrit une lettre à chacun de ses trois fils mais c’est Éric, le plus âgé, qui doit remettre à François et à Jean, le courrier les concernant. Bien sûr, il y avait cette attaque cérébrale mais « il avait retrouvé peu à peu l’usage de ses mains et de ses bras. » Lui, le kiné, il avait repris la course à pied mais n’avait jamais accepté d’être obligé de ne plus exercer son métier. D’ailleurs, la plaque « Michel Fottorino, masseur-kinésithérapeute » avait disparu. Il avait perdu toute sa raison d’être « il aimait qu’on ait besoin de lui. »
Ce grand sportif était fâché avec tout ce qui était administratif, n’ouvrant aucun courrier à en-tête, négligeant complètement de se mettre à jour de ses dettes, se contentant de soulager ses patients avec ses mains.
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En même temps que les formalités s’enchaînent, les souvenirs reviennent avec cette Tunisie où il a grandi, sa passion pour le foot et le cyclisme : « Papa m’a mis sur un vélo après avoir constaté ma nullité au football… À vélo, il m’a appris la vie. » Tous les deux, ils avaient grimpé le Tourmalet. La photo de couverture semble illustrer cet épisode avec un Michel Fottorino arborant un immense sourire mais « depuis sa mort, il vit plus que jamais en moi à travers les hasards qui surgissent, » reconnaît celui qui dirigea le journal Le Monde, ce journal que son père lui achetait chaque jour dès qu’il entama ses études de droit.
Cet homme qu’il a commencé à appeler Papa, à presque 10 ans, est présent dans ses romans : Rochelle et Korsakov. Dans Un territoire fragile, le cabinet de kiné qu’il décrit est celui de son père : « Il était mon accordeur de corps et de cœur. »
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Enfin, c’est le premier été sans lui. Une sortie à vélo : « Allégresse de pédaler dans cette féérie et tristesse de ne plus t’y voir », lui rappelle ses courses, à 15 ans : « Tu m’aimais tout bas, sans effusion, comme on murmure pour ne pas troubler l’ordre des choses. » Partagé entre deux pères lorsqu’il retrouve son « père naturel », il avoue : « Il m’a fallu du temps pour faire la part des choses, pour aimer l’un et l’autre sans tiraillements »
Enfin, une question taraude l’écrivain : « Aurais-je pu l’empêcher ? » Sachant qu’il était dans la dèche, il pense que oui mais c’est fait et pas un jour ne passe sans penser à lui : « Au revoir papa, salut, pas adieu, on risquerait de se manquer. »
Jean-Paul