Dan Franck : Les champs de bataille

Les champs de bataille      par    Dan Franck.

Grasset (2012) 288 pages ; Le Livre de Poche (2014) 240 pages.

 

 

Quand connaîtra-t-on enfin la vérité sur la terrible arrestation de Caluire, le 21 juin 1943, dans la maison du Docteur Dugoujon ? Ce jour-là, la Gestapo surprend et emmène huit personnages très importants de la Résistance dont Jean Moulin. Un seul réussit à s’échapper : René Hardy. Raymond Aubrac décédé en 2012, faisait partie de ceux qui ont été arrêtés par Klaus Barbie et ses sbires, puis torturés.

 

Dan Franck, avec le talent qu’on lui connaît, nous place dans le bureau d’un juge d’instruction à la retraite qui tente d’instruire le procès de René Hardy après que ce dernier ait été gracié à deux reprises. La question se pose toujours de savoir qui a trahi. Qui a donné aux nazis le jour, l’heure et le lieu d’une réunion secrète devant permettre aux responsables de la Résistance de se réorganiser après l’arrestation du général Delestraing, à Paris, quelques jours avant ?

 

Dan Franck (photo ci-contre) met le lecteur en situation, au cœur de l’action. Sur place, quand les flics allemands sont descendus de leurs voitures « c’était un silence de guerre, comme il s’en produit à l’arrière des champs de bataille. » Il dit bien que, lorsque les menottes claquent pour la première fois, celui qui subit cela, change immédiatement de statut.

 

René Hardy qui n’était pas invité à cette réunion et qui s’y rend quand même, était lié, avant-guerre, à des mouvements d’extrême droite. Hardy ne cache pas son hostilité à celui qui se fait appeler Rex, puis Max sous l’occupation : « Max était coco. » La distinction entre droite et gauche est clairement définie par l’auteur : «  À droite, on met en avant l’Homme et ses intérêts qui nuisent aux intérêts des autres. À gauche, on défend l’Homme et ses droits qui ne nuisent pas aux droits des autres. »

Avec précision et un sens de la description qui lui est propre, Dan Franck montre ce que Jean Moulin a pu voir la dernière fois : la vie quotidienne dans la rue, dans les autobus croisés entre Caluire et l’École de Santé militaire de Lyon où la Gestapo a établi ses quartiers. Aujourd’hui, ces locaux abritent un musée de la Résistance (photo ci-dessous) qu’il faut visiter.

 

Ce roman regorge de détails historiques et permet de comprendre le jeu tragique, la lutte pour le pouvoir en France après la guerre. Enfin, il y a le racisme viscéral de toute cette extrême droite.

 

De Bénouville qui se fait appeler Barrès, était un partisan du général Giraud. Fin 1943, il écrivait dans L’Alerte, une feuille antisémite, antigaulliste et pétainiste. De son côté, Jean Moulin voulait unir les mouvements de la Résistance, tirant les leçons de l’échec des Républicains espagnols qui ont perdu à cause de leurs divisions.

Ce livre de Dan Franck, on l’aura compris, est une excellente réflexion sur cette histoire dont la version officielle masque souvent les dures réalités. En plus, il a su mener son récit à son terme de façon  très émouvante.

Jean-Paul

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