Boualem Sansal : Gouverner au nom d'Allah
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Gouverner au nom d’Allah par Boualem Sansal.
(Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe)
nrf – Gallimard (2013), 154 pages ; Folio (2016) 192 pages.
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Écrire un tel livre sur un sujet aussi complexe que vaste est à la merci des bouleversements apportés hélas par l’actualité, en particulier les événements tragiques qui ont endeuillé la France et ses pays voisins au cours de ces dernières années. Par contre, il faut lire Gouverner au nom d’Allah par Boulem Sansal (photo ci-contre) pour se remettre en mémoire toutes les implications de la nébuleuse islamique.
Écrivain algérien de langue française, Boualem Sansal connaît le monde islamique de l’intérieur puisqu’il vit en Algérie et ses romans, comme Rue Darwin, permettent de comprendre beaucoup de choses.
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Gouverner au nom d’Allah débute par l’étude de l’évolution de son pays, passé du colonialisme à l’islamisme. « Des prédicateurs discrets venus du Moyen-Orient, la plupart membres des Frères musulmans… Nous les avons accueillis avec sympathie, un brin amusés par leur accoutrement folklorique, leur bigoterie empressée, leurs manières doucereuses et leurs discours pleins de magie et de tonnerre, ils faisaient spectacle dans l’Algérie de cette époque, socialiste, révolutionnaire, tiers-mondiste, matérialiste jusqu’au bout des ongles… »
Ils se sont répandu à travers le réseau des mosquées et des souks et, en 1988, après ce qu’on appela « le printemps algérien », le FIS (Front islamique du salut), parti créé de toutes pièces, remportait des élections cassées aussitôt par l’armée qui emprisonnait les principaux leaders islamistes, décrétait l’état d’urgence et instaurait le couvre-feu… et, « … en janvier 1991, le pays entrait dans une guerre civile qui allait durer une douzaine d’années. »
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En 2013, la guerre est finie mais la paix n’est pas gagnée car l’islamisme radical est enraciné dans la population et dépasse largement le cadre algérien. Son pays est dans un marasme et une douleur durables.
Après cette première partie, l’auteur passe à l’étude de l’islam et du monde musulman, précisant tout de suite que l’on confond « islam, religion respectable et brillante s’il en est, et islamisme qui est l’instrumentalisation de l’islam dans une démarche politique, sinon politicienne, critiquable et condamnable. »
Les pages qui suivent sont détaillées, complexes comme le tableau qu’il brosse mais toujours important à lire et à connaître. L’auteur rappelle les quatre grands courants : le sunnisme, le chiisme, le soufisme et le kharidjisme, sans oublier l’islam populaire avec prières, ramadan, pèlerinage, aumône… Il traite aussi de la liberté en islam, pose des constats et des interrogations et rappelle les vecteurs de l’islamisme : courants religieux radicaux, États musulmans, élites intellectuelles et universités, médias, « rue arabe » et émigration avec l’échec des politiques d’intégration.
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Enfin, Boualem Sansal, s’il réviserait aujourd’hui son opinion sur la Turquie, parle d’un monde arabe à la recherche d’une identité et d’un avenir. Il constate le problème posé pour l’Occident par l’islamisme mais ajoute que c’est aux musulmans qu’il fait le plus de mal : « Toutes les questions, toutes les peurs, tous les espoirs également sont possibles. »
En annexe, sont rappelés les courants, les écoles et les mouvements en islam, la répartition des musulmans dans le monde, le monde arabe avec sa population, sa langue officielle et son économie. Enfin, un texte d’Ibn Khaldoun (historien, géographe, homme politique du XIVe siècle, statue ci-dessus), conclut cet ouvrage qu’il faut lire.
Jean-Paul