Magyd Cherfi : Ma part de Gaulois

Ma part de Gaulois      par     Magyd Cherfi.

Actes Sud (2016), 258 pages ; Babel (2018) 272 pages.

 

« J’étais dans ma cité comme un magicien des mots et m’en léchais la plume. » Magyd Cherfi (photo ci-dessous) sait régaler son auditoire comme nous avons pu le vivre aux Correspondances de Manosque, mais il sait aussi toucher son lecteur à l’écrit, dans Ma part de Gaulois, récit dense et vivant qui avait bien sa place dans une première sélection pour le Prix Goncourt.

 

 

Exclu par la majorité des autres garçons de la cité, pas désiré au foot par ces copains qui parlaient mal et le traitaient sans cesse de « pédé », il lui restait les filles et cette langue française qu’il apprivoisait goulûment : « J’entrais dans la tribu de chez Clovis tel un canasson dans la ville de Troie. »

 

 

Pas facile de faire sa place à l’école : « Les hussards d’alors, encore en blouse grise et infectés de vocation républicaine, découvraient en ce début des années 1970 le fils d’immigrés suivi de son géniteur hébété, le bicot. » Sincère jusqu’au bout, Magyd Cherfi permet de comprendre tout ce que notre pays a raté au cours de ces années : « Nos ancêtres étaient Gaulois... Le croirez-vous ? On a aimé !... On ne savait rien de l’Algérie si ce n’est la guerre d’Algérie… On a été français un temps, le temps de la petite école qui nous voulait égaux en droits… On a aimé Jésus qu’avait le cœur sur la main, on a aimé Noël, Pâques et Mardi Gras, que des fêtes sympas… »

 

 

Hélas, le rêve ne dure pas. Dès que Magyd passe la porte de l’école, il est renvoyé à l’origine de sa famille. En fin de cinquième, « les « Arabes » basculaient sans s’en apercevoir dans la section atelier… » Les plus âgés, ceux qui n’ont pas aimé l’école et l’ont rejetée mènent la vie dure à ceux qui tentent de réussir et Magyd entraîne son lecteur jusqu’au bout du livre avec un personnage essentiel : sa mère, « la gardienne du temple, mon monstre moitié ange, moitié démon… ».

 

 

Elle veut que son fils aille jusqu’au bac et qu’il réussisse. Il sera le premier du quartier à l’obtenir après avoir surmonté beaucoup d’obstacles. Il écrit du théâtre pour son petit groupe d’amis avec Hélène, Samir, Momo, Bija, Hakima, Agnès alors qu’il faut éviter les coups de Mounir, de Fred le gitan ou du gros Saïd.

 

 

N’empêche qu’ils font du soutien scolaire avec deux dizaines d’enfants de 6 à 14 ans et que la chanson, le rock’n’roll l’attirent. Pour l’instant, leur trajectoire semble tracée : « Samir se voit en Jaurès des banlieues, moi en Hugo des prolétaires et Momo en Raimu multicolore. » Quant à ce qui attend les filles arabes, l’auteur n’en fait pas mystère, même s’il lutte pour que ça change.

 

 

Pour le théâtre, la scène au Conservatoire de Toulouse est mémorable. Enfin, le bac est décroché : « Je me sentais quelqu’un d’autre, en tout cas quelqu’un tout court. » Le retour dans la cité est un grand moment et ses parents n’hésitent pas à sacrifier un mouton pour inviter tout le quartier !

 

 

Devenu enfin lui-même, il choisit la carrière artistique et non docteur ou ingénieur comme tout le monde lui demande : « En devenant Magyd, j’ai juste récupéré ma part de Gaulois. »

 

Jean-Paul

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