Christophe Perruchas : revenir fils

revenir fils      par     Christophe Perruchas.

la brune au rouergue (2021) 278 pages.

 

 

C’est avec deux voix et sur deux temps que Christophe Perruchas, dans son deuxième roman,  raconte l’amour maladroit d’un fils pour sa mère atteinte du syndrome de Diogène. D’abord 1987, quand le fils est adolescent, puis vingt ans plus tard en 2007, alors qu’il est adulte et jeune père.

 

C’est donc en 1987, à quatorze ans, alors qu’il est en cours au collège, qu’il apprend le décès de son père dans un accident de voiture avec sa 504. Sa mère va alors montrer quelques troubles mentaux, se mettant à accumuler des objets de façon obsessionnelle. Le fils dont le prénom n’est jamais mentionné, préfère vivre dans la caravane désormais plus utilisée, au fond du jardin. Et les troubles vont s’aggraver, La mère se repliant de plus en plus sur elle-même jusqu’à  faire revivre un premier enfant décédé de la mort subite du nourrisson : l’enfant Jean. Elle est hospitalisée. Le fils se voit contraint d’abandonner ses amis et d’aller vivre chez Robert, le petit frère de la mère et Jacqueline son épouse. « Pour l’instant, je sais juste que ma mère m’a orpheliné de son vivant, le reste n’a pas beaucoup d’importance ».

 

On le retrouve en 2007, un peu désabusé, à bord d’un Picasso, avec sa femme Sandrine et leurs jumeaux Sacha et Louise, se rendant en vacances chez ses beaux-parents, deux semaines pour sa femme et les enfants et une semaine pour lui. C’est alors qu’il décide lors de cette semaine, où il doit théoriquement reprendre son travail de responsable dans une agence de location de voitures, de quitter sa vie familiale et professionnelle pour revenir vers elle, vers cette mère frappée d’amnésie, l’épiant d’abord les soirs, puis revenant vivre dans la maison familiale, circulant dans les pièces entre des murailles d’objets hétéroclites et de magazines divers, où la saleté et la crasse se sont incrustées. Il a fallu pour cela beaucoup de patience pour qu’elle s’habitue à sa présence : «  Il ne s’agit pas d’apprivoiser un fauve, c’est bien plus difficile. Y revenir. »

 

Christophe Perruchas (photo ci-contre) exprime les pensées de la mère et du fils sous la forme de deux monologues, aux formes bien différentes.

 

La mère parle d’elle-même avec des « on », laissant apparaître cette folie qui la gagne progressivement avec toutes les pensées, les errances, les obsessions ou les craintes qui se bousculent dans sa tête.

 

Quant au fils, c’est à la première personne qu’il s’exprime, dévoilant d’abord ses sentiments de jeune ado, ses premières amours, ses copains, ses rendez-vous avec l’assistante sociale, son départ chez son oncle…et ensuite ses questionnements sur sa vie en général.

 

revenir fils est un roman puissant, l’écriture est magnifique, originale et sublime et je m’en suis délectée.

 

J’ai été ravie de cette plongée dans les années 80, retrouvant avec plaisir et parfois nostalgie certains de ses aspects.

 

 

L’usure des corps tout comme celle des quartiers pavillonnaires est particulièrement bien décrite et nous interroge sur le passage du temps. Le ton est juste, souvent cru mais ô combien réaliste et plein de sensibilité. À noter qu’un humour corrosif émaille le roman de bout en bout et que celui-ci permet au lecteur de ne pas être submergé par cette tragédie qu’est la folie de cette femme frappée par deux grands malheurs et ses répercussions sur la vie de son enfant.

 

On rit et on pleure...

 

Les descriptions de sites, que ce soit de la cité balnéaire ou des quartiers pavillonnaires, comme de la vie de leurs habitants sont brossées avec justesse et sans hypocrisie.

 

Quand le fils revient à Nantes, il ne peut s’empêcher d’ironiser sur l’invasion des ronds-points : « Nantes, capitale mondiale du rond-point, même pas sûr que  ça n’attire pas des touristes curieux, on pourrait envisager un jumelage avec Konya et ses derviches. »

 

 

J’ai été touchée, émue, par l’amour filial, parfois maladroit, de ce fils revenu rencontrer sa mère qui l’ignore et par tous les efforts qu’il développe pour tenter de se rapprocher au plus près d’elle malgré tout le traumatisme vécu. Quels beaux moments pleins de délicatesse nous sont offerts en dernière partie de roman, notamment celui où le fils décide de donner un bain à sa mère ! Je citerai cette phrase qui m’a particulièrement touchée : «  Les petites filles s’entraînent à devenir  mère avec des poupons joufflus, pourquoi ne pas apprendre à être des fils et des filles avec des baigneurs ridés, aux cheveux rares et blancs, des poupées qui feraient pipi, qu’on devrait changer ? On pourrait même les faire parler et radoter, la fin de vie mérite bien autant d’attentions que son commencement. »

 

Dans revenir fils, Christophe Perruchas a su raconter avec talent et virtuosité ce qu’on pourrait nommer l’indicible ! Dur et tendre à la fois... Je remercie bien sincèrement Lecteurs.com pour cette belle découverte.

Ghislaine

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D
En cours de lecture de ce roman, alors je lirais vos avis après avoir fini et écrit ma chronique !
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C
Merci pour cette découverte, cela m'intrigue ! je prends note.<br /> Bonne journée !
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