Éric Fottorino : Mon tour du "Monde" (1)
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Mon tour du « Monde » par Éric Fottorino.
nrf, Gallimard (2012) Folio (2014) 528 pages
Quel récit dense, instructif et finalement très politique ! Éric Fottorino, après avoir fourni déjà une riche production littéraire, a raconté vingt-cinq années de passion journalistique au sein de ce journal de référence qu’est Le Monde.

C’est après avoir travaillé autant d’années pour ce grand quotidien du soir qu’il se voit révoqué, le 15 décembre 2010, par Pierre Bergé, nouveau président – avec Xavier Niel et Matthieu Pigasse – du groupe Le Monde (Télérama, Courrier International, La Vie, Ulysse). Ce jour-là, s’arrêtait une formidable aventure qu’il définit ainsi : « écrire pour ce satané canard qui raccourcissait nos nuits mais prolongeait nos vies. »
Né en décembre 1944, sur les décombres du « Temps » qui avait collaboré, Le Monde a été fondé par Hubert Beuve-Méry. Éric Fottorino (photo ci-dessous) y arrive en 1986, au service économique. Il faut : « d’abord mériter l’honneur qu’on m’avait fait de m’engager » sa passion pour le journalisme lui a donné l’occasion de travailler, à 19 ans, au service des sports de Sud-Ouest où il réalise même une interview de Colette Besson.
Le journalisme lui permet de guérir une timidité naturelle alors qu’il rêve encore de faire carrière dans le cyclisme. À 20 ans, il réalise qu’il ne pourra pas devenir coureur professionnel et monte à Paris pour étudier le droit. Licence en poche, il est reçu à Sciences-Po. C’est à cette époque qu’il tente sa chance en envoyant directement un article au Monde, article qui est publié. Encouragé par ce premier succès, il écrit pour Le Quotidien de Paris et Libération. Durant l’été 1982, il est stagiaire deux mois dans ce dernier quotidien puis collabore avec plusieurs magazines.
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Les hasards des premières années de sa vie professionnelle lui font rencontrer un certain Edwy Plenel mais, déçu par la politique, il ne vibre plus que pour l’économie et la justice. Après avoir fait ses armes à La Tribune, le voici au Monde, rue des Italiens. Il comprend vite que là, la star, c’est le journal. Dès 1983, il a sa carte de presse et, à partir de 1989, il assiste à l’informatisation progressive de la rédaction. C’est la période où il fréquente la Bourse, le Palais Brongniart, où il rencontre, le fils de Jean Robic qui y travaille comme coursier à vélo. Sans cesse sur le terrain, il ne cesse d’aller chercher l’information au plus près de ceux qui font la vie que ce soit en Éthiopie, en Guinée, au Niger, au Brésil, en Écosse, etc… mais aussi en Lot-et-Garonne. Ces enquêtes lui permettent d’écrire ses premiers livres sur l’agriculture car il est conscient du danger des politiques agricoles qui coupent les paysans de leurs racines. Il découvre le travail de Henri Mendras qui dénonce les deux maux précipitant la fin de la paysannerie au profit de l’agriculture : la motorisation et la chimie.

Envoyé spécial au Panama, au Vietnam, à Moscou, au Mexique, en Colombie, à Madagascar, en Afrique du Sud, au Maroc, en Tunisie, au Brésil encore, il découvre toutes les turpitudes qui pervertissent la vie sur notre planète mais, au Monde, la succession d’André Fontaine est ouverte. Jacques Lesourne hérite de la direction. Alain Minc et Jean-Marie Colombani entament un travail de sape. Éric Fottorino décide alors de faire une pause et de prendre une année sabbatique pour écrire un roman. Éric Arnoult – Orsenna le conseille et il publie Rochelle avant de revenir au Monde, fin 1994, appelé par Edwy Plenel, Jean-Marie Colombani étant directeur . il réussit maintenant à faire la part entre le journalisme et son travail d’écrivain.
Le Monde a déménagé à la rue Falguière et sa nouvelle formule a fait remonter les ventes de 6%. Les journalistes travaillent maintenant en open space, regrettant l’époque des petits cagibis de la rue des Italiens. Éric Fottorino fait partie de l’équipe des grands reporters et ses modèles sont Jean-Claude Guillebaud et Jean Lacouture. Il consacre son dernier reportage au Rwanda et publie Cœur d’Afrique juste avant que Edwy Plenel ne le nomme rédacteur en chef chargé du service des reporters.
Pendant cinq ans, de 1998 à 2003, il n’écrit plus mais anime une équipe, même si, en 1999, il publie une double page d’extraits du livre de Véronique Vasseur, médecin-chef à la Santé. 2001, c’est l’année de sa fameuse expérience au cœur de la course à étapes du Midi Libre avec un vélo offert par Jimmy Casper. Après s’être entraîné très dur, il peut rouler aux côtés des coureurs et raconte au jour le jour ce qu’il vit. Il y a ensuite le choc du 11 septembre, des hommages funèbres à Tabarly, à Gainsbourg, etc… Puis Pierre Péan et Philippe Cohen publient La face cachée du Monde, un poison lent qui vise le triumvirat Colombani – Minc – Plenel. Ils quitteront le journal l’un après l’autre.
(à suivre…)
Jean-Paul